20 décembre 2011

Write Christmas

Diane ARBUS, Santas at the Santa Claus School, Albion, N.Y., 1964

Déjà la 20 décembre et nous n'avons toujours pas mis sur notre blog notre désormais traditionnel spot sur les cadeaux (littéraires) de Noël. Si, comme nous, vous faites vos cadeaux à la dernière minute, cette liste est pour vous ! Des cadeaux pour tous et toutes, des livres à offrir ou à s'offrir (y'a pas de mal à se faire du bien, surtout en période de fête !).

Pour ceux qui veulent prolonger l'ambiance de Noël :
- Cyanure, de Camilla Läckberg : certes il ne s'agit pas d'un grand roman policier, ni du meilleur de l'écrivaine suédoise. Mais, sachant que l'histoire conte un long week-end pour notre petit Martin Molin (l'adjoint de Patrik Hedström), coincé dans une pension sur une île avec la famille de sa petite amie pour cause de tempête et sachant qu'il doit tout seul, comme un grand et surtout sans aucun moyen, résoudre le meurtre du patriarche, à la veille de Noël, comment résister? Un huis clos, une enquête à l'ancienne (sans expert ni analyse, ... ça fait du bien), une ambiance enneigée : rien de tel pour un lendemain de fête ! 
- Les trois lumières, de Calire KEEGAN : d'accord, ça se passe en été. Mais la tendresse qui émane de ce court roman et l'évocation de ces lumières mystérieuses ne sont-elles pas dans l'esprit de Noël ?
- Litlle Bird, de Craig JOHNSON : un enquête avec de la neige, des Indiens et un shérif qui a fait pousser des cris d'amour à bon nombre de blogueuses...

Pour ceux qui aiment les histoires de revenants :
Les revenants, Laura KASISCHKE ou L'indésirable, Sarah WATERS : le premier se passe sur un campus américain au jour d'aujourd'hui, le second dans la campagne anglaise d'après guerre. Ils mettent en scène vrais ou faux fantômes, évoquent le thème de la mort et font planer une ambiance mystérieuse. À dévorer après la bûche.

Pour ceux qui se voudraient se préparer à la fin du monde en 2012 :
En un monde parfait, de la même Laura KASISCHKE (auteure qui depuis quelque temps passionne la blogosphère), La route de Cormac McCARTHY ou encore Le mur invisible de Marlen HAUSHOFER : trois romans d'anticipation qui ont tendance à glacer le sang mais qui ne sont pas dénués d'une petite touche d'espoir...

Pour ceux qui aiment les best-sellers mais de qualité :
1Q84, d'Haruki MURAKAMI (à voir ici et ici), ou Freedom de Jonathan FRANZEN : à offrir les yeux fermés !

Pour ceux qui veulent un peu de poésie dans ce monde de brutes :
- Rosa Candida de Audur Ava OLAFSDOTTIR ou Le goût des pépins de pomme de Katharina HAGENA : poétiques, touchants, émouvants... et testés sur un public varié, de la grand-mère à l'ado! Vous hésitez encore à l'offrir ?
- La langue de ma mère, le merveilleux premier roman traduit en français de Tom LANOYE (qu'on aime ici).

Pour ceux qui, en cette veille de nouvelle année, s'interrogent sur la condition humaine et la nature de l'homme (bon, d'accord, ce n'est peut-être pas au menu de vos réveillons...) :
Prodigieuses créatures de Tracy CHEVALIER, la découverte des fossiles et des origines de l'homme par deux femmes à la fin du 19ème siècle ou L’enfant sauvage, T.C. BOYLE, la célèbre histoire du petit Victor, cet enfant sauvage qu'un médecin tentera de civiliser en plein 18ème.

Et enfin, pour dégouter tout le monde du foie gras (bien que nous ne sommes pas sûrs, nous-mêmes, de ne pas en manger une petite tranche) : Faut-il manger les animaux ? de Jonathan SAFRAN FOER qui, entre le hormard et la dinde, pourrait quand même jeter un froid...

Et vous? Des idées, des envies?

Et pour se mettre dans l'ambiance, un peu de Noël version hipster :






12 décembre 2011

Q comme (suite)

1Q84, Livre 2 – Juillet-Septembre, Haruki MURAKAMI


Deuxième volume de la trilogie : quelques réponses, beaucoup de questions et, en fin de billet, un scoop.

(Le Livre 1, c’était ici)
Comment ai-je pu tenir aussi longtemps avant d’entamer la lecture de ce Livre 2 ? Un peu de patience (de masochisme, diront certains), une PAL en souffrance et le fait de savoir qu’il faudra attendre mars 2012 pour connaître la fin de l’histoire. Et c’est bien là tout le problème. Si peu à peu on commence à comprendre ce qui relie Tengo et Aomamé et en quoi consiste le monde étrange de 1Q84, on ressort de la lecture avec beaucoup de questions. À commencer par la plus importante : qui sont les Little People ? Le mystère reste intact. Mais comme le dit le père de Tengo :

« Si tu as besoin qu’on t’explique pour que tu comprennes, ça veut dire qu’aucune explication ne te fera jamais comprendre. »

Dans la parfaite continuité de la première partie, ce deuxième épisode raconte en alternance les aventures des deux héros principaux. Mais l’ombre s’étend. Une angoisse diffuse, l’imminence d’une catastrophe, comme un monde sur le point de s’effondrer : l’univers de 1Q84 s’annonce de plus en plus comme un écho de nos propres peurs, celles de notre enfance mais aussi celles de la société contemporaine. Murakami parvient avec une incroyable fluidité à passer de la préparation d’un repas à celui d’un meurtre, laissant s’installer, l’air de rien, les éléments fantastiques de son histoire. Sans oublier cet érotisme un peu étrange, comme désincarné. L’ampleur et l’ambition de ce roman surprennent encore et, pas de doute, c’est une œuvre puissante et enivrante.

Plus je lis Murakami, plus le constat est clair : on ne peut plus parler, en ce qui le concerne, de littérature japonaise. Des femmes aux discours étranges, des réalités parallèles, des reflets et des yeux qui se ferment pour mieux voir : Murakami est un symboliste belge ! Certains de ses personnages semblent sortis tout droit d’une pièce de Maeterlinck ou d’un tableau de Khnopff. Il faudrait aller trifouiller dans la bio de l’artiste pour voir s’il n’aurait pas un peu de famille à Bruges ou dans une chaumière perdue dans les Ardennes…

Edit du 22/03/2012 : le billet sur le Livre 3, c'est ici.

Référence :
 
1Q84, Livre 2 – Juillet-Septembre, Haruki MURAKAMI, traduit du japonais par Hélène Morita, Belfond, 2011

6 décembre 2011

Meurtre au collège

Les revenants, Laura KASISCHKE

Le septième roman de Laura KASISCHKE, faux college novel et vrai roman féroce et énigmatique.

