28 janvier 2010

À dos d’hippopotame

La Marche de Mina, Yoko OGAWA

Roman initiatique à l’atmosphère prégnante.

A la suite de la mort de son mari, la mère de Tomoko décide de partir suivre une formation d’une année loin de la maison et confie sa fille de douze ans à sa sœur. Tomoko découvre alors la vie de la maison d’Ashiya, grande bâtisse de style espagnol, incongruité architecturale dans le paysage des montagnes japonaises.
La maison vit au rythme de ses étranges habitants : la cousine Mina, enfant malade qui collectionne les boîtes d’allumettes, la Grand-mère Rosa, vieille allemande que l’amour pour un Japonais a sauvé de l’extermination durant la guerre, la tante et sa chasse aux coquilles dans les livres et Pochiko l’hippopotame, dernier survivant du zoo qui autrefois occupait les jardins.
Un univers qui semble coupé du monde et dans lequel Tomoko va, durant une année, grandir et se découvrir.
Comme toujours chez OGAWA, c’est avant tout l’atmosphère qui accroche le lecteur. Des micro-évèvements sans importance qui modifient la perception et ouvrent vers un autre monde, un univers diffus où tout est dans le non-dit : désirs secrets, absences tues et tensions évanescentes. L’auteur aborde pour la première fois les questions de culture et les liens entre le Japon et l’Europe.
Derrière l’apparente douceur du récit de l’enfance des deux cousines se cachent des questions plus graves mais amenées avec une incroyable finesse. C’est évidemment tout l’art d’OGAWA (qu’on aime beaucoup ici et ici) que de donner à ses romans et nouvelles cette saveur particulière. Dans la cuisine japonaise, on parle souvent de l’umami, la cinquième saveur (à côté du sucré, du salé, de l’amer et de l’acide). Il y a un peu de cela dans l’écriture d’OGAWA, un goût particulier et subtil qui surtout donne envie de se resservir, encore et encore.

(Niveau 3)

2 commentaires:

  1. je ne connaissais pas l'idée de l'umami. C'est une idée très juste pour définir ce qu'on ressent en lisant Ogawa je trouve ! Je l'ai découverte il n'y a pas très longtemps et je ne m'en lasse pas...

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  2. Intéressante, cette cinquième saveur :) "Le dictionnaire de l'imaginaire érotique au Japon" d'Agnès Giard apporte quelques éclairages intéressants aux écrits plus sombres d'Ogawa.

    "La marche de Mina" fait partie de mes lectures préférées chez Ogawa (même s'il me reste encore plusieurs titres à découvrir). Ton billet exprime mieux que je ne pourrais le faire mon sentiment au sujet d'Ogawa.

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