Faut-il manger les animaux ?, Jonathan SAFRAN FOER
Le jeune auteur new-yorkais se penche sur notre rapport à la viande et sur les conséquences du régime carnivore. Extrêmement fort…
Nous savons que le morceau de viande, de volaille, de poisson qui remplit notre assiette a dû, avant d’y échouer, appartenir à un animal vivant. Nous le savons mais, en ce qui me concerne, ce n’est pas précisément ce à quoi je pense au moment où j’approche la fourchette de ma bouche. Et puis, ne sommes-nous pas des prédateurs et n’est-il pas « naturel » pour des animaux d’en manger d’autres ?
À première vue, et à en juger par son titre, on pourrait croire que cet essai présente un plaidoyer pour le végétarisme. Jonathan SAFRAN FOER l’explique dès le début du livre : pour bien des raisons il a choisi, au fil des ans, de s’orienter vers un régime végétarien, volonté renforcée depuis la naissance de son fils. Mais ce choix est personnel et il ne jette pas l’opprobre sur tous les mangeurs de viande. Contrairement à la plupart de ceux-ci, et c’est souvent le cas des végétariens, il a profondément réfléchi à sa manière de s’alimenter et à ce que cela pouvait signifier de manger des animaux. Le but de son livre est d’avant tout faire réfléchir sur cet aspect de notre alimentation et de pousser les lecteurs à prendre conscience des lourdes conséquences du régime carnivore.
Manger est d’abord une histoire de famille et une manière de s’intégrer dans une filiation et une société. Les repas constituent une activité sociale importante et la viande y joue un rôle important. Mais pourquoi, par exemple, ne retrouve-t-on pas des chiens ou des chats dans nos assiettes? Pourquoi certains des animaux qui nous entourent ont-ils droit à un traitement différent ? C’est à partir de cette question banale que SAFRAN FOER décide de se lancer dans une grande enquête sur les conditions d’élevage et de mise à mort des animaux destinés à l’alimentation. Et son constat est sans appel. Que ce soit d’un point de vue écologique, moral, éthique, psychologique (et dans une certaine mesure aussi économique) : c’est un désastre. Les élevages industriels qui représentent aujourd’hui aux Etats-Unis la quasi totalité des exploitations empoisonnent les sols, sont un danger pour la santé et font subir des traitements indignes et douloureux aux animaux. Des animaux génétiquement modifiés, nourris aux antibiotiques, entassés et enfermés, soumis au stress, mis à mort dans la douleur afin de répondre, à bas prix, à une demande en viande toujours croissante. SAFRAN FOER a enquêté, lu, rencontré des acteurs du secteur et des défenseurs des droits des animaux. Il va même jusqu’à s’introduire clandestinement dans un élevage industriel.
L’intérêt du livre tient dans la nuance des propos. A côté des entreprises qui n’ont que faire du bien-être de l’animal (peut-on seulement parler de « bien-être » pour des animaux qui ne voient jamais la lumière du jour et qui sont créés dans le seul but d’être tués ?), il existe encore quelques petits éleveurs qui luttent, se battent pour préserver l’élevage traditionnel et qui tentent d’offrir aux animaux une vie et une mort meilleures. L’auteur sait que le monde entier ne deviendra pas végétarien mais il espère que les consommateurs prendront davantage conscience de ce qu’implique leur consommation. Manger est devenu un acte politique et, en choisissant tel ou tel type d’alimentation, j’encourage un modèle de société.
Ok, mais tout cela ne concerne que les Etats-Unis, me direz-vous. En Europe, les normes sont beaucoup plus strictes et plus soucieuses du bien-être de l’animal. N’empêche : 22 poulets par m2 (ce qui semble être la norme européenne en ce qui concerne les poulets industriels), ce n’est quand même pas le rêve. Mais bon, chez nous d’autres systèmes existent encore à côté de ce type d’élevages, heureusement. Il suffit de savoir lire une étiquette ou de s’approvisionner autrement (quitte à payer plus cher et à consommer moins de viande).
La forme de l’essai de SAFRAN FOER est, à l’image de ses romans, assez créative. Même si certaines descriptions sont difficiles à supporter, il évite de (trop) jouer sur l’émotion et parvient même parfois à une certaine forme d’humour. Les propos sont nuancés et mélangent témoignages, statistiques et réflexions personnelles.
Alors : faut-il manger les animaux ? Même si pour l’auteur la réponse est dans la question, ce sera aux lecteurs à décider, en âme et conscience. Car une fois la lecture achevée, impossible de fermer les yeux sur certaines réalités. Pas une question de sensibilité mais bien d’intelligence.