L'action se situe sur le campus d'une université américaine et commence par le récit de l'accident de voiture dans lequel Nicole, jolie étudiante toute blonde et toute prude, originaire de la petite ville de Bad Axe et membre d'une sororité, perd la vie dans les bras de son petit ami, Craig, qui conduisait la voiture.
Malgré tout, la culpabilité, les souvenirs qui l'assaillent et surtout le rejet virulent dont il fait preuve, Craig, une fois remis de son choc post-traumatique qui ne lui a laissé aucun souvenir du soir de l'accident, revient à l'université. Mais voilà qu'il a la nette impression de voir Nicole un peu partout sur le campus. Rien que de plus normal pour quelqu'un en plein processus de deuil si ce n'est qu'il est loin d'être le seul.
Mais que s'est-il réellement passé ce soir-là ?
Aïe aïe ouille ! vous entends-je dire jusqu'ici. Un nouveau roman d'Harlan COBEN (dans lesquels les morts sont rarement vraiment morts et les intrigues entremêlées à souhait) ? Un autre Twilight (qui allie subtilement - bon, peut-être pas très subtilement - fantastique et bluette pour adolescentes) ? Un roman psychologisant sur la rédemption ? Rien de tout ça, évidemment, parce que malgré le pitch qui donne l'impression qu'on a déjà entendu cette histoires mille fois, on est dans un roman de Laura KASISCHKE. Et comme toujours, l'auteur évite tous les clichés et nous livre un roman à la fois passionnant, mystérieux et émouvant. 
La narration alterne les rétrospections, lorsque Nicole est encore vivante, et les témoignages de plusieurs personnages qui ne sont jamais secondaires. Ainsi, on rencontre Perry, colocataire de Craig, originaire de Bad Axe comme Nicole et ami d'enfance de celle-ci, qui tente de comprendre pourquoi lui aussi voit Nicole partout sur le campus et de préserver son ami Craig, Shelly, responsable du département musique classique qui est le premier témoin de l'accident et qui s'étonne que les médias n'aient absolument pas pris son témoignage en compte, Mira, titulaire d'un cours sur la mort et les rites funéraires vers qui Perry va se tourner pour comprendre ce qu'il en est ou encore Craig et Nicole qui s'éloignent au fur et à mesure de la lecture, de l'image qu'on s'était faite d'eux. 
Les personnages tenteront de découvrir la vérité sur cette affaire qui va bouleverser leur existence et chacun aura la sienne... Pas de résolution car nous ne sommes pas dans un roman policier. Le lecteur se fera sa propre idée des événements et jugera qui bon lui semble, l'auteur se gardant bien de nous orienter tout en égratignant la société américaine. KASISCHKE prend soin également de préserver jusqu'à la fin cette atmosphère mystérieuse et envoutante qui imprègne le roman depuis le début.
Ajouterais-je néanmoins que je n'ai pas retrouvé toute la poésie et la subtilité d'En un monde parfait, son précédent roman dont on vous parlait ici ? J'hésite, parce que non seulement comparer un roman à un autre manque souvent de pertinence et parce que je vous éloignerais peut-être d'un grand livre, ce dont je me garderai bien.

Référence :
Laura KASISCHKE, Les revenants, traduite de l'anglais (Etats-Unis) par Eric Chédaille, Christian Bourgeois, 2011.

4 décembre 2011

Faut-il parfois fermer un œil pendant la lecture ?

La Poursuite du bonheur, Douglas KENNEDY

Du douloureux problème du page turner.

Suite à l’enterrement de sa mère, Kate se fait harceler par une vieille dame étrange qui semble tout connaître d’elle, depuis sa plus tendre enfance.
Flash back : au lendemain de la seconde guerre mondiale, alors que l’Amérique célèbre ses héros, Sara Smythe quitte la tranquillité de sa famille bourgeoise pour prendre son indépendance et tenter sa chance à New York. Elle y retrouve son frère, auteur malchanceux, aux penchants communistes, qui fréquente toute la Bohème de Big Apple. Lors d’une soirée, Sara rencontre  Jack et patatras: love at first sight. Mais aussi le début des ennuis qui, des longs silences aux conséquences nauséabondes du maccarthysme, feront de Sara une héroïne 100% romanesque…

Pour avoir déjà lu du Douglas Kennedy, je savais que je passerais certainement un bon moment de lecture. Comme dans ses autres romans (dont on a parlé notamment ici ou ici), l’intrigue est assez bien menée, le suspense tient la route, même si les ficelles sont parfois un peu énormes.
Mais au cours de ma lecture, un drame est arrivé (et si j’avais été l’héroïne du roman, cela m’aurait inéluctablement conduit vers un bon verre de whisky, un bain chaud et plusieurs jours de lamentations existentielles). Je me suis soudain rendu compte que, dans tous les dialogues, Kennedy utilisait systématiquement les noms des personnages. Du genre (j’invente et j'exagère un peu car je n’ai plus le livre entre les mains) :

-    Pourquoi Jack, pourquoi ?
-    Parce que Sara, je regrette mais je n’avais pas le choix.
-    Mais, Jack, tu savais qu’en faisant ça tu allais mettre un terme à notre histoire ! Pourquoi, Jack, pourquoi ?
-    Je n’en peux plus, Sara. Tu comprends ça, Sara.
-    Je le comprends, Jack. Mais je ne peux pas l’accepter (, Jack !).

Bref, ambiance soap assurée.

Du coup, alors que le but du page turner, c’est bien de passer d’une page à l’autre à la vitesse de l’éclair, j’ai commencé à être attentif à tout. Aux descriptions, aux répétitions (le coup du whisky+séjour dans la baignoire+lamentations revient très souvent), et même à certaines incohérences. Avec au final l’impression que si le roman devait se lire vite, c’était certainement parce que c’était ainsi qu’il avait été écrit.
Je suis rapidement arrivé au bout des 700 pages mais avec le sentiment non pas d’avoir perdu mon temps mais plutôt une petite gêne, comme lorsqu’on se laisse avoir par une mauvaise série à la télé. Ce n’est pas que j’attends de découvrir une plume hors du commun à chaque fois que j’entame un livre; j’aime lire parfois simplement pour me détendre, accrocher à une histoire. Mais ici, le manque de style m’a empêché de me laisser prendre entièrement.

Et vous, quel est votre sentiment sur le page turner ? Plaisir coupable, allié des passages à vide dans vos lectures ou bien zone interdite ?

Référence :
La Poursuite du bonheur, Douglas KENNEDY, traduit de l’anglais par Bernard Cohen, Pocket, 2004

29 novembre 2011

Langue maternelle

La Langue de ma mère, Tom LANOYE

Roman familial à la forme mouvante et première traduction en français d’une grande voix venue du Nord de la frontière linguistique.

La mère et le père. Elle, comédienne semi-professionnelle, à la scène comme à la ville. Lui, boucher d’un quartier où tout le monde connaît tout le monde et où rien n’est loin de rien. Et l’un de leurs enfants, un fils écrivain qui se demande comment raconter sa mère et quels mots trouver pour décrire celle qui, dans ses dernières années, a perdu sa langue à la suite d’un accident cérébral. Quelles histoires, quelles anecdotes familiales faut-il choisir pour, non pas faire revivre ceux qui ont disparu, mais les laisser définitivement aller. « Écrire, c’est détruire, faute de mieux. C’est seulement après cela et à cause de cela que ce que vous écrivez devient du passé. La littérature consiste à lâcher prise. Écrire, c’est chasser de son souvenir. » (p. 69) Ce roman tout en courbes et détours est le chemin emprunté par Tom Lanoye pour, d’une certaine manière, tourner la page.

Parmi tous les éléments qui composent le livre, il y a d’abord le portrait d’une famille de commerçants d’une petite ville flamande, la middle class laborieuse, ses codes vestimentaires, alimentaires, sa fierté et son souci des apparences et du travail bien fait. Il y a également les histoires, drôles ou tristes, qui composent la mythologie familiale. Et puis les souvenirs d’enfance, les fêtes de fin d’année, les histoires de voisinages. Au centre de ce récit kaléidoscopique trône la figure maternelle, personnage haut en couleurs, adepte du bon sens et des effets dramatiques adroitement calculés. Le roman dresse par petits morceaux éclatés le portrait de cette mère omnipotente qui, après son accident, perdra l’usage des mots et, peu à peu, de sa superbe.
Tom Lanoye, dont c’est ici le premier roman traduit en français (dans le monde francophone, il était surtout connu pour son théâtre), invente une langue baroque, une nouvelle manière de raconter les êtres chers et les souvenirs, prenant le lecteur avec lui pour construire ce monument de mots, à des kilomètres de l’écriture de soi des auteurs français. Persuadé que le less is more est le contraire même de la littérature, Lanoye accumule, s’éloigne de son sujet pour, par la bande, y revenir toujours l’air de rien, dans un style généreux et débordant de tout. Comme si, pour combler le manque, seuls les mots pouvaient venir à bout de l’absence.

