La délicatesse, David FOENKINOS
À de moins de vivre sur une autre planète, comment ne pas avoir entendu parler de La délicatesse. Révélation littéraire ou imposture médiatique ? Quelques mots de ce désormais phénomène littéraire (et maintenant cinématographique).
Je me méfie toujours des grands succès de librairies... Surtout s'il s'agit d'un livre français contemporain. Snobisme ! me dirait ma sœur. Pourquoi un livre qu'on voit dans toutes les mains, sur tous les étals et dont tout le monde parle serait moins bon qu'un autre ? Parce qu'il n'est pas assez élitiste ? Et puis quoi, si ça se trouve, j'éprouverais un réel plaisir à sa lecture, même si par la suite il ne m'en reste pas grand chose. Ce serait peut-être un livre à rajouter à la liste des fameux
page turner dont on vous a parlé
ici.
Et voilà qu'après toutes ces réflexions philosophiques édifiantes, le hasard (où plutôt l'un des membres de notre groupe de lectures destinées aux élèves) me le met entre les mains. Certes, j'ai bien vu que le propriétaire du livre avait l'air un brin embarrassé et pas du tout sûr d'avoir raison de le proposer, mais, n'écoutant que mon courage, pleine de bonnes résolutions dont celle d'acquérir une plus grande ouverture d'esprit, et voyant là un signe que le destin voulait me faire lire ce fameux bouquin, je suis rentrée chez moi avec La délicatesse et (après avoir tourné autour pendant quelques semaines) ai entamé la lecture du roman de Foenkinos, déjà adapté en film par l'auteur lui-même et son frère, et avec dans le rôle titre notre délicat compatriote, François Damiens.
Je l'ai lu d'une traite, en deux jours à peine, et j'éprouve maintenant une réelle joie... Non pas celle d'avoir découvert un livre étonnant, subtil et passionnant à la fois, non pas celle liée à la recherche frénétique du nom des autres romans de l'auteur et de me précipiter dans une librairie pour les acheter... non, non, non, rien de tout cela. Juste la joie de pouvoir dire beaucoup beaucoup de mal d'un livre d'une platitude tellement inouïe que je n'ai pas le moindre scrupule à attaquer son auteur pourtant probablement plein de bonnes intentions (quoique, à bien y réfléchir, c'est même pas sûr).
La Délicatesse (qui n'a, vous l'avez compris, de délicat que le nom) est l'histoire d'un deuil, celui de la pauvre mais tellement jolie et attirante Nathalie qui perdit, dans un accident de jogging, son bien aimé, celui qui avait décidé que si elle commandait un jus d'abricot ("un petit peu original sans être toutefois excentrique") lors de leur première rencontre, il l'épouserait. Et devinez ce qu'elle choisit ?
Bref, Nathalie est triste (mais l'auteur avait justement précisé en début de livre, dans une de ses horripilantes notes en
bas de page, qu'"il y a souvent une nette tendance à la nostalgie chez les
Nathalie"), et malgré que tout le monde veut soit la draguer, soit en faire son amie, elle choisit délibérément la solitude. Jusqu'au jour où, sur un coup de tête (qu'on ne comprendra, nous lecteurs peu sensibles, absolument jamais) elle décide d'embrasser fougueusement Markus, un de ses collaborateurs qui à première vue n'a aucun intérêt. Sauf que le garçon en question s'avère finalement beaucoup plus... délicat qu'il n'en a l'air.
Voilà, c'est tout. La fin est exactement celle que vous imaginez et à part deux ou trois personnages secondaires, il n'y a absolument rien d'autre dans le livre. Ah, si : il y a les notes en bas de page suscitées et de petits chapitres sans aucun intérêt qui entrecoupent l'histoire et qui vont du numéro de code de l'immeuble de Markus à trois aphorismes de Cioran que le personnage a lus dans le RER, en passant par les paroles de la chanson que Nathalie a écoutée dans la voiture ou encore le nombre de paquets de Krisproll vendus en 2002.
Rajoutons que pour être sûr que nous ayons compris le message et le thème général du livre, Foenkinos a décliné le terme "délicat" sous toutes ses formes à peu près une fois par page.
Pour ma part, je ferai preuve d'une certaine délicatesse et vous épargnerai les excellents jeux de mots qui me sont venus à l'esprit en écrivant ce billet et qui parlaient tous du très prononcé contraste entre le titre du livre et son contenu.
Référence :
La délicatesse, David FOENKINOS, Gallimard, Folio, 2011.