Mitsuba, Aki SHIMAZAKI
Shimazaki, avec sa grâce habituelle, parvient à faire d'un roman sur l'industrie japonaise, un récit des plus intimistes.
Takashi Oaki est un homme d'affaire consciencieux. Respectueux de la hiérarchie, il a monté les échelons un à un, dans la compagnie Goshima, celle où travaillait jadis son père, avant de mourir brutalement d'un arrêt cardiaque. Takashi s'apprête donc à embrasser la carrière de shôsha-man et se prépare à passer quelque temps à Paris pour la compagnie. Rien, donc, n'est censé le détourner de ce chemin tout tracé si ce n'est la jolie Yûko, qui travaille à l'accueil de la compagnie, et de qui Takashi va tomber amoureux. Leur idylle va naître, peu à peu, au détour des conversations qu'ils auront ensemble au café Mitsuba où ils aiment se retrouver.
Mais cet amour naissant ainsi que les confidences de son collègue, qui fait passer sa famille avant son travail, et les découvertes qu'il fait sur les circonstances de la mort de son père vont remettre en question toutes les certitudes de Takashi et ses illusions sur le bon fonctionnement de la compagnie mais aussi de toute la société japonaise.
L'amour mutuel que se portent Takashi et Yûko survivra-t-il aux pressions de la compagnie ? L'épilogue, situé quinze ans plus tard que le récit principal, nous le dit et est une jolie pirouette de ce récit de toute beauté.
Shimazaki, dont nous avions adoré la pentalogie
Le poids des secrets, est japonaise mais vit désormais au Canada. On retrouve dans Mitsuba toute la délicatesse de l'écriture de l'auteur qui parvient à parler d'amour tout en faisant le bilan d'une société japonaise engluée à la fois dans ses traditions et dans son élitisme, d'en montrer toute la beauté et toute la rigueur avec très peu de mots.
Si les auteurs français aiment souvent beaucoup beaucoup parler, parfois pour notre plus grand bonheur (Proust ou Balzac), parfois pour notre plus grand agacement (non, non, non, je résiste et je ne cite personne), les auteurs japonais semblent mettre un point d'honneur à trouver la formule la plus courte. Et c'est étonnamment efficace. C'est d'autant plus remarquable que Shimazaki écrit désormais en français.
La brièveté de cette critique a donc, vous l'avez compris, comme but de rendre hommage à l'écriture de l'auteur. Donc, chut, je n'en dirai pas plus !
Référence :
Aki SHIMAZAKI, Mitsuba, Acte Sud, 2006