30 décembre 2009

Copenhagen revisited

Les mains rouges et Piazza Bucarest, Jens Christian GRØNDAHL

Deux romans d'un auteur danois, moins connu que ses collègues polardeux, mais qui vaut le détour.

Je soupçonne parfois Mme F. de travailler pour les services secrets scandinaves. Pas une rencontre au sommet sans qu’elle ne nous sorte de sa hotte l’un ou l’autre de ces auteurs du Nord dont on vous a déjà souvent parlé ici.
Entre deux polars, elle nous a notamment proposé de découvrir Jens Christian GRØNDAHL (prononcez comme vous voulez) que les critiques ont parfois qualifié de « MODIANO danois ». Car ne l’oublions pas, la France est l’ethnocentre de la littérature mondiale ! A quand le GAUDE inuit, le HOUELLEBECQ sri lankais ou la COLETTE bavaroise ? Bref…
Les mains rouges, dernier roman de GRØNDAHL traduit en français, mélange habilement réflexions sur l’histoire, et plus particulièrement celle des milieux terroristes d’extrême gauche en Allemagne dans les années 70, avec les parcours individuels d’un homme et d’une femme. Lui, étudiant, travaille à la gare de Copenhague durant les vacances. Il y croise une étrange jeune fille de retour d’Allemagne. Ils passent quelques jours ensemble avant qu’elle ne disparaisse, laissant derrière elle sa fausse identité et un sac rempli de marks à la consigne de la gare. Des années plus tard, il la recroise par hasard et décide de reprendre contact. Elle lui raconte alors l’histoire de son voyage en Allemagne et de sa rencontre avec un groupuscule révolutionnaire. Conscience politique, mauvaise rencontre, mauvaise passe ? Difficile à dire tant les événements semblent ne pas avoir prise sur elle. Doit-elle se sentir coupable ? Peut-il la comprendre, lui qui a passé ces dernières années sans vraiment l’oublier ?
Le roman est touchant par les errements de ces deux personnages qui luttent contre les souvenirs, les regrets et les remords. L’écriture simple et directe de l’auteur excelle dans l’évocation des moments creux et nostalgiques où rien ne se passe en surface mais où tout se joue. Une mélancolie qui pourrait peut-être ennuyer certains (sur la blogosphère, les commentaires sont partagés) mais qui moi m’a ému.
C’est, finalement, un dispositif assez proche de celui de Piazza Bucarest. Le narrateur tente d’y raconter l’histoire d’Elena, l’épouse roumaine de Scott, l’ex-mari de sa mère (vous suivez ?). Elena rencontre Scott, Américain vivant au Danemark, en Roumanie, à l’époque de Ceausescu. Ils contractent un mariage blanc pour permettre à Elena de sortir du pays, avant qu’elle ne disparaisse complètement sans laisser de trace. Le narrateur la retrouve et tente d’imaginer sa vie, pleine de silences et de zones d’ombres. Actes incompris, regrets, mauvaises décisions ; des gestes auxquels l’écriture parvient à redonner un sens.

La dimension philosophique des romans de GRØNDAHL apparaît en filigrane. Une réflexion sur les actes que nous posons, sur leurs conséquences, générales et individuelles.

Niveau 3

26 décembre 2009

Malemort et ses morts

Le passage des ombres, Isabelle HAUSSER

Un petit village de la Drôme, trois personnages luttant contre le chagrin, deux meurtres irrésolus... Voilà les ingrédients du dernier roman d'Isabelle HAUSSER.