En ce qui me concerne, comme pour de nombreux Belges francophones, la littérature de l’autre côté de la frontière linguistique est une terra incognita et, à un moment où les deux communautés ont tendance à se replier sur elles-mêmes, la découverte de la voix de Tom Lanoye est une heureuse surprise que j’espère faire partager au plus grand nombre. Donc, lecteurs français : osez la littérature belge, oubliez Nothomb et ses romans-gadgets et partez à la rencontre d’un auteur dont on risque fort d’entendre parler à nouveau. Et comme bientôt c’est la Saint-Nicolas, vous savez ce qu’il vous reste à demander (si vous avez été sages…).

Référence :
La Langue de ma mère, Tom LANOYE, traduit du néerlandais (Belgique) par Alain van Crugten, La Différence, 2011

24 novembre 2011

C'est mon tour

Ou, là là... terrible défi que de se définir en un mot et de faire aussi poétique que mon comparse Consonne.
Allez, on se lance, la version féminine, portrait vocalique.
Et si, et si, et si j'étais...

 1- Une langue
Bon, difficile de faire original dans ce cas... le Français bien sûr : c'est la langue que je parle, c'est celle que je lis, c'est celle que j'enseigne. Mais j'aimerais être un peu plus l'Anglais, histoire de lire Shakespeare dans le texte (et de chanter à tue tête sans les massacrer mes chansons préférées).

2- Une mauvaise habitude
Est-ce que finir une plaquette de chocolat entière ou faire des muffins à des moments improbables et les manger immédiatement est considéré comme une mauvaise habitude ? Non ? Bon, alors trouvons autre chose...
Ouvrir une deuxième plaquette de chocolat quand la première est finie?

3- Une odeur 
L'odeur de mes enfants.

4- Une envie
Passer trois jours au lit avec ma PAL à côté de moi (et bien sûr un peu de chocolat pour survivre).

5- Un idéal  
Celui de Consonne, tout d'abord, parce qu'il a la gentillesse de me le répéter à chaque fois que je me plains de ne pas parvenir à venir à bout de mes corrections.
Sinon, mon idéal : tout gérer sans rien sacrifier.


6- Un souvenir de voyage  
Une plage déserte sur l'île de Samos, en fin d'après-midi, et tout le temps pour finir un bouquin passionnant...

7- Une sensation 
Celle lorsque je sors mes enfants du lit et que je les sens se blottir, tout chauds, tout endormis, contre moi.

8- Un tic de langage 
Demandez à mes élèves ! Ils se feront un plaisir de faire une liste exhaustive.

9- Une torture  
Corriger (moi j'hésite pas). Et je l'infligerais à tous ceux qui ne se lassent pas de dire qu'être prof c'est quand même peinard (et quitte à être sadique, je leur donnerai une pile de dissertations !).

10- Un livre inadaptable au cinéma
Aucun livre n'est adaptable. Il y a de bonnes adaptations mais jamais, au grand jamais, on ne rendra au cinéma toute la magie d'un livre.

18 novembre 2011

Tag-tag-tag: qui est là?

Il tournait mais ne passait pas par nous : la grosse looose !
Nous sauvons la face grâce à In Cold Blog qui nous a concocté son petit questionnaire du portait chinois.


Et pour une fois, levons le voile sur l’identité de l’auteur de ce billet : c’est la partie consonantique du blog qui parle.


Si j’étais…

1- Une langue
Fastoche ! (Ah bon ? On me dit que ce n’est pas une interro…). Le français, bien sûr. La langue que j’enseigne, celle qui m’amuse le plus.

2- Une mauvaise habitude
(Passons sous silence une certaine mauvaise habitude qui, selon ce qui est écrit sur le paquet, nuit gravement à la santé…)
Depuis qu’il est possible de relever ses mails partout et à tout moment, je pense que c’est devenu chez moi un réflexe assez idiot.

3- Une odeur
Une odeur d’enfance : celle de la pâtisserie en train de cuire dans la cuisine de mes grands-parents (et que l’on peut régulièrement retrouver chez moi).

4- Une envie
Là, maintenant, tout de suite ? Sauter dans un Eurostar et aller voir l’expo Gerhard Richter à Londres.

5- Un idéal
Être capable de ne pas négocier avec moi-même. (Citation de Karl Lagerfeld à propos de la réussite de son régime, hum hum, mais qui marche aussi avec les piles de corrections)


6- Un souvenir de voyage
Le Japon. Un salon de thé au sommet d’un petit immeuble dans le quartier un peu « olé-olé » de Shinjuku à Tokyo. L’endroit parfait et absolu pour passer un moment fin de journée, après avoir été émerveillé et emporté par tout ce que j’avais vu plus tôt.

7- Une sensation
 Sortir le matin quand il a neigé et voir la ville marcher au ralenti.
(Et la réponse groupie : entendre les premières mesures d’une nouvelle chanson de Madonna… ça marche encore !).

8- Un tic de langage
Tu vois ? Tu vois ? Non mais, tu vois ?


9- Une torture
J’allais écrire « corriger » mais si j’étais une torture, je ne serais pas aussi sadique.
Plutôt quelque chose d’attendu qui tarde à arriver (bon, d'accord, c'est pas très sympa non plus).

10- Un livre inadaptable au cinéma
Je vais sonner un peu prof de français mais j’assume : Madame Bovary. Plusieurs tentatives ont réduit le livre soit à une bluette, soit à une critique sociale. Alors que l’écriture de Flaubert est tellement plus que ça. Féroce, passionnée, incontrôlable et maîtrisée.


C’est au tour de Voyelle de répondre…

14 novembre 2011

« Nul n’est esclave en France »

L’affaire de l’esclave Furcy, Mohammed AÏSSAOUI


L’enquête d’un journaliste d’aujourd’hui sur une aventure juridique sans précédent : un esclave qui revendique sa liberté.

L’affaire Furcy est un procès au long cours. De 1817 à 1843, un esclave de l’île Bourbon, aujourd’hui île de La Réunion, va revendiquer devant les tribunaux rien de moins que sa liberté. Alors que l’esclavage avait été aboli en métropole après la Révolution, il n’en allait pas de même dans les colonies qui dépendaient, pour leur économie, de cette main d’œuvre à bas prix et sur laquelle les maîtres avaient tous les droits. Furcy, dont on sait très peu de choses, est le fils d’une indienne, née à Chandernagor, achetée à l’âge de neuf ans, puis affranchie. Consciente ou non de cette liberté nouvelle, elle n’en a jamais fait l’usage et est restée au service d’un maître jusqu’à sa mort. Lorsque Furcy découvre la vérité, il cherchera simplement, avec une impressionnante détermination, à faire respecter ses maigres droits : l’enfant d’un affranchi ne peut être maintenu en esclavage. Mais le problème est plus vaste : comment les propriétaires et les petits potentats locaux peuvent-ils accepter qu’un esclave vienne défier leur autorité ou, pire, mettre le feu aux poudres et faire lever un vent de révolte ?

