La Langue de ma mère, Tom LANOYE
Roman familial à la forme mouvante et première traduction en français d’une grande voix venue du Nord de la frontière linguistique.
La mère et le père. Elle, comédienne semi-professionnelle, à la scène comme à la ville. Lui, boucher d’un quartier où tout le monde connaît tout le monde et où rien n’est loin de rien. Et l’un de leurs enfants, un fils écrivain qui se demande comment raconter sa mère et quels mots trouver pour décrire celle qui, dans ses dernières années, a perdu sa langue à la suite d’un accident cérébral. Quelles histoires, quelles anecdotes familiales faut-il choisir pour, non pas faire revivre ceux qui ont disparu, mais les laisser définitivement aller. « Écrire, c’est détruire, faute de mieux. C’est seulement après cela et à cause de cela que ce que vous écrivez devient du passé. La littérature consiste à lâcher prise. Écrire, c’est chasser de son souvenir. » (p. 69) Ce roman tout en courbes et détours est le chemin emprunté par Tom Lanoye pour, d’une certaine manière, tourner la page.
Parmi tous les éléments qui composent le livre, il y a d’abord le portrait d’une famille de commerçants d’une petite ville flamande, la middle class laborieuse, ses codes vestimentaires, alimentaires, sa fierté et son souci des apparences et du travail bien fait. Il y a également les histoires, drôles ou tristes, qui composent la mythologie familiale. Et puis les souvenirs d’enfance, les fêtes de fin d’année, les histoires de voisinages. Au centre de ce récit kaléidoscopique trône la figure maternelle, personnage haut en couleurs, adepte du bon sens et des effets dramatiques adroitement calculés. Le roman dresse par petits morceaux éclatés le portrait de cette mère omnipotente qui, après son accident, perdra l’usage des mots et, peu à peu, de sa superbe.
Tom Lanoye, dont c’est ici le premier roman traduit en français (dans le monde francophone, il était surtout connu pour son théâtre), invente une langue baroque, une nouvelle manière de raconter les êtres chers et les souvenirs, prenant le lecteur avec lui pour construire ce monument de mots, à des kilomètres de l’écriture de soi des auteurs français. Persuadé que le less is more est le contraire même de la littérature, Lanoye accumule, s’éloigne de son sujet pour, par la bande, y revenir toujours l’air de rien, dans un style généreux et débordant de tout. Comme si, pour combler le manque, seuls les mots pouvaient venir à bout de l’absence.
En ce qui me concerne, comme pour de nombreux Belges francophones, la littérature de l’autre côté de la frontière linguistique est une terra incognita et, à un moment où les deux communautés ont tendance à se replier sur elles-mêmes, la découverte de la voix de Tom Lanoye est une heureuse surprise que j’espère faire partager au plus grand nombre. Donc, lecteurs français : osez la littérature belge, oubliez Nothomb et ses romans-gadgets et partez à la rencontre d’un auteur dont on risque fort d’entendre parler à nouveau. Et comme bientôt c’est la Saint-Nicolas, vous savez ce qu’il vous reste à demander (si vous avez été sages…).
Référence :
La Langue de ma mère, Tom LANOYE, traduit du néerlandais (Belgique) par Alain van Crugten, La Différence, 2011
Roman familial à la forme mouvante et première traduction en français d’une grande voix venue du Nord de la frontière linguistique.
La mère et le père. Elle, comédienne semi-professionnelle, à la scène comme à la ville. Lui, boucher d’un quartier où tout le monde connaît tout le monde et où rien n’est loin de rien. Et l’un de leurs enfants, un fils écrivain qui se demande comment raconter sa mère et quels mots trouver pour décrire celle qui, dans ses dernières années, a perdu sa langue à la suite d’un accident cérébral. Quelles histoires, quelles anecdotes familiales faut-il choisir pour, non pas faire revivre ceux qui ont disparu, mais les laisser définitivement aller. « Écrire, c’est détruire, faute de mieux. C’est seulement après cela et à cause de cela que ce que vous écrivez devient du passé. La littérature consiste à lâcher prise. Écrire, c’est chasser de son souvenir. » (p. 69) Ce roman tout en courbes et détours est le chemin emprunté par Tom Lanoye pour, d’une certaine manière, tourner la page.
Parmi tous les éléments qui composent le livre, il y a d’abord le portrait d’une famille de commerçants d’une petite ville flamande, la middle class laborieuse, ses codes vestimentaires, alimentaires, sa fierté et son souci des apparences et du travail bien fait. Il y a également les histoires, drôles ou tristes, qui composent la mythologie familiale. Et puis les souvenirs d’enfance, les fêtes de fin d’année, les histoires de voisinages. Au centre de ce récit kaléidoscopique trône la figure maternelle, personnage haut en couleurs, adepte du bon sens et des effets dramatiques adroitement calculés. Le roman dresse par petits morceaux éclatés le portrait de cette mère omnipotente qui, après son accident, perdra l’usage des mots et, peu à peu, de sa superbe.
Tom Lanoye, dont c’est ici le premier roman traduit en français (dans le monde francophone, il était surtout connu pour son théâtre), invente une langue baroque, une nouvelle manière de raconter les êtres chers et les souvenirs, prenant le lecteur avec lui pour construire ce monument de mots, à des kilomètres de l’écriture de soi des auteurs français. Persuadé que le less is more est le contraire même de la littérature, Lanoye accumule, s’éloigne de son sujet pour, par la bande, y revenir toujours l’air de rien, dans un style généreux et débordant de tout. Comme si, pour combler le manque, seuls les mots pouvaient venir à bout de l’absence.
En ce qui me concerne, comme pour de nombreux Belges francophones, la littérature de l’autre côté de la frontière linguistique est une terra incognita et, à un moment où les deux communautés ont tendance à se replier sur elles-mêmes, la découverte de la voix de Tom Lanoye est une heureuse surprise que j’espère faire partager au plus grand nombre. Donc, lecteurs français : osez la littérature belge, oubliez Nothomb et ses romans-gadgets et partez à la rencontre d’un auteur dont on risque fort d’entendre parler à nouveau. Et comme bientôt c’est la Saint-Nicolas, vous savez ce qu’il vous reste à demander (si vous avez été sages…).
Référence :
La Langue de ma mère, Tom LANOYE, traduit du néerlandais (Belgique) par Alain van Crugten, La Différence, 2011