Isabelle HAUSSER aime brouiller les pistes. Roman psychologique, roman policier, roman d’amour, on n’est jamais bien sûr… On avait été séduit par La table des enfants, roman étonnant d'une femme qui se rendait en Allemagne pour enquêter sur le suicide de sa fille qui semblait avoir laissé nombreux messages pour sa mère adorée. On est intrigué par son dernier roman, Le passage des ombres, aussi intelligent mais peut-être moins abouti. Le passage des ombres est la maison de Guillaume Barbier, à Malemort, petit village méridional chargé d'histoire. C'est aussi là que se réfugie son double et ami américain, William Barber, pour quelques mois, loin d'un pays gouverné par le président Bush, qu'il exècre. Enfin, c'est là que vient presque tous les jours Elise, amie d'enfance de Guillaume et médecin de Malemort. Ces trois personnages ont en commun un deuil à surmonter et l'amour de la musique. Deux histoires de meurtres irrésolus vont s'ajouter à l'histoire intime des personnages. L'une est réelle et actuelle. C'est l'assassinat d'une femme auquel Guillaume, en tant que juge d'instruction, est confronté et pour lequel il développera une étrange obsession. L'autre date de plusieurs siècles, pendant la période de la contre réforme, et passionnera William.
On est touché par la sensiblité et l'intelligence des personnages. De plus, l'écriture d'Isabelle HAUSSER est, comme à son habitude, précise et élégante. Par ailleurs, de nombreux thèmes et pistes de réflexion sont intimement entremêlés : la situation sociale et politique des USA, celle de la France, les attentats du 11 septembre, la douleur de la perte, la difficulté de l'amour, la situation des réformés avant la révocations de l'Edit de Nantes... et j'en passe. Le résultat est donc un livre étonnant et captivant. Malheureusement, il y a quelques longueurs. Isabelle HAUSSER se perd parfois en digressions et nous regrettons de ne pas suivre le fil de sa pensée. Rajoutons aussi que rien ne finit vraiment. Ni les résolutions des meurtres, ni les intrigues amoureuses. Comme dans la vie, pourrait-on dire, où tout ne trouve pas toujours une réponse et une solution. Mais avouons que cela gâche un peu le plaisir de la lecture et nous laisse, après avoir refermé la dernière page, la sensation de ne pas avoir réussi à assembler toutes les pièces du puzzle. Néanmoins, la finesse d'écriture d'Isabelle HAUSSER, l'intelligence de ses réflexions et son art de créer des intrigues à suspense nous donne envie de découvrir ses autres romans.

Un livre lu dans le cadre d'un partenariat organisé par BOB.

21 décembre 2009

Un livre sans fin

Un monde sans fin, Ken FOLLETT

Après Les piliers de la terre, on retrouve Kingbridge et ses habitants quelque deux siècles plus tard. Découvertes médicales et architecturales sont à l'honneur de ce nouveau roman de Ken FOLLETT qui n'a malheureusement pas la fougue du précédent.