Mohammed Aïssaoui, en découvrant les archives consacrées à l’affaire, s’est passionné pour le parcours étonnant de Furcy et, à travers ce livre, tente de combler les zones d’ombres et de redonner vie à cette aventure juridique et humaniste. Un travail d’enquêteur, d’historien et de romancier qui ressuscite une époque où, loin des idéaux des Lumières et de la déclaration des droits de l’Homme, tous les hommes ne naissaient pas encore libres et égaux. Le discours des maîtres et de certains magistrats fait même froid dans le dos.
Le style de l’auteur est vibrant, habité et joue habilement sur les codes du romanesque pour garder intact le suspense : Furcy deviendra-t-il un homme libre ? Le récit de cette quête éprouvante et essentielle nous fait, au final, nous pencher sur notre propre sens de la liberté, donnée que nous considérons comme acquise mais qui s’avère plus complexe qu’il n’y paraît.

Avis aux collègues : si ce n’est certes pas un essai, ce petit livre s’inscrira sans problème dans le programme de sixième.

D’autres avis chez In Cold Blog, qui a eu la patience de recenser les billets.

Référence :
L’affaire de l’esclave Furcy, Mohammed AÏSSAOUI, Gallimard, Folio, 2011

10 novembre 2011

Tchiki Boum

Le premier été, Anne PERCIN

Sur le thème casse-figure des amours de vacances, un roman sensuel et surprenant.

Deux sœurs se retrouvent dans la maison de leurs grands-parents, là où plus jeunes elles venaient passer l’été. Catherine, la cadette, profite de cette réunion pour enfin lever le voile sur un épisode qui la hante depuis ses quinze ans.

C’est la chaleur de l’été. À la radio, Etienne Daho tombe pour la France. Les filles et les garçons quittent doucement les jeux de l’enfance pour se lancer dans les premières histoires d’amour, ritualisées dans les boums. Catherine observe les transformations qui s’opèrent chez sa sœur aînée: le regard toujours en alerte, les poses, les attitudes et les tenues qui tentent d’en dire long, comme Madonna dans Recherche Susan désespérément. Malgré ses quinze ans, Catherine ressent parfois une certaine langueur, comme un étourdissement qu’elle comprend à peine et qu’elle garde pour elle, dans l’isolement du grenier ou dans ses promenades solitaires. Mais comment apprivoiser ce désir naissant, ignoré des tests de Ok ! (avec Sophie Marceau en couverture), qui ne présentent les filles que comme des poupées qui font non ?

Je m’arrête là. Le roman ne joue pas sur une révélation soudaine ou un incroyable retournement de situation mais il serait dommage d’enlever au lecteur le plaisir d’évoluer, au rythme de la jeune héroïne, sur les sentiers aux pierres chauffées par le soleil de juillet.

Le thème des premiers émois, sensuels et amoureux, couplé à celui des vacances d’été : on aurait pu tomber dans la nunucherie. Mais l’écriture d’Anne Percin parvient, avec une douceur aigre et suave, à arracher son personnage aux stéréotypes de l’adolescente à la découverte d’elle-même. Personnage en marche et en recherche, Catherine va se heurter aux mots qui enferment, à la violence des rapports sociaux. La bonne idée est ici de passer les événements par le biais du récit de Catherine adulte : c’est donc la parole d’une adulte qui se penche sur son passé, jouant habilement, entre distance et intimité, avec les pensées de la jeune fille. Au-delà de l’histoire, le livre séduit également par son ambiance sensuelle et fiévreuse et par la pointe de nostalgie qui émane de cette reconstruction des années 80.

Sur les bons conseils d’In Cold Blog qui reprend d’autres avis dans son billet.

Et un petit bonus, un slow qui tue, made in 1985.



Référence :
Le premier été, Anne PERCIN, Au Rouergue, Collection La brune, 2011

3 novembre 2011

Je déteste le féminisme

L'homme qui haïssait les femmes, Elise FONTENAILLE


Petit roman percutant sur un fait divers qui bouleversa la société canadienne à l'aube des années 90.

Non, il ne s'agit pas d'un nouveau tome de la série Millénium découvert dans les archives de feu son auteur. Le récit de la romancière canadienne Elise FONTENAILLE est certes moins complexe (quoique) mais glace tout autant le sang, surtout quand l'on sait qu'il se base sur un fait divers tout à fait véridique.
Montréal, décembre 1989. Un jeune homme débarque dans un auditoire de la faculté de Polytechnique, fait sortir tous les hommes et abat les jeunes-filles présentes au cours. Il continue ensuite sa balade meurtrière au sein de l'établissement. Il fera quatorze victimes avant de retourner l'arme contre lui.
Vingt ans plus tard, FONTENAILLE revient sur ce fait divers, le romance à peine et s'interroge. Ou plutôt interroge tous ceux qui de près ou de loin ont été marqués par cette tuerie, perpétrée dix ans avant celle de Columbine. L'auteur laisse alors la parole à la mère de l'assassin, femme victime d'une famille ultra réactionnaire et d'un époux violent, puis à sa sœur, dont le drame précipitera la mort prématurée. On aura entre autre aussi le point de vue de la miraculée qui a survécu aux trois balles reçues après avoir osé affronter le tueur ou encore celui de ces hommes qui sont sortis de l'auditoire lors de l'injonction du forcené et qui sont dévorés de culpabilité,... Témoins, policiers, parents de l'assassin ou des victimes, partisans du féminisme ou du moins connu mouvement masculiniste, acteurs de la société canadienne de l'époque ou d'aujourd'hui, FONTENAILLE fait parler beaucoup de monde.
Comment comprendre ce geste et cette haine ? Est-ce la faute à l'enfance meurtrie de l'assassin ? Est-ce la faute d'un système qui a exclu à de nombreuses reprises un jeune-homme désireux de rentrer dans l'armée ou de suivre de bonnes études ? Celle de la société canadienne qui est passée sans transition d'un ultra-catholicisme rigoureux à un féminisme radical ? Celle encore des marchands d'armes qui vendent sans sourciller un fusil à n'importe qui ? FONTENAILLE, bien sûr, interroge mais ne répond pas, à l'instar de Gus VAN SANT et de son très digne Elephant.
Un style descriptif, froid, sans concession ni atermoiement. Les faits sont là. Un livre choc.

Référence :
Elise FONTENAILLE, L'homme qui haïssait les femmes, Grasset, 2011.

Remarque : à ne pas confondre avec L'homme qui haïssait les femmes de Judith MacNaught, de la collection Amour et destin (si si, je vous jure, je n'invente pas) qui raconte la rencontre entre Lauren, jeune fille inexpérimentée, et Nick, homme blessé par une relation précédente,... Je n'en sais pas plus parce que je n'ai pas eu la chance de le lire mais la couverture est très très prometteuse... Allez, je vous la mets en lien ici juste pour le plaisir !

31 octobre 2011

Nature humaine

L’enfant sauvage, T.C. BOYLE

L’histoire de Victor de l’Aveyron, l’enfant sauvage de Truffaut. Un récit aux allures de conte sur le lien entre humanité et animalité.

À la fin du 18ème siècle, la découverte dans une forêt du Languedoc d’un enfant sauvageon a fait le tour de la France et a passionné les foules. Un jeune garçon errant, plus proche de l’animal que de l’homme, vivant nu et se nourrissant de la chasse et d’aliments crus. Capturé et amené à la capitale, l’enfant est un défi pour les scientifiques du Siècle des Lumières. Le sauvage est-il doté de morale ou n’est-il, comme le pense Locke, qu’une page vierge sur laquelle la société vient imprimer sa propre culture ? Un jeune docteur de l’Institution des sourds-muets va tenter d’apprendre à l’enfant sauvage des rudiments de civilisation ainsi que ce qui permettra d’en faire un être humain à part entière : le langage.

