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10 juin 2012

Vous reprendrez bien une petite coupe ?

Allmen et le diamant rose, Martin SUTER

Deuxième volume des aventures de l’enquêteur mondain : c’est bath!

Suite à ses précédentes aventures (aujourd’hui disponibles en poche et dont nous avions parlé ici), Johann Friedrich von Allmen, dandy aux poches trouées, s’est lancé dans des enquêtes au profit de clients fortunés qui recherchent avant tout la discrétion. C’est ainsi qu’il part à la poursuite d’un certain Sokolov, recherché pour avoir dérobé un diamant rose d’une valeur inestimable. Aidé par son fidèle Carlos, sans-papier qui maitrise aussi bien l’informatique que la cuisson des Saint-Jacques, Allmen s’en va poser ses bagages Vuitton dans un palace au bord de la Baltique. 
Comme pour Allmen et les libellules, l’intérêt n’est ici pas tant dans l’enquête, qui comporte pourtant quelques surprises, que dans le style et l’humour des personnages de Suter qui évoluent dans un cadre désuet, où l’argent, invisible et suspecté de vulgarité, irrigue tout. Les conventions sociales et les rapports de classe sont passés à la moulinette, l’air de rien, et chaque phrase est un petit plaisir de finesse et d’humour qui n’a pas le temps de lasser. On reparlera bientôt des lectures de vacances mais on peut d’ores et déjà ajouter les aventures d’Allmen aux listes des petits bouquins légers et bien fichus.

Référence :
Allmen et le diamant rose, Martin SUTER, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Christian Bourgois éditeur, 2012

22 avril 2012

L’art et l’Autre

Le Turquetto, Metin ARDITI

Un peintre – réel ou inventé – au centre d’un suspense historique et aux confluents de multiples cultures.

Au départ, il y a une nuance, un détail presque insoupçonné dans la signature de L’homme au gant, tableau attribué à Titien. Et si cette petite différence chromatique était la preuve de l’existence d’un autre peintre ?
De ce presque rien, Metin Arditi amène son lecteur à la suite d’un jeune garçon dans les rues bouillonnantes de Constantinople. 1531. Le père du petit Elie tente de survivre, endurant en silence les humiliations que doivent souffrir les juifs chassés d’Espagne. Et, alors qu’il voit la fin de ses jours arriver, il n’a de cesse de s’inquiéter pour Elie. L’enfant n’a qu’une obsession : dessiner ou, auprès d’un marchand d’encre du bazar, recopier à la plume, en formant de fascinantes arabesques, des extraits du Coran. Mais ni les musulmans ni les juifs n’acceptent que la créature de dieu ne se prenne pour un créateur : pas de portraits. Seuls les chrétiens, dans leurs incroyables mosaïques, représentent les figures humaines. Alors quand l’occasion se présente, Elie n’hésite pas et s’embarque pour l’Italie, direction Venise, où l’apprenti-peintre deviendra célèbre sous le nom du « Turquetto ».
Une fois le livre refermé, on rêve de découvrir les peintures de ce Turquetto – réel ou fictif – tant les descriptions de l’auteur font rêver. Mais les images ne sont pas que sur les toiles. Arditi redonne vie aux villes qu’il décrit, des bazars de Constantinople aux palais vénitiens. Du bruit, des odeurs et une sensualité à fleur de peau. Entre ces deux mondes, le personnage du peintre, juif en exil qui doit taire ses origines et son passé, fait la synthèse entre l’orient et l’occident. Au risque de se perdre... Car au-delà de l’art, le grand thème du roman est la mixité des cultures dans la société (et celle du seizième siècle rappelle ici souvent la nôtre). Les identités excluent, enferment et, comme dans les intrigues politiques qui rythment la vie de la Sérénissime, sont utilisées par les uns et les autres pour asseoir leur pouvoir. C’est d’ailleurs avec beaucoup d’intelligence que l’auteur s’empare des rivalités qui ravagent Venise pour, au fil des pages, faire monter le suspense.
Bref : un roman passionnant, intelligent et sensuel (et, pour les collègues, un must pour illustrer la Renaissance et les questions liées aux identités et aux cultures).
Et si après ça vous n’êtes pas encore convaincus, allez voir du côté de Françoise ou d’Emeraude.

Référence :
Le Turquetto, Metin ARDITI, Actes Sud, 2011.