Il y a vingt ans, Ken FOLLETT écrivit ce qui devint très vite un best seller : Les piliers de la terre, et nous découvrions que l'histoire de la construction d'une cathédrale pouvait être aussi passionnante qu'un roman policier. Nous avons dévoré cette histoire de seigneurs et de serfs, nous attachant aux personnages de Jack, d'Aliena et détestant de tout coeur l'affreux William. Nous avons vibré avec eux, nous nous sommes désepérés de leurs multiples chutes puis réjouis de leurs reconquêtes.
Quel ne fut pas notre plaisir d'apprendre que, dix-neuf ans plus tard, FOLLETT remettait le couvert et nous offrait une nouvelle saga monumentale située dans la ville de Kingbridge qu'on avait quittée avec tant de regrets. Nous sommes maintenant en 1327, soit deux cents ans plus tard que dans Les Piliers de la terre. Quatre enfants sont les témoins d'une scène étrange et meurtrière : un chevalier, poursuivi par deux soldats, enfouit dans le sol de la forêt, après avoir tué ses poursuivants, une lettre qui pourrait mettre la couronne d'Angleterre en péril. C'est la vie de ces quatre enfants que nous suivrons tout au long de cet immense récit. Il est d'abord question de Merthin, fils d'un noble déchu, descendant de Jack le batisseur, qui a l'ambition de
devenir chevalier mais qui sera placé en apprentissage chez un bâtisseur. Son destin sera irrémédiablement lié à celui de la cathédrale de Kingbridge. Il y a aussi Ralph, son frère, qui très jeune se découvre une passion pour le combat et la cruauté. Toute sa vie il tentera de grimper l'échelle sociale et rien ne l'arrêtera, surtout pas les scrupules. Ensuite il y a la petite Caris, dont Merthin s'éprend très vite. Mais à cause de sombres machinations et du caractère indépendant de Caris qui refuse le statut d'épouse soumise, ils resteront longtemps séparés. Enfin, il y a Gwenda, fille d'un paysan sans le sou, qui se battra bec et ongles pour échapper à la misère dans laquelle elle a grandi. Les personnages vont tenter de trouver un sens à leur destinée malgré la rude réalité du moyen âge et l'arrivée d'un ennemi qui ne leur laissera aucune répis : la peste !
Hélas, trois fois hélas, l'épaisseur du roman (presque 1300 pages) ne parvient pas à le hisser à la hauteur des Piliers de la terre. D'abord il y a de terribles longueurs. Nous qui pourtant en redemandions, nous surprenons à nous lasser des mille péripéties vécues par nos héros. Péripéties qui ont toutes un air de "déjà vu" pour qui a lu le premier opus. Par ailleurs, le manichéisme qui était pour le moins plaisant dans Les piliers de la terre, devient ici assez insupportable. Enfin, rajoutons que l'écriture n'a pas semblé être le premier souci de l'auteur. Certes, Les piliers de la terre ne brillait pas par ses effets de style mais l'écriture était suffisamment fluide pour mettre le récit au premier plan. Un monde sans fin est plein de lourdeurs, et je ne parle pas seulement du poids de l'ouvrage lui-même. Follett, qui s'est plu à multiplier les scènes à caractère sexuel (qui vont de badineries d'adolescents à de longues scènes de viol en passant par les amours entre religieux/ses qui paraissent tous bien portés sur la gaudriole) nous gratifie de passages tels que :
Merthin tâta le mortier entre les nouvelles pierres et porta son doigt à sa bouche. "ça sèche drôlement vite ! s'étonna-t-il.
- Je suis sûre que c'est très dangereux s'il reste de l'humidité dans la fente !" [dit Caris]

Il la regarda : "Je t'en donnerai, de l'humidité dans la fente! - Tu l'as déjà fait."
Bref, vous en conviendrez, la finesse n'est pas la qualité première de ce récit. Néanmoins, avouons-le, nous avons pris un certain plaisir dans la lecture de ces aventures médiévales sur fond de vengeance, d'amour, de haine, d'ambition et de soif de pouvoir. Mais cela justifiait-il le temps que prend ces 1300 pages? Je vous laisse seuls juges.

17 décembre 2009

Des cadeaux #1

On l’a dit: il fait froid et Noël approche. Il faudra bien y passer d’une manière ou d’une autre. Et peut-être même courir les magasins pour les cadeaux. Aïe… Pas simple, surtout pour ces grandes fêtes de famille où, finalement, vous ne vous voyez qu’une fois par an et, quand tante Machin vous offre cette année encore des petits bougeoirs qui, ô merveille, font aussi office de verrines, vous commencez à saisir qu’on ne vous connaît pas si bien que ça. Parce que vous, le cadeau pas trop cher qui vous fait toujours plaisir, c’est le livre. Alors vous faites circuler depuis quelques semaines une liste, pour éviter de recevoir encore des chaussettes Simpson (vous avez grandi, c’est vrai, mais pas pour tout le monde) ou un gel douche parfumé au spéculoos…

Mais offrir un livre, c’est parfois difficile. Pourtant, cela n’a que des avantages. Si vous n’offrez que ça, inutile de courir les magasins : un passage dans votre librairie préférée fera l’affaire. C’est facile à transporter, facile à emballer, ça se range facilement sous le sapin, ...
 