Dans ce court récit qui rappelle presque l’univers du conte, T.C. Boyle décrit avec clarté et retenue la triste vie de cet enfant perdu sur qui la société de son époque fait reposer le poids de la croyance en la suprématie de la culture sur la nature. Brutal, animé presque uniquement par l’instinct de survie, Victor (du nom que lui donnera son maître) va peu à peu apprendre, de manière rudimentaire, à exprimer son humanité, ses désirs et, peut-être d’une certaine façon, ses sentiments. C’est finalement dans ces instants-là que ceux qui président à son existence semblent oublier l’animalité du garçon.
Une belle réflexion sur la nature humaine et, pour les professeurs de français, un roman qui illustrera parfaitement les thématiques abordées dans les cours sur le 18ème siècle (et qui peut être prolongé par une comparaison avec le film de Truffaut sur le même sujet).

L’avis d’Yspaddaden.

Référence :
L’enfant sauvage, T.C. BOYLE, traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Demarty, Grasset, 2011

24 octobre 2011

(Re)Lire ses classiques #4


L’insoutenable légèreté de l’être, Milan KUNDERA


Kundera appartient à ces auteurs que je lisais avec passion (et avec souvent peu de discernement) quand j’étais plus jeune et que j’ai abandonnés en cours de route. Aidé, en ce qui concerne Kundera, par ses derniers romans, écrits en français, selon moi bien en-dessous de ceux écrits dans sa langue maternelle.
Nous avions décidé, sur les conseils d’une collègue bien inspirée, de commencer l’année de nos sixièmes (terminales) avec ce désormais classique de la littérature moderne : L’insoutenable légèreté de l’être.

De ma première lecture lorsque j’avais dix-sept ans, je n’avais retenu qu’une histoire d’amour tortueuse et des personnages égarés. Les efforts de Tomas et Tereza pour maintenir au sein de leur couple l’équilibre entre le libertinage de l’un et le besoin de protection de l’autre. Les voyages de Sabina, la femme au chapeau melon, en quête de toujours plus de liberté. L’idéalisme romantique de Franz, l’intellectuel. Des personnages illustrant les réflexions philosophiques qui traversent tout le livre et qui interrogent sur les conséquences de nos actes, sur l’individualisme et, bien sûr, le kitsch.
J’avais oublié combien le contexte du Printemps de Prague et de l’occupation soviétique hantait le roman : la surveillance constante des citoyens, la censure, l’implacable puissance de la Grande marche. Et, étrangement, je n’avais aucun souvenir de la construction du roman, le mélange entre roman et essai, la présence constante du narrateur, les aller-retours dans le temps.

Aucune déception à la relecture : ce roman tient en haleine, amène sans cesse son lecteur à s’interroger et, alors qu’il date de 1984, est toujours en phase avec le monde d’aujourd’hui. Sur le kitsch, par exemple. Kundera avait raison d’écrire que le kitsch triompherait de tout. Entre l’affaire DSK, la pipolisation virale et le triomphe du politiquement correct : que du kitsch.

Et vous ? Un souvenir de votre lecture ?

Référence :
L’insoutenable légèreté de l’être, Milan KUNDERA, traduit du tchèque par François Kérel, Gallimard, Folio, 1989

19 octobre 2011

Avec des « si »

Le faiseur d’histoire, Stephen FRY

SF, roman d’anticipation et comédie romantique : un livre original qui souffre parfois de sa démesure.

Avec des « si », on mettrait Paris en bouteille. (Personnellement, en ce qui concerne Paris, j’opterai plutôt pour des garçons de café plus sympathiques, mais cela n’engage que moi.) Et on pourrait aussi réécrire l’Histoire et éviter des désastres. C’est en substance le projet physico-historique que va tenter Michael, un jeune thésard de Cambridge, aidé par un vieux physicien du genre Tournesol. Ensemble, ils envisagent de changer la face du monde en modifiant, tout simplement !, le passé.

Que les allergiques à la SF se rassurent : on s’embarrasse très peu des questions scientifiques et de l’explication du phénomène. Fry cherche davantage à créer des ambiances et à faire vivre les mondes qu’il raconte, les vrais comme les faux. Il sera question de l’enfance d’un petit autrichien au tempérament belliqueux (pas difficile de deviner de qui on parle : regardez la couverture !), de faits d’armes dans les tranchées du Nord de la France et d’une société qui ne connaît plus la diversité. Fry passe de l’un à l’autre avec beaucoup de facilité et saupoudre le tout avec pas mal d’humour, notamment à travers les états d’âme de Michael. Parfois, le grand écart entre la réflexion sur le sens de l’Histoire et les histoires d’amour du jeune chercheur m’ont semblé périlleuses. D’autant que Fry parodie les comédies romantiques américaines (une partie du récit est d’ailleurs présentée sous forme de scénario) au point d’utiliser parfois les mêmes grosses ficelles. Mais le tout est écrit avec tellement d’enthousiasme qu’on se laisse facilement prendre et, malgré un sujet pour le moins sensible, il ne s’en sort pas trop mal. J’imagine que si un auteur français s’était aventuré dans ce genre de projet, cela aurait donné lieu à l’une de ces petites polémiques littéraires dont seule l’Hexagone a le secret.

L’avis de Keisha.

Référence :
Le faiseur d’histoire, Stephen FRY, traduit de l’anglais par Patrick Marcel, Gallimard, Folio SF, 2011

15 octobre 2011

La PAL de nos élèves

Un oubli dans la course de la rentrée: publier ici nos listes de lectures pour l'année scolaire 2011-2012:

- quatrième année (seconde);
- cinquième année (première);
- sixième année (terminale).

Des idées pour nos collègues, pour des cadeaux de Noël, pour vos dimanches d'hiver, pour en finir avec Twilight, Musso, Levy, ... ou tout simplement pour allonger votre PAL!

Tous vos commentaires sont les bienvenus.

11 octobre 2011

La clarté des âmes


Les trois lumières, Claire KEEGAN

Petit récit d'apprentissage plein de délicatesse. Lumineux. 

Mais pourquoi donc le père fait-il un jour monter la petite dans sa voiture, quitter sa nombreuse fratrie et se rendre dans la ferme de parfaits inconnus le temps d'un été. Certes, la mère est à nouveau enceinte,... Mais cela n'explique pas tout. Passé la crainte de l'abandon, la petite se fera une place au milieu de ce couple singulier qui l'a recueillie, découvrira la ferme, la nature, les lumières de la nuit et surtout la chaleur et la tendresse. Car cet homme et cette femme, portant comme un fardeau un drame secret, s'attachent à cette petite, qu'il renommeront peu à peu Pétale, tout en sachant que son séjour chez eux n'est, en réalité, qu'une parenthèse enchantée.
Court roman ou longue nouvelle, le récit de Claire KEENAN est tout en subtilité et repose sur les non-dits. Pas question pour la romancière de nous expliquer le pourquoi du comment. Le point de vue est celui de l'enfant, et nous nous contentons d'apprendre ce qu'elle comprend, d'entendre ce que les adultes laissent échapper devant elle et de deviner... Un roman d'apprentissage, qui rappelle la beauté du monde et les petits moments de bonheur et néanmoins un roman social, bien ancré dans le lieu d'origine de la romancière, cette Irlande qui apparaît tour à tour riche et fertile puis âpre et dure et dans lequel certaines familles ont bien du mal à joindre les deux bouts. Peut-on se permettre l'affection et les gestes d'amour lorsque l'on a de nombreuses bouches à nourrir ?
L'écriture de Claire KEEGAN est presque poétique et se concentre sur les sensations, les bruits, les gestes et les regards car les personnages sont de ceux pour qui "la parole n'est une nécessité en aucune circonstance". Un récit réaliste et social mais aussi la description d'un univers presque enchanteur. Sans jamais les voir, on sent que les fées des contes traditionnels irlandais ne volent pas très loin de ces mystérieuses trois lumières.