25 juin 2011

Une enquête, darling?

Allmen et les libellules, Martin SUTER

Premier volume des enquêtes d’un gentleman-cambrioleur désargenté sur fond de trafic d’objets d’art. Champagne !

On ne prête qu’aux riches, certes, mais il vient un temps où ils doivent rembourser leurs dettes. Et, à y regarder de plus près, Allmen n’est plus riche. La cigale a chanté tout l’été et le petit pactole reçu en héritage a fondu au gré des dépenses somptuaires de ce gentleman habitué au raffinement et à un train de vie luxueux. Alors de temps à autre, de petits vols d’objets d’art permettent de rassurer les créanciers et de continuer à mener l’apparence d’une grande vie. Cependant, en dérobant une coupe Art nouveau à une mondaine excentrique, Allmen ignore qu’il vient de mettre le pas dans une histoire qui dépasse largement le cadre de ses habituels petits trafics et qu’il va devoir, avec l’aide de son majordome guatémaltèque, faire preuve de beaucoup d’astuces et de sang froid.

Martin Suter lance ici le premier volume des aventures de ce duo d’enquêteurs chics et distingués. Comme dans ses précédents romans, tout se passe dans la haute société suisse, monde de secrets bien gardés, où l’on ne parle d’argent qu’avec une extrême répugnance. En faisant de son héros un flambeur désargenté, Suter s’amuse à décrire les rapports de classes et les signes extérieurs de richesse. Même si l’enquête est finalement assez vite bouclée et convenue, l’atmosphère feutrée et les traits d’humour finement amenés donnent à ce roman une fraicheur et une légèreté qu’on aurait tort de bouder. 

Référence :
Allmen et les libellules, Martin SUTER, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Christian Bourgois éditeur, 2011


Et le deuxième volume des aventures d'Allmen, c'est ici.




21 juin 2010

Sur un air d'opéra

L’accordeur de pianos, Pascal MERCIER

Une famille dysfonctionnelle et ses secrets au centre d’un roman psychologique dense.

Patrice et Patricia ont vécu loin l’un de l’autre pendant plusieurs années. Lui à Santiago, Chili ; elle à Paris. Ils ont brutalement quitté leur foyer berlinois pour vivre pleinement une séparation, décidée ou imposée ?, nécessaire et définitive. Car ces deux jumeaux, on le comprend très vite, ont joué avec les limites de leur étonnante proximité et commis une faute peut-être irréparable. Il faudra un accident sensationnel pour qu’ils se retrouvent à nouveau dans la demeure de leurs parents : l’incarcération de leur père, accusé du meurtre d’un célèbre ténor en pleine représentation de Tosca. Comment comprendre ce geste insensé de la part d’un accordeur de pianos sans histoire, incapable d’un acte aussi théâtral et dramatique ? Patrice et Patricia vont remonter les fils de l’histoire familiale, recouper les récits, les souvenirs et mettre à jour une longue suite de non-dits et de secrets larvés qui ont rendu cette famille ordinaire complètement dysfonctionnelle. 
Les jumeaux racontent tour à tour leur histoire, celle de leur relation fusionnelle et de leur lente reconquête identitaire l’un sans l’autre, le deuil d’une fraternité qui les avait emmenés au-delà d’eux-mêmes. Leur récit est consigné dans des cahiers qu’ils devront s’échanger plus tard, une fois passé le drame qui touche leur famille, et alors, peut-être, ils pourront commencer à vivre.
Au fil des cahiers, nous apprenons les raisons du drame et l’histoire de chacun des membres de cette famille marquée par les regrets, les attentes vaines et les désillusions. A côté de son métier d’accordeur, le père s’est rêvé compositeur d’opéra et, toute sa vie, a recherché la reconnaissance d’un monde de la musique resté sourd à ses œuvres. A travers ces opéras, leur composition et la passion d’un homme, on découvre le roman d’une famille, sa perpétuelle amertume et ses mythes fondateurs qui, peu à peu, jetteront une nouvelle lumière sur le geste fatal du père (qui ne s’expliquera qu’à la toute fin du roman).
Chaque chapitre du roman est un cahier de Patrice et de Patricia. On recoupe donc peu à peu les informations pour reconstruire avec eux le fil des événements.
Les romans prenant pour thème la musique peuvent parfois s’avérer difficile d’accès aux néophytes. Pas de souci ici car même s’il est souvent question d’opéra, c’est avant tout comme d’un élément de l’histoire de la famille et pas comme un objet en soi. Il est davantage question de l’envie de créer, de laisser une trace, et de la différence entre l’artiste et l’artisan. En partant de l’histoire des jumeaux fusionnels (ce qui n’est pas très original), MERCIER prend vite ses distances pour montrer les liens entre les différents membres de la famille. La description des souvenirs et des sentiments est fine, minutieuse et souvent touchante, alors que le sujet pouvait s’avérer plutôt glissant. Jouant habilement sur la distance entre les deux personnages de jumeaux, l’auteur amène le lecteur à la découverte de cette histoire familiale tragique.
Seul bémol (ok, jeu de mot un peu facile pour un livre qui parle de musique…), certaines longueurs ou digressions inutiles qui ralentissent le rythme général du roman mais qui, au final, n’ont pas gâché mon plaisir. J’ai d’ailleurs beaucoup plus accroché à ce titre qu’à Train de nuit pour Lisbonne que j’avais abandonné en cours de lecture.
Un grand merci à la collègue qui m'a fait découvrir ce livre.

