Un concours de circonstances, Amy WALDMAN
Un roman choral qui, à partir de la faille laissée par les attentats du 11 septembre, ausculte d’un œil acéré et mordant les fissures de la société américaine.
Quelques années après l’attaque qui a secoué le monde entier et laissé un grand vide dans le bas de Manhattan, un jury se réunit pour choisir, à travers un concours d’architecture, un monument à la mémoire des victimes du 11 septembre. Après avoir longuement débattu, les jurés attribuent la victoire à un projet qui propose de bâtir un jardin à Ground Zero. Mais au moment de découvrir le nom de l’architecte, stupeur : il s’agit d’un citoyen américain, certes, mais musulman. Alors que le jury s’impose un temps de réflexion pour mettre ses idées au clair et décider de ce qu’il convient de faire de cette information embarrassante, une journaliste en mal de sensationnel étale l’affaire au grand jour. C’est le début d’une polémique violente qui va embraser l’Amérique et mettre en lumière les tensions qui déchirent les différentes communautés de pensée du pays.
Dans ce roman choral, les différents personnages permettent d’envisager la question sous une multiplicité de points de vue : l’architecte, des représentants des victimes de l’attentat, des lobbyistes de toutes tendances, des journalistes, des politiciens, … Chacun défend son objectif, qu’il soit militant, électoraliste, économique, religieux ou sentimental. Et chacun occupe le vide laissé par l’attentat à sa manière. Mais ce qui est intéressant, c’est que Waldman n’a pas choisi des caricatures et joue habilement avec les préjugés. L’architecte musulman est un laïc convaincu qui se retrouve à devoir mettre en avant, malgré lui, ses origines. Le frère d’une des victimes tente d’utiliser la mort de son frère pour redonner du sens à sa propre vie. La gouverneure de l’État en profite pour se tailler une posture de candidate à la présidence. Chaque personnage est en réalité beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
[…] Claire pouvait donc créer une poupée russe composée uniquement à son effigie : Claire en Claire, en Claire, en Claire. Pendant l’audition, toutes ces Claire différentes et pourtant identiques semblaient contenues en elle, si bien que tout argument, quel qu’il soit, y trouvait une place. Chaque fois qu’elle pensait avoir atteint la dernière Claire, la vraie, elle se rendait compte qu’elle se trompait, à croire qu’elle ne pourrait jamais atteindre les tréfonds d’elle-même.
À l’image du personnage de Claire, les États-Unis de l’après 11 septembre sont déchirés et peinent à retrouver un semblant d’unité. L’ambiance est à la suspicion, à la psychose quotidienne, au rejet de l’autre. C’est donc davantage un portrait grinçant de l’Amérique contemporaine qu’un xième roman sur les attentats de New York. Et plus généralement une réflexion nuancée sur la manière dont les sociétés, à l’heure où l’information circule à une vitesse inouïe, absorbent les chocs et sautent d’un buzz à l’autre.
Étonnant d’avoir si peu entendu parler de cet excellent premier roman…
Référence :
Un concours de circonstances, Amy WALDMAN, traduit de l’anglais (États-Unis) par Laetitia Devaux, Points, 2013.
Un roman choral qui, à partir de la faille laissée par les attentats du 11 septembre, ausculte d’un œil acéré et mordant les fissures de la société américaine.
Quelques années après l’attaque qui a secoué le monde entier et laissé un grand vide dans le bas de Manhattan, un jury se réunit pour choisir, à travers un concours d’architecture, un monument à la mémoire des victimes du 11 septembre. Après avoir longuement débattu, les jurés attribuent la victoire à un projet qui propose de bâtir un jardin à Ground Zero. Mais au moment de découvrir le nom de l’architecte, stupeur : il s’agit d’un citoyen américain, certes, mais musulman. Alors que le jury s’impose un temps de réflexion pour mettre ses idées au clair et décider de ce qu’il convient de faire de cette information embarrassante, une journaliste en mal de sensationnel étale l’affaire au grand jour. C’est le début d’une polémique violente qui va embraser l’Amérique et mettre en lumière les tensions qui déchirent les différentes communautés de pensée du pays.
Dans ce roman choral, les différents personnages permettent d’envisager la question sous une multiplicité de points de vue : l’architecte, des représentants des victimes de l’attentat, des lobbyistes de toutes tendances, des journalistes, des politiciens, … Chacun défend son objectif, qu’il soit militant, électoraliste, économique, religieux ou sentimental. Et chacun occupe le vide laissé par l’attentat à sa manière. Mais ce qui est intéressant, c’est que Waldman n’a pas choisi des caricatures et joue habilement avec les préjugés. L’architecte musulman est un laïc convaincu qui se retrouve à devoir mettre en avant, malgré lui, ses origines. Le frère d’une des victimes tente d’utiliser la mort de son frère pour redonner du sens à sa propre vie. La gouverneure de l’État en profite pour se tailler une posture de candidate à la présidence. Chaque personnage est en réalité beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
[…] Claire pouvait donc créer une poupée russe composée uniquement à son effigie : Claire en Claire, en Claire, en Claire. Pendant l’audition, toutes ces Claire différentes et pourtant identiques semblaient contenues en elle, si bien que tout argument, quel qu’il soit, y trouvait une place. Chaque fois qu’elle pensait avoir atteint la dernière Claire, la vraie, elle se rendait compte qu’elle se trompait, à croire qu’elle ne pourrait jamais atteindre les tréfonds d’elle-même.
À l’image du personnage de Claire, les États-Unis de l’après 11 septembre sont déchirés et peinent à retrouver un semblant d’unité. L’ambiance est à la suspicion, à la psychose quotidienne, au rejet de l’autre. C’est donc davantage un portrait grinçant de l’Amérique contemporaine qu’un xième roman sur les attentats de New York. Et plus généralement une réflexion nuancée sur la manière dont les sociétés, à l’heure où l’information circule à une vitesse inouïe, absorbent les chocs et sautent d’un buzz à l’autre.
Étonnant d’avoir si peu entendu parler de cet excellent premier roman…
Référence :
Un concours de circonstances, Amy WALDMAN, traduit de l’anglais (États-Unis) par Laetitia Devaux, Points, 2013.