6 octobre 2011

La fin du temps de l’innocence

Expiation, Ian McEWAN

À la fois intime et romanesque, un livre sur le thème du poids du passé et de la guerre.

Briony, treize ans, déborde de talent et d’inventivité quand il s’agit de mettre en mots des histoires romanesques et dramatiques. La jeune fille, produit de la bonne société anglaise d’avant-guerre, se verrait bien devenir romancière. À la charnière entre l’enfance et l’adolescence, elle commence à entrevoir le monde des adultes d’un œil nouveau, leurs désirs et leurs illusions. Pas encore assez cependant pour pouvoir reconnaître l’amour véritable en train de se tisser entre sa grande sœur et le fils de la domestique. Confondant passion et perversion, Briony va lancer une accusation aux conséquences désastreuses. Mais la réalité la dépasse et, cinq ans après, alors que la guerre balaie l’Europe, les trois personnages continuent de payer le prix de l’imagination de Briony.

La première partie du roman présente, sur deux journées, les drames intérieurs des personnages, le poids que fait peser sur eux la société et la lutte perpétuelle qui les oppose à toutes leurs aspirations. Récit intime où l’on passe d’un protagoniste à l’autre et où les points de vue sur l’action finissent par se contredire, on découvre avec le personnage de la jeune fille que la réalité est multiple et qu’il est illusoire de vouloir la dompter. Dans la seconde partie, les personnages sont plongés dans un univers qui les dépasse, celui de la guerre, des combats, des morts et des blessés. L’occasion pour eux d’aller au bout d’eux-mêmes et, pour Briony, de pouvoir peut-être expier sa faute. McEwan propose une narration sur plusieurs niveaux sans que cela ne sonne fabriqué et donne à son histoire un beau souffle romanesque. Il interroge aussi le pouvoir de la fiction et les limites de celle-ci.

Les avis de Karine :), de Manu et de Keisha.

Référence :
Expiation, Ian McEWAN, traduit de l’anglais par Guillemette Belleteste, Gallimard, Folio, 2010

1 octobre 2011

Dégât des eaux

Le convoi de l’eau, Akira YOSHIMURA

Roman étrange et "ambiancieux" sur la confrontation silencieuse entre deux sociétés.

Un groupe d’ouvriers s’engage à pas mal assurés au fond d’une vallée perdue dans la brume. Un lieu coupé du monde, difficile d’accès, où une grande société a projeté de construire un barrage hydroélectrique. Au bout de leur chemin dans la montagne, les hommes découvrent un hameau hors du temps, habité par des villageois silencieux et discrets, condamné à être englouti par les eaux du barrage. Avant d’entamer la procédure d’expropriation, les ouvriers de ce chantier isolé se lancent dans la destruction lente et irréversible de la montagne et découvrent peu à peu les étranges façons des habitants du hameau, passifs et en apparence résignés face aux ouvriers qui viennent dénaturer leur environnement presque sacré. Parmi eux, le narrateur, qui a rejoint le projet après sa sortie de prison. Observateur attentif de la vie des villageois, il retrouve chez eux des sensations et des attitudes qui réveillent sa conscience troublée par le meurtre de sa propre femme.

Etrange roman. L’atmosphère lourde, embrumée et décontextualisée du décor jette sur la vie de ces deux communautés qui s’observent avec méfiance et curiosité un voile de mystère qui rappelle, très subtilement, celui de la fable. À côté de la dénonciation évidente des dégâts causés par l’industrialisation qui ne s’embarrasse de rien, l’auteur laisse émerger progressivement du groupe des ouvriers la personnalité ambiguë du narrateur qui semble être le seul capable de comprendre le fonctionnement de la communauté qu’il est censée détruire. Les rites traditionnels prennent un tour menaçant, à travers des images puissantes et inquiétantes, et semblent venir perturber, en silence, la modernité en marche.
Autre thème abordé, le poids du groupe et la place de l’individu dans une société où doit primer l’intérêt collectif. Les codes et les règles qui définissent l’organisation de la vie en société s’opposent dans l’affrontement muet qui met face à face la société traditionnelle et celle des ouvriers.

Beaucoup de mystères donc pour cette méditation subtile sur le Japon d’aujourd’hui qui balance toujours entre modernité et tradition. Les amateurs de littérature japonaise apprécieront et les autres (peut-être même ceux qui en ont peur... ils se reconnaitront) se laisseront facilement envahir par l’ambiance étrange et originale de ce très beau roman.

Les avis (positifs) de Clara, d’Yspaddaden, de Vanessa, de Cachou et de Calyste.

Référence :
Le convoi de l’eau, Akira YOSHIMURA, traduit du japonais par Yutaka Makino, Babel, 2011

27 septembre 2011

Oxforderies

Mauvais genre, Naomi ALDERMAN

Un roman d’apprentissage un peu tiède sur le passage à l’âge adulte.

Le contenu des commissions déversé dans la piscine d’une villa du Sud de l’Italie. Les aliments encore emballés flottent à la surface de l’eau et laissent à penser que Mark a, une fois encore, noyé son chagrin dans les paradis artificiels qui l’emmènent chaque fois un peu plus loin. Mais James veille et, comme d’habitude, sera auprès de Mark quand celui-ci sera sorti des limbes de l’alcool et des drogues dont il abuse toujours un peu plus.
Tout a commencé à Oxford, temple du savoir où viennent se former ceux qui espèrent devenir l’élite de la société britannique. James, étudiant qui peine à se mettre au diapason des exigences de la prestigieuse institution, y fait la rencontre d’un groupe de jeunes gens qui gravitent autour de Mark, sorte de dandy décadent et richissime. James et ses nouveaux amis s’installent dans la maison de Mark et, entre les fêtes et les examens qui ponctuent leur vie d’étudiant, connaissent leurs premières histoires d’amour et leurs premiers pas dans la vie du monde des adultes. James, timide et réservé, est à la fois fasciné et révulsé par le comportement de son hôte. Hédoniste, excessif en tout, Mark a cependant ses côtés sombres et, face à sa mère qui réprouve sa façon de vivre, semble sans défense. James va malgré lui devenir le protecteur de Mark et, au fil du temps, découvrir l’ambiguïté de ses sentiments.

Le côté british, le jeu sur les apparences, le roman de mœurs, l’entrée dans le monde des adultes : tout était là pour me plaire et pourtant le résultat est mitigé. Le roman se lit facilement, le style est fluide, mais la situation de départ paraît fabriquée et le personnage de James, narrateur de l’histoire, manque souvent de profondeur et de crédibilité. Si l’auteur semble vouloir montrer la vanité du monde d’Oxford, elle le fait avec beaucoup de tiédeur et on tombe souvent dans les clichés.

Plus d’enthousiasme chez Yspaddaden.

Référence :
Mauvais genre, Naomi ALDERMAN, traduit de l’anglais par Hélène Papot, Editions de l’Olivier, 2010

22 septembre 2011

Baby one more time, dit-elle

Le Ravissement de Britney Spears, Jean ROLIN

Un faux roman d’espionnage avec un agent secret limité aux transports communs, jouant les paparazzis à L.A., ville en perpétuel mouvement.

Un titre étrange aux accents durassiens qui pourrait prêter à confusion : les fans de Britney n’apprendront pas grand chose sur cette xième petite fiancée de l’Amérique. Dans ce livre, Britney est un objet, un symbole qui la dépasse, au centre d’une hypothétique tentative d’enlèvement (le fameux « ravissement »), voire même d’assassinat, par un groupuscule islamiste. Dépêché sur place, un agent des services secrets français sans permis de conduire tente d’étudier les habitudes de la star et se retrouve à côtoyer les paparazzis et à consulter davantage les sites people que les messages cryptés. La mission échoue et il est envoyé au Tadjikistan où il raconte à son compagnon d’infortune le récit de son trip californien.