13 juin 2009

Qu'est-ce que tu lis pour les vacances 2009? #1

L’été est à nos portes et, pour nombre d’entre nous, c’est aussi bientôt les vacances !

Les journaux et les magazines ne vont pas tarder à recenser, si ce n'est déjà fait, ce qu’on appelle désormais les « livres de plage ». Alors nous aussi, et ce sera l’occasion de fêter la fin de la première saison de notre blog, nous avons voulu vous proposer quelques titres, d’hier et d’aujourd’hui, à emporter en vacances ou, ne soyons pas restrictifs, à la piscine, au parc, dans le jardin ou à la terrasse d’un café (l’idée étant, vous l’aurez compris, d’être détendus et prêts à se plonger dans une lecture captivante).

Commençons avec le grand ami des lectures de vacances : le polar !
Pour ceux qui auraient échappé au phénomène, profitez de l’été pour découvrir Millénium, la palpitante trilogie de Stieg LARSON (nous en avions déjà dit beaucoup de bien ici). Ou encore, les univers rafraîchissants d’autres auteurs du Nord (utiles en période de canicule) comme le champion de sa catégorie, Henning MANKEL. Certains connaissent déjà Le retour du professeur de danse, ou encore La lionne blanche (sans oublier Tea-Bag dont nous avons parlé ici. Nous vous conseillons cette fois-ci une autre aventure du commissaire Wallander : Les morts de la Saint-Jean (Niveau 2). Dans ce suspense digne des grands thrillers américains, nous suivons Wallander sur la piste d’un mystérieux tueur en série. Les indices s’accumulent mais ne se rattachent pas les uns aux autres. Le commissaire solitaire parviendra-t-il à arrêter le coupable avant de nouveaux meurtres ? (Pour d'autres auteurs venus du Nord, un petit rappel ici.)
Revenons dans nos contrées et amusons-nous avec les codes du polar traditionnel grâce aux enquêtes du commissaire Adamsberg de Fred VARGAS (Niveau 1). La romancière française est parvenue à créer, au fil de ses romans, un personnage lunaire et attachant, qui, dans ses drôles d’enquêtes, nous fait découvrir tout un univers décalé. Nous conseillons Pars vite et reviens tard, Sous les vents de Neptune et, le dernier sorti, Un lieu incertain, où Adamsberg suit la piste de tueurs de vampires…
Ou encore, pour les dandys amateurs de bons mots et d’énigmes, retrouvez Oscar Wilde jouant les Sherlock Holmes dans Le meurtre aux chandelles de Gyles BRANDRETH (Niveau 2). Wilde décide de mener une enquête suite à la découverte du cadavre d’un jeune garçon. L’occasion de voyager dans l’Angleterre de la fin du 19ème siècle, avec pour guide le flamboyant auteur du Portrait de Dorian Gray.
A la limite entre le polar et le roman de mœurs, Le dernier des Weynfeldt, de Martin SUTER (Niveau 3) (auteur dont nous avons déjà parlé ici). Adrian Weynfeldt, expert dans le marché de l’art et riche héritier d’une famille d’industriels zurichois, croise dans un bar Lorena, une mystérieuse femme qui, le lendemain, tente de se jeter du balcon d’Adrian avant de disparaître. Parallèlement à cette rencontre, un de ses connaissances lui propose de mettre en vente un faux : la copie d’un tableau du peintre Valloton… Et c’est le début des ennuis… Un roman élégant et léger sur le thème de la tromperie et du rapport à l’argent.