Référence :
Faut-il manger les animaux ?, Jonathan SAFRAN FOER, traduit de l’anglais (États-Unis) par Gilles Berton et Raymond Clainard, Éditions de l’Olivier, 2010
Le jeune auteur new-yorkais se penche sur notre rapport à la viande et sur les conséquences du régime carnivore. Extrêmement fort…
Nous savons que le morceau de viande, de volaille, de poisson qui remplit notre assiette a dû, avant d’y échouer, appartenir à un animal vivant. Nous le savons mais, en ce qui me concerne, ce n’est pas précisément ce à quoi je pense au moment où j’approche la fourchette de ma bouche. Et puis, ne sommes-nous pas des prédateurs et n’est-il pas « naturel » pour des animaux d’en manger d’autres ?
À première vue, et à en juger par son titre, on pourrait croire que cet essai présente un plaidoyer pour le végétarisme. Jonathan SAFRAN FOER l’explique dès le début du livre : pour bien des raisons il a choisi, au fil des ans, de s’orienter vers un régime végétarien, volonté renforcée depuis la naissance de son fils. Mais ce choix est personnel et il ne jette pas l’opprobre sur tous les mangeurs de viande. Contrairement à la plupart de ceux-ci, et c’est souvent le cas des végétariens, il a profondément réfléchi à sa manière de s’alimenter et à ce que cela pouvait signifier de manger des animaux. Le but de son livre est d’avant tout faire réfléchir sur cet aspect de notre alimentation et de pousser les lecteurs à prendre conscience des lourdes conséquences du régime carnivore.
Manger est d’abord une histoire de famille et une manière de s’intégrer dans une filiation et une société. Les repas constituent une activité sociale importante et la viande y joue un rôle important. Mais pourquoi, par exemple, ne retrouve-t-on pas des chiens ou des chats dans nos assiettes? Pourquoi certains des animaux qui nous entourent ont-ils droit à un traitement différent ? C’est à partir de cette question banale que SAFRAN FOER décide de se lancer dans une grande enquête sur les conditions d’élevage et de mise à mort des animaux destinés à l’alimentation. Et son constat est sans appel. Que ce soit d’un point de vue écologique, moral, éthique, psychologique (et dans une certaine mesure aussi économique) : c’est un désastre. Les élevages industriels qui représentent aujourd’hui aux Etats-Unis la quasi totalité des exploitations empoisonnent les sols, sont un danger pour la santé et font subir des traitements indignes et douloureux aux animaux. Des animaux génétiquement modifiés, nourris aux antibiotiques, entassés et enfermés, soumis au stress, mis à mort dans la douleur afin de répondre, à bas prix, à une demande en viande toujours croissante. SAFRAN FOER a enquêté, lu, rencontré des acteurs du secteur et des défenseurs des droits des animaux. Il va même jusqu’à s’introduire clandestinement dans un élevage industriel.
L’intérêt du livre tient dans la nuance des propos. A côté des entreprises qui n’ont que faire du bien-être de l’animal (peut-on seulement parler de « bien-être » pour des animaux qui ne voient jamais la lumière du jour et qui sont créés dans le seul but d’être tués ?), il existe encore quelques petits éleveurs qui luttent, se battent pour préserver l’élevage traditionnel et qui tentent d’offrir aux animaux une vie et une mort meilleures. L’auteur sait que le monde entier ne deviendra pas végétarien mais il espère que les consommateurs prendront davantage conscience de ce qu’implique leur consommation. Manger est devenu un acte politique et, en choisissant tel ou tel type d’alimentation, j’encourage un modèle de société.
Ok, mais tout cela ne concerne que les Etats-Unis, me direz-vous. En Europe, les normes sont beaucoup plus strictes et plus soucieuses du bien-être de l’animal. N’empêche : 22 poulets par m2 (ce qui semble être la norme européenne en ce qui concerne les poulets industriels), ce n’est quand même pas le rêve. Mais bon, chez nous d’autres systèmes existent encore à côté de ce type d’élevages, heureusement. Il suffit de savoir lire une étiquette ou de s’approvisionner autrement (quitte à payer plus cher et à consommer moins de viande).
La forme de l’essai de SAFRAN FOER est, à l’image de ses romans, assez créative. Même si certaines descriptions sont difficiles à supporter, il évite de (trop) jouer sur l’émotion et parvient même parfois à une certaine forme d’humour. Les propos sont nuancés et mélangent témoignages, statistiques et réflexions personnelles.
Alors : faut-il manger les animaux ? Même si pour l’auteur la réponse est dans la question, ce sera aux lecteurs à décider, en âme et conscience. Car une fois la lecture achevée, impossible de fermer les yeux sur certaines réalités. Pas une question de sensibilité mais bien d’intelligence.
Référence :
Faut-il manger les animaux ?, Jonathan SAFRAN FOER, traduit de l’anglais (États-Unis) par Gilles Berton et Raymond Clainard, Éditions de l’Olivier, 2010