Faire de Britney Spears ou Lindsay Lohan des personnages de fiction, c’est bien sûr une manière de parler du regard, de la médiatisation outrancière des déboires des célébrités et de la fascination qu’elles exercent sur le commun des mortels. Les restos branchés, les boutiques à la mode et même les institutions juridiques sont autant de vitrines où le people s’expose et se laisse, bon gré mal gré, prendre sur le vif. Le roman va cependant beaucoup plus loin et, sur le plan littéraire, présente une cartographie sociale et routière de Los Angeles. À chaque couche de la population correspond son moyen de déplacement (avec le décalage amusant de l’agent secret obsédé par les itinéraires de bus) et ses lieux de vie. Bien loin de l’image glamour que la ville peut renvoyer via ses plus célèbres habitants, ROLIN montre ici une faune bigarrée qui, loin des buzz et des images volées, emplit la ville de son mouvement incessant, occupant l’espace et le temps. La ville elle-même semble courir, comme le pauvre héros à la suite des paparazzis, eux-mêmes occupés à courser les stars. Un jeu du chat et de la souris absurde et vain, qui tourne en rond. 

Référence :
Le Ravissement de Britney Spears, Jean ROLIN, P.O.L, 2011

18 septembre 2011

Le polar de la rentrée

L'institut de recherche, Staffan WESTERLUND

Encore un bon petit polar qui vient du Nord. Et le premier tome d'une série prometteuse avec une héroïne qu'on a envie de mieux connaître.

Nous sommes plongés dans la rentrée littéraire, occupés à dévorer les livres dont tout le monde parle. Et si nous faisions une petite pause, en nous plongeant avec délectation dans un policier suédois ?
L'époux de Lisbet travaille dans un Institut de recherche. Elle ne sait d'ailleurs pas trop bien ce qu'il y fait, leur relation n'étant plus vraiment des plus chaleureuses (mais l'a-t-elle été un jour ?). Mais Lisbet, parce qu'elle est journaliste, parce qu'elle aimerait un fois dans sa vie aller jusqu'au bout de l'un de ses projets et parce qu'elle a été particulièrement touchée en apprenant la mort de la famille entière de deux membres du personnel de l'Institut, décide d'y fourrer un peu son nez et de comprendre ce qu'il s'y passe. Elle trouvera la mort peu de temps plus tard, une mort naturelle, certes, mais entourée de circonstances particulières.
C'est sa sœur, Inga-Lisa, avocate de renom, femme carriériste, mère attentive mais peu présente (son mari endosse volontiers le rôle d'homme au foyer - ah ! la délicieuse parité suédoise que nous jalousons ! ) qui reprendra l'enquête avec la poigne qui la caractérise après avoir constaté l'inefficacité de la police suédoise.
C'est le combat de David contre Goliath mais Inga-Lisa s'avèrera particulièrement astucieuse et pleine de ressources pour déjouer les coups pour le moins tordus d'une organisation toute puissante et sans pitié.
L'enquête menée par l'avocate mettra aussi en évidence les aberrations du système suédois (malgré l'apparence lisse qu'elle peut parfois donner) et dénonce les dangers écologiques de certaines avancées technologiques.
Quelques faiblesses narratives, cependant : la course poursuite est parfois un peu tirée par les cheveux, les métaphores pas toujours subtiles (ainsi l'image de la partie d'échec entre Inga-Lisa et les méchants) et on ne sait jamais vraiment ce qui se passe dans cet institut de recherche. Mais c'est un premier roman.
Inga-Lisa apparait donc comme une sorte de super-héroïne capable d'anticiper et de détourner toutes les tentatives pour entraver sa poursuite de la vérité, et si cela entrave un petit peu la véracité du récit, on se réjouit franchement de la voir gagner sur tous les fronts. Par ailleurs, le côté ambigu du personnage qui n'hésite pas à provoquer la mort d'un homme pour faire avancer l'enquête et qui apparait tantôt comme une femme froide et calculatrice, tantôt comme une mère et une fille aimante, font qu'on a envie de la connaître mieux. Tant mieux : L'institut de recherche est le premier tome d'une série dont elle est l'héroïne.
Westerlund : un nom à rajouter sur la liste de ces auteurs venus du Nord qui nous offrent des intrigues haletantes dans des paysages à couper le souffle et des ambiances glaciales avec des personnages attachants qui ne se vouvoient jamais (ce que sait déjà tout lecteur de littérature scandinave mais qui surprend toujours). Chouette, l'automne sera encore une fois glacial !

Référence :

Staffan WESTERLUND, L'institut de recherche, traduit du suédois par Philippe Bouquet, Christian Bourgois, 1996 et Folio policier, 2006.

10 septembre 2011

Q comme…

1Q84, Livre 1 – Avril-Juin, Haruki MURAKAMI

Premier tome de la trilogie murakamienne : du concentré de japonitude au service d’un univers romanesque puissant et envoûtant.

Difficile de parler de ce roman. D’abord il ne faut pas, contrairement à tous les articles de presse que j’ai pu lire, en dire trop sur l’intrigue qui se construit comme un puzzle qui, lentement, laisserait apparaître des formes aux contours flous. Ensuite... et bien je pense que je suis incapable de résumer ces 500 pages en quelques lignes. Des portes s’ouvrent, se referment, des liens se tissent mais tout semble encore en suspension.

Deux histoires en parallèle. Celle de Tengo, jeune professeur de mathématiques et écrivain débutant qui rencontre, par le biais d’un éditeur, une étrange jeune fille, auteur présumé d’un roman fantastique qui pourrait bien se transformer en best-seller. Et l’histoire d’Aomamé, jeune femme pleine de ressources (je n’en dis pas plus) qui découvre lentement que l’univers familier qu’elle pensait connaître a subi, sans qu’elle s’en aperçoive, des modifications. Les deux histoires se croisent en se frôlant, le temps d’un souffle ou d’un regard mais semblent en même temps appartenir à deux univers différents.

« Dans la forêt romanesque, quelle que soit la clarté qui relie entre eux les événements, une réponse claire ne vous est jamais offerte » (p. 314)

Pas de réponses, beaucoup de Questions (héhé…) et surtout une ambiance envoûtante où l’on passe de l’étonnement à la peur. Beaucoup de sexualité également, parfois terriblement vénéneuse. Les références à ORWELL sont là, bien évidemment, mais pas là où on les attendrait. Bref, le monde de 1Q84 est tendu, tranquille et incertain, familier et inconnu, et nous fait passer de l’autre côté du miroir, faisant de son inventeur le plus symboliste des écrivains contemporains.

J’ai déjà le deuxième tome sous la main (il fallait s’y attendre) mais, et c’est assez rare pour être souligné, je vais tenter de résister à la terrible envie de m’y jeter de suite, parce que le troisième volume ne sortira qu’en mars 2012…

Edit du 12/12/2011: le billet sur le Livre 2, c'est ici.
Edit du 22/03/2012 : le billet sur le Livre 3, c'est ici.

Référence :
1Q84, Livre 1 – Avril-Juin, Haruki MURAKAMI, traduit du japonais par Hélène Morita, Belfond, 2011

2 septembre 2011

Si seulement nous avions le courage des oiseaux

Freedom, Jonathan FRANZEN

Poids lourd de la rentrée littéraire 2011, le nouveau FRANZEN est une réussite parfois trop évidente.