Pour fêter notre 101ème billet, sacrifions à la mode des listes et imaginons des livres à offrir à toute la famille.

Tonton Georges, c’est celui qu’on ne connaît pas très bien. Il travaille dans une grande boîte (une de celles avec deux noms vaguement anglais que vous ne retenez jamais), s’occupe de choses avec des chiffres et, à part la pêche à la ligne, vous ne lui connaissez aucun centre d’intérêt. Et bien, pourquoi pas un bon polar ? Pars vite et reviens tard, de Fred VARGAS. Du suspense, des personnages attachants et le retour de la peste noire en plein 20e siècle.

Tante Suzanne, elle est sympa, elle lit parfois, elle avait adoré Ensemble c’est tout d’Anna GAVALDA que vous lui aviez offert en 2004 et l’avait passé à toutes ses copines du cours de scrapbooking. Alors offrez-lui Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates (dont on a déjà parlé ici), plein de bonheur et d’humour. Ou bien Le mec de la tombe d’à côté, petite comédie douce-amère sur le choc des cultures. Idéal pour Noël, quoi…

Le petit cousin Victor n’est plus si petit que ça. Il a 18 ans, il ne jure que par des noms de groupes ultra-confidentiels, semble avoir greffé son iphone à sa main droite et vous pourriez jurer qu’à la dernière réunion de famille, son regard était trop vague pour être honnête… On peut tenter un MURAKAMI. Le passage de la nuit, par exemple. Le Japon est à la mode, le récit étrange à souhait et l’écriture magnifique, ce qui ne gâche rien.

Bonne-maman lit beaucoup, tout ce qui lui tombe sous la main. L’étrange disparition d’Esme Lennox va la toucher. Une histoire de femme du début du siècle, époque où être femme n’était pas facile, surtout quand on était différente. Touchant.

Tonton Etienne voyage beaucoup, vous avait fait découvrir les Chroniques de San Francisco, aime la légèreté et ne jure que par la littérature américaine. Montrez-lui que les Suédois aussi sont poilants et offrez-lui Doppler, d’Erlend LOE, un plaidoyer anti-Noël criant et un bon moment de rigolade.

Le petit cousin Nathan n’aime pas lire, surtout les livres de l’école. A quinze, il préfère nettement les jeux video. Slam de Nick HORNBY lui fera peut-être changer d’avis sur la littérature…

Bon, vous avez compris le principe: recycler ses lectures en cadeau de Noël pour toute la famille.
Et maintenant: à vous!

PS: En illustration, un détail d'une œuvre du super collectif eboy.



14 décembre 2009

Art et polar

Les Visages, Jesse KELLERMAN

Humour et tension pour une enquête qui a du style.

Du froid, de la neige artificielle, des files d’attente interminables aux caisses des magasins, une soudaine envie de marrons glacés en regardant la xème rediffusion de la Mélodie du bonheur (et pourtant on a le DVD)… Et oui : les « fêtes » approchent à grands pas ! On aime ou pas. Mais, malgré tout, c’est aussi le moment de se poser, de rester au chaud avec une bonne tasse de thé et un bon bouquin. Pour le chauffage et le thé, je ne peux pas faire grand chose. Mais, pour un pur moment de lecture-plaisir, voici un tout bon polar.
Ethan Muller est un jeune galeriste new-yorkais, petite pièce du petit monde de l’art contemporain de Big Apple. Artistes survoltés, vernissages, mondanités et petite amie qui aurait pu apparaître dans Sex and the city. Mais aussi une fêlure : la mère d’Ethan est morte quand il était enfant et depuis, il n’a fait que s’éloigner de son père, un magnat de l’immobilier, descendant d’une famille de riches entrepreneurs.
La découverte des dessins de Victor Crack vient combler la passion d’Ethan pour les génies. Comment un illustre inconnu qui n’a jamais, semble-t-il, quitté son minuscule appartement crasseux du Queens est-il parvenu à construire une œuvre aussi tentaculaire ? Des milliers de petits dessins qui, mis bout à bout, dessinent la carte d’un univers fantasmagorique et hallucinant. L’œuvre d’un génie… ou d’un fou. Mais Victor a disparu, impossible à trouver, impossible à décrire, un être qui est toujours passé inaperçu. Un fantôme ?
Je m’en voudrais d’en raconter plus. Mais s’il faut vous convaincre davantage, je vous dirai : portraits d’enfants morts, enquêtes enterrées, secrets de famille et même un brin de romance…
A côté des figures imposées du genre (l’enquête, les rebondissements, …), l’originalité du roman vient surtout du portrait caustique du milieu de l’art et de l’ironie constante d’Ethan, le narrateur, face à ce qui lui arrive. Un mélange d’humour et de tension brillant, une écriture juste et tendue. Jesse KELLERMAN, dont c’est ici le premier roman traduit en français, est un jeune auteur à suivre.

