Une gourmandise, Muriel BARBERY
Un petit roman qui prouve qu'aimer la nourriture ne veut pas toujours dire aimer les gens...
On se souvient, bien-sûr, de L'élégance du hérisson, expression qui caractérisait si bien le personnage haut en couleur d'une concierge en apparence revêche et acariâtre mais en réalité férue de culture et amoureuse des belles choses. On se souvient de sa rencontre avec la petite Paloma, si jeune et déjà désespérée du monde dans lequel ses parents, épouvantables intellectuels de la gauche caviar, névrosés et désabusés, l'avaient propulsée sans demander son avis. Et on se souvient, bien-sûr, du nouveau locataire, ce japonais charmant, qui les séduira toutes deux. Mais se souvient-on du précédent locataire de cet appartement ? C'est pourtant par sa mort que s'ouvre L'élégance du hérisson. Et c'est surtout le personnage principal du premier roman de Muriel BARBERY, sorti six ans avant le Hérisson, tout petit bouquin qui narre les derniers instants d'un très reconnu critique gastronomique.
C'est donc principalement de nourriture que parle ce roman. Car le maestro de la cuisine tente de savoir ce qu'il veut manger avant de mourir. Il fouille sa mémoire pour retrouver ce goût qui, comme la vie, lui échappe inexorablement. Alors il repense aux plats de son enfance, au ragoût de sa grand-mère, aux herbes du jardin de sa tante, à son premier sashimi, à son premier verre d'alcool... Et il nous décrit tout ça avec passion et amour.
Mais son récit qui donne l'eau à la bouche est ponctué du regard que posent les autres, ceux qui, de près ou de loin, ont fréquenté le maître et l'ont subi. Car très vite on comprend que notre héros aime les plaisirs de la bouche mais pas ceux de la vie sociale. Ainsi ne s'est-il jamais intéressé à ses deux enfants et encore moins à ses petits enfants, ainsi a-t-il bafoué sa femme qui malgré les années et l'indifférence de son mari reste passionnément amoureuse de lui, ainsi est-il craint et parfois haï de ses collègues, des femmes qu'il a séduites et abandonnées et surtout de sa propre famille. Seule sa femme de ménage voit en lui quelqu'un de bien.
Le livre, bien sûr, pour peu qu'on aime un peu manger (ce qui, je vous l'avoue, est mon cas!) donne l'eau à la bouche. Par ailleurs, on retrouve le style direct et dynamique de BARBERY ainsi que ses descriptions truculentes et ses considérations philosophico-psychologiques pleines de verve. Mais on pourrait regretter, outre le fait que le personnage, du haut de son mépris pour le genre humain, nous soit tellement antipathique qu'on se surprend à avoir envie de le voir mourir plus vite, la longueur du livre qui ne permet jamais vraiment de "rentrer dedans", ... En alternant descriptions culinaires (parfois un peu longuettes) et les réflexions des proches du futur défunt, l'auteur laisse un impression d'un petit livre décousu qui manque un peu de corps. Une gourmandise... un peu light.
Référence :
Muriel BARBERY, Une gourmandise, Gallimard, 2002, Folio pour l'édition de poche.