L’été, c’est aussi l’occasion de prendre le temps et qui dit temps dit : brique !
Nous avons déjà évoqué ici notre amour pour Jonathan COE. Si vous ne le connaissez pas encore, précipitez-vous sur le diptyque Bienvenue au club et Le cercle fermé (Niveau 3). Le premier roman suit le parcours d’un groupe d’adolescents à Birmingham dans les années 70. Premiers émois amoureux, questions existentielles et découvertes des idéaux, dans un climat de grands mouvements sociaux et politiques. Jonathan COE parvient, avec finesse et humour, à articuler la grande et la petite histoire. Dans Le cercle fermé, nous retrouvons les mêmes personnages, vingt ans plus tard. Que sont devenus leurs rêves et leurs espoirs à l’heure où le pays rentre dans le nouveau millénaire ?
Autre parcours, celui de Claude, jeune pianiste surdoué, héros de Corps et âme de Frank CONROY (Niveau 4). D’une enfance passée dans un appartement en sous-sol à New York à la découverte de son art, ce roman initiatique est une immersion dans le monde de la musique.
Plus léger mais tout aussi passionnant, L’ombre du vent, de Carlos Luis ZAFON (Niveau 3). Un best-seller international qui nous raconte les aventures d’un jeune garçon à la recherche d’un mystérieux écrivain à Barcelone à l’époque de Franco. Un roman haletant à la construction impeccable.

Dans la même catégorie (à savoir : ne soyez pas arrêtés par le nombre de pages), il y a encore Les falsificateurs d’Antoine BELLO, Le grand livre des gnomes de Terry PRATCHETT ou encore ces autres briques (et leur suite).

Pour changer un peu de ton, évoquons maintenant une saga qui est devenue, au fil des années, culte : Les chroniques de San Francisco d’Armistead MAUPIN (Niveau 2). Mary-Ann, une petite provinciale, débarque à San Francisco dans les années 80 et s’installe dans une maison tenue par Mme Madrigal, logeuse excentrique aux petits soins pour ses pensionnaires : Mouse, le jeune gay, Brian le séducteur ou encore l’étrange Mona. Tout ce petit monde cohabite joyeusement et vit de nombreuses aventures. MAUPIN est un dialoguiste hors pair qui parvient à captiver le lecteur dès les premières pages. On rit, on espère, on s’attache aux personnages et parfois on pleure un peu : c’est comme une série télé!

Aux Etats-Unis toujours, mais dans les années septante, Les charmes discrets de la vie conjugale de Douglas KENNEDY (Niveau 3). Malgré des parents progressistes, Hannah ne rêve que d’une vie tranquille auprès de son mari médecin. Mais l’ennui et la routine vont amener la jeune desperate housewife à se rendre complice d’un délit. Trente ans après, dans l’Amérique puritaine et sécuritaire de l’après 11 septembre, le passé d’Hannah refait surface et l’équilibre précaire de son quotidien de basculer… A travers la vie banale d’une mère de famille, KENNEDY dresse un portrait sans concession d’une société en proie à la paranoïa. (Et pour un mot sur son dernier roman, un petit clic ici). Dans un autre contexte et du même auteur, La poursuite du bonheur raconte une histoire d’amour à l’époque du maccarthysme.

A suivre ici.

6 janvier 2009

Small World

Small World, Martin SUTER

Conrad Lang vit depuis toujours au crochet de la riche et puissante famille Koch. A désormais soixante ans, Conrad sent qu’il est un poids pour cette famille qui l’a recueilli enfant et qui continue à le faire vivre. Au moment où il décide de se libérer de la tutelle des Koch, Conrad ressent les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer. Mais plus il perd sa mémoire proche, plus des souvenirs lointains resurgissent. Pour quelles raisons ces souvenirs semblent effrayer Elvira Koch, vieille dame de plus de quatre-vingts ans, qui endosse toujours le rôle de chef de famille ? Quel lien unit Conrad à la famille Koch ? Aura-t-il le temps de répondre à ces questions ?
Un suspense haletant pour un roman original.