(Niveau 2)

PS: Ta-daaaa! C'est notre 100ème billet!

12 décembre 2009

Chantons dans la neige

Le Cantique de l'apocalypse joyeuse, Arto PAASILINNA

C'est la fin du monde... et pourtant, au fin fond de la forêt finlandaise, une petite communauté vit en paix autour d'une grande église en bois. L'avant dernier et décevant roman du grand PAASILINNA

Je n’ai pas beaucoup aimé l’avant dernier PAASILINNA… Voilà, c’est dit… Et pourtant, il m’en coûte ! Car d’habitude, j’adore ses livres. A la fois joyeusement optimiste et terriblement lucide sur le monde d’aujourd’hui, le Finlandais raconte avec un style et un humour inimitable, des histoires farfelues et désopilantes dans lesquelles, bien souvent, les hommes se rendent compte de la nécessité de retourner à la nature (et il faut dire que la nature finlandaise est on ne peut plus attirante) et à des valeurs plus essentielles que celles prônées par l’actuelle société de consommation. Le lièvre de Vatanen, son opus le plus célèbre, conte les péripéties d’un journaliste, ayant abandonné la vie civilisée pour suivre… un lièvre. Dans Les prisonniers du paradis, ce n’est pas dans la nature froide et enneigée des régions nordiques que les protagonistes décident de s’épanouir mais sur une île déserte sur laquelle leur avion s’est écrasé (ce qui n’est pas sans rappeler le pitch d’une série télévisée fort en vogue… le talent en plus et les incohérences en moins). Et puis surtout, il y a le brillant La douce empoisonneuse, dans lequel une vieille dame se débarrasse, un peu par la force des choses, de son neveu et de ses épouvantables amis, représentants d’une jeunesse désoeuvrée et sans repère, qui la persécutent et la volent depuis des années. Un bijou de finesse et d’humour noir et grinçant qui n’est pas sans rappeler les films du réalisateur danois Anders Thomas JENSEN (Adam’s apples, Lumières dansantes, Les bouchers verts,…). Dans Le cantique de l’apocalypse joyeuse, il est question de fin du monde. L’économie s’effondre, une centrale nucléaire explose, les déchets envahissent les villes, une troisième guerre mondiale se prépare,… et pourtant, une bande d’irréductibles finlandais résiste dans un havre de paix, au fin fond de la forêt. C’est que, quelques années plus tôt, un vieux communiste et bouffeur de curés, commanda à son petit-fils, sur son lit de mort, la construction d’une église en bois pour le rachat de son âme. Peu à peu, une joyeuse et délirante communauté se forme autour du constructeur et de sa construction. On retrouve, bien entendu, l’humour décapant de Paasilinna avec des répliques extraordinaires telles que « Si Dieu avait voulu que l’homme convoite sans fin la richesse financière, il l’aurait doté, en le créant, d’un sac spécial pour y ranger l’argent et les marchandises, à l’instar de la poche ventrale des kangourous » ou encore : « En l’absence de volontaires humains pour ce genre d’expériences médicales, le plantigrade ferait l’affaire, décida-t-il. Son organisme était très proche de celui de l’homme, un ours écorché ressemblait à s’y méprendre à un finlandais rougeaud sortant du sauna, et leur mode de vie aussi était similaire, surtout en été ». Par ailleurs, la thématique très paasilinnienne du retour à la nature et du rejet de la société consommatrice est plus que jamais d’actualité. Malheureusement, pour la première fois en lisant cet auteur, je me suis ennuyée… Les descriptions longues et minutieuses de la construction de l’Eglise et de l’organisation de la vie en communauté ont pris le pas sur la verve et sur le message de l’auteur dont l’enthousiasme est d’habitude beaucoup plus communicatif. Bon, je vais vite aller relire La douce empoisonneuse, et me réconcilier avec un auteur d’habitude tout bonnement jouissif…

