Deux romans d'un auteur danois, moins connu que ses collègues polardeux, mais qui vaut le détour.
Je soupçonne parfois Mme F. de travailler pour les services secrets scandinaves. Pas une rencontre au sommet sans qu’elle ne nous sorte de sa hotte l’un ou l’autre de ces auteurs du Nord dont on vous a déjà souvent parlé ici.
Entre deux polars, elle nous a notamment proposé de découvrir Jens Christian GRØNDAHL (prononcez comme vous voulez) que les critiques ont parfois qualifié de « MODIANO danois ». Car ne l’oublions pas, la France est l’ethnocentre de la littérature mondiale ! A quand le GAUDE inuit, le HOUELLEBECQ sri lankais ou la COLETTE bavaroise ? Bref…
Les mains rouges, dernier roman de GRØNDAHL traduit en français, mélange habilement réflexions sur l’histoire, et plus particulièrement celle des milieux terroristes d’extrême gauche en Allemagne dans les années 70, avec les parcours individuels d’un homme et d’une femme. Lui, étudiant, travaille à la gare de Copenhague durant les vacances. Il y croise une étrange jeune fille de retour d’Allemagne. Ils passent quelques jours ensemble avant qu’elle ne disparaisse, laissant derrière elle sa fausse identité et un sac rempli de marks à la consigne de la gare. Des années plus tard, il la recroise par hasard et décide de reprendre contact. Elle lui raconte alors l’histoire de son voyage en Allemagne et de sa rencontre avec un groupuscule révolutionnaire. Conscience politique, mauvaise rencontre, mauvaise passe ? Difficile à dire tant les événements semblent ne pas avoir prise sur elle. Doit-elle se sentir coupable ? Peut-il la comprendre, lui qui a passé ces dernières années sans vraiment l’oublier ?
Le roman est touchant par les errements de ces deux personnages qui luttent contre les souvenirs, les regrets et les remords. L’écriture simple et directe de l’auteur excelle dans l’évocation des moments creux et nostalgiques où rien ne se passe en surface mais où tout se joue. Une mélancolie qui pourrait peut-être ennuyer certains (sur la blogosphère, les commentaires sont partagés) mais qui moi m’a ému.
C’est, finalement, un dispositif assez proche de celui de Piazza Bucarest. Le narrateur tente d’y raconter l’histoire d’Elena, l’épouse roumaine de Scott, l’ex-mari de sa mère (vous suivez ?). Elena rencontre Scott, Américain vivant au Danemark, en Roumanie, à l’époque de Ceausescu. Ils contractent un mariage blanc pour permettre à Elena de sortir du pays, avant qu’elle ne disparaisse complètement sans laisser de trace. Le narrateur la retrouve et tente d’imaginer sa vie, pleine de silences et de zones d’ombres. Actes incompris, regrets, mauvaises décisions ; des gestes auxquels l’écriture parvient à redonner un sens.
La dimension philosophique des romans de GRØNDAHL apparaît en filigrane. Une réflexion sur les actes que nous posons, sur leurs conséquences, générales et individuelles.
Niveau 3