6 décembre 2009

Deux polars pour un Danois

L’Epouse inconnue et L’ennemi dans le miroir, Leif DAVIDSEN

Du suspense, des intrigues politico-policières et un petit coup de froid.

Rares sont les réunions au sommet qui ne nous permettent pas de découvrir un nouvel auteur de polars venu du Nord. Nous avons déjà évoqué (ici, ici ou encore ici) certains de ces écrivains aux noms imprononçables.
Effet Millénium ? En tous cas, ils sont de plus en plus nombreux à être traduits et la température des rayons policiers des librairies ont depuis lors baissé de quelques degrés et ont des relents d’aquavit… Pour peu, on pourra bientôt trouver, dans le grand magasin de meubles jaune et bleu, des étagères "Wallander" et des chandeliers "Erlendur"…
Et donc dans la famille des scandinaves, voici DAVIDSEN, un Danois qui mélange enquêtes policières et politique internationale.
Dans L’ennemi dans le miroir, c’est au lendemain des attentats du 11 septembre, alors que l’Amérique cherche à relier les terroristes au régime de Saddam Hussein, que le passé de John Ericsson refait surface. Après avoir mis des années à se fondre dans les idéaux de la société américaine et être devenu un citoyen respectable, le voilà forcé de faire ressurgir Vuk, un double qui hante ses rêves, sorte de mercenaire sans scrupules qui sévissait autrefois en Bosnie et ennemi juré du commissaire Toftlund, qui à l’autre bout du monde, se met à enquêter sur les réseaux terroristes en activité au Danemark. Suspense, espionnage, réflexions politiques : efficace mais pas très original.
Dans l’Epouse inconnue, pas de policier, pas d’enquêteur mais un jeune homme d’affaires danois, Marcus Hoffmann. Un workaholic marié depuis dix ans à Nathalie, une jeune femme d’origine russe. Alors qu’elle n’a plus aucun lien avec son pays d’origine, elle parvient à convaincre Marcus de partir faire une croisière sur la Volga et disparaît à la première escale. Début d’une descente aux enfers pour Marcus qui découvre une société gangrenée par la corruption et la misère. Comment faire comprendre aux autorités que sa femme n’a pas pu le quitter comme ça, sans laisser de trace, que sa disparition ne lui ressemble pas. Mais, finalement, la connaît-il si bien que cela ? Aidé par un jeune garçon des rues et un homme d’affaire immensément riche, Marcus découvre peu à peu le passé de son épouse et, en vrac, le conflit en Tchétchénie, des Icônes orthodoxes, le silence du métro japonais et les ravages du capitalisme sauvage … Suspense, réflexions politiques et remise en question radicale de l’existence du personnage : efficace, parfois un peu maladroit dans l’écriture.
Mais ne boudez pas votre plaisir et passez un bon moment à courir aux quatre coins du monde en compagnie de vos nouveaux amis danois.

(Niveau 2)