Les Berglund : famille bobo du Minnesota, en apparence sans histoire, au grand désespoir de leur voisinage. Patty est-elle vraiment la femme parfaite ? Mère à temps plein, épouse dévouée, ancienne championne de basket, toujours là pour les autres, … Du genre à préparer des cookies pour toutes les occasions. Trop de qualités aux yeux des autres habitants du quartier qui recherchent activement les craquelures à la surface de ce brillant vernis. Regardez par exemple l’adoration sans borne que Patty porte à son fils cadet, Joey. Alors que Walter, le père, tente d’inculquer à cet enfant des valeurs morales nobles et humanistes, Joey n’a de cesse de remettre en cause l’autorité parentale pour exercer son libre arbitre. Et Patty de sourire devant l’incroyable sens de la répartie de son enfant. Cependant, le conflit avec le père se durcit et Joey quitte la maison pour s’installer chez les voisins, déclenchant ainsi, en plus d’une sévère dépression chez sa mère, l’implosion de la cellule Berglund.
A côté de la micro-épopée familiale, on découvre l’histoire d’amour de Walter et Patty, sur laquelle plane depuis leur rencontre l’ombre de Richard, à la fois le meilleur ami de Walter et sa parfaire antithèse. Walter est responsable, raisonnable, attentif et idéaliste ; Richard est immature, volage, imprévisible et égocentrique. Les deux hommes voient en Patty des choses différentes et laissent s’exprimer chez elle des envies contradictoires. En choisissant Walter, c’est toute une part d’elle-même que Patty décide de laisser derrière elle. Pour combien de temps ?

Difficile de résumer ce roman touffu et pourtant limpide. Si l’intrigue familiale et amoureuse se veut intimiste, le contexte politique et social dans lequel elle s’inscrit ouvre des horizons bien plus larges. Enfants d’une génération qui pensait encore à changer le monde, Patty, Walter et Richard balancent entre l’aspiration à un idéal de réussite sociale et individuelle et un besoin de laisser une trace de leur passage sur terre. Mais que ce soit pour sauver la planète de la surpopulation, élever des enfants ou donner au monde sa musique, il faut passer par des compromis et faire bon usage de sa liberté. Tout le livre tourne autour de la question du choix et de la conséquence des actes que nous posons. Nous sommes libres, ce qui nous donne aussi le droit de nous planter dans les grandes largeurs… S’ensuivent dès lors les remords, les erreurs, les espoirs déçus et, souvent, les larmes.

Bizarrement, rien de trop plombant (en tous cas, dans mon souvenir, moins plombant que Les corrections). Le regard de FRANZEN est à la fois cynique et bienveillant. En alternant habilement les points de vue, il analyse avec une précision presque chirurgicale les aspirations banales et les névroses de la petite bourgeoisie américaine, des années 70 aux années Bush. Les pages défilent et, à part quelques métaphores un rien lourdingues, tout est impeccablement écrit, travaillé et efficace. Mais, et c’est presque paradoxal, on se retrouve parfois comme les voisins des Berglund à chercher la petite aspérité, quelque chose qui aurait échappé au contrôle de l’auteur. 
Il n’en reste pas moins que Freedom est un grand roman réaliste américain qui dresse brillamment le portrait d’une génération et d’un état du monde.

L'avis de Constance93 ici.

Référence :
Freedom, Jonathan FRANZEN, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Wicke, Éditions de l’Olivier, 2011

30 août 2011

BEST OF VACANCES : partie 2

Entre deux plongeons (on peut davantage, dans mon cas, parler de « plouf ») dans la piscine, entre deux expos, entre deux trains, entre deux Spritz: des pages et des pages. Bilan de deux mois de lectures estivales, côté Consonne/Xavier.

Du côté du vidage de la PAL : comme ma chère et tendre co-blogueuse, j’en ai également profité pour aller du côté des lectures recommandées sur notre blog par Voyelle/Amandine (et du même coup, m’avancer pour les lectures de l’année scolaire qui s’annonce…). Au programme : la finesse et la puissance de Fille noire, fille blanche de Joyce Carol Oates, le tourisme européen de Ceux qui marchent dans les villes de Jean-François Dauven, la comédie philosophico-psychanalytique de La méthode Schopenhauer de Irvin D. Yalom et le dernier Siri Hustvedt, Un été sans les hommes. Si d’ordinaire Amandine et moi sommes sur la même longueur d’ondes, pour le coup, nous ne partageons pas le même avis. Beaucoup d’ennui devant le bavardage névrotique de l’héroïne et peu de place pour l’émotion, ensevelie sous les citations et les petits dessins.

Pour le reste, trois titres, trois livres de genre.

Un polar de saison : Été de Mons KALLENTOFT, deuxième volume des enquêtes de Malin Fors, confrontée ici à une série de crimes sexuels sordides alors que la canicule et les incendies de forêt font peser une chape de plomb sur la Suède. Les personnages sont attachants (c’est l’effet série des livres avec des héros récurrents) et l’intrigue mieux condensée que dans Hiver (le premier volume). Pas une révolution mais du très bon polar.

Un roman de SF : Spin, de Robert Charles WILSON. Je ne suis habituellement pas un lecteur de SF mais je cherchais un titre à pouvoir proposer aux élèves. Et même si, honnêtement, cette lecture ne m’a pas transformé en addict du genre, le côté très humain de ce roman m’a beaucoup plu. Pas d’extra-terrestres, de soucoupes volantes (ok, mais vision de la SF est un peu limitée…) mais des hommes face à une situation inconnue et pour le moins flippante : la terre se retrouve, du jour au lendemain, entourée par une barrière invisible et perméable qui l’isole du reste de l’univers : le Spin. À l’extérieur de cette membrane, le temps s’écoule à une vitesse plus rapide que celle de la terre, accélérant ainsi l’évolution du Soleil qui pourrait finir par embraser notre planète. Pas d’explication à ces phénomènes si ce n’est l’intervention d’une puissance qui nous dépasse et dont les intentions nous sont inconnues. Au centre du roman, trois personnages, trois adolescents qui vont grandir avec le Spin et tenter, chacun à leur manière, de lui donner du sens.

Un roman noir : American Death Trip, de James ELLROY. Deuxième volume de la triologie Underworld USA (dont j’ai déjà parlé ici). Le style sec et percutant d’ELLROY se décline ici sur plus de 900 pages qui vont de la mort de JFK à celle de son frère Bobby. Dans ce mélange de fiction et de réalité historique, on retrouve les principaux personnages d’American Tabloïd qui, de Las Vegas au Vietnam, tissent des liens entre le monde du crime organisé et celui des autorités américaines. Violence extrême, cruauté, personnages en perte de repères dans un monde qui n’est que jeu de pouvoir et trahison : le roman noir a rarement aussi bien porté son nom. Cœurs sensibles s’abstenir : les assassinats et les morts s’entassent au fil des pages (et personne ne meurt le sourire aux lèvres pendant son sommeil…). Mais même sur la longueur, la puissance de l’écriture d’ELLROY tient en haleine et nous plonge dans un voyage au plus profond de ce que l’auteur semble considérer comme la racine du mal qui gangrène les USA.

Bonne rentrée à toutes et tous !

Références :

American Death Trip, James ELLROY, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Paul Gratias, Rivages/Noir, 2003 (Niveau 4)

Été, Mons KALLENTOFT, traduit du suédois par Max Stadler et Lucile Clauss, Le Serpent à Plumes, 2010 (Niveau 2)

Spin, Robert Charles WILSON, traduit de l’anglais (États-Unis) par Gilles Goullet, Folio SF, 2010 (Niveau 2)

25 août 2011

BEST OF VACANCES : partie 1

Non, non, non, les vacances ne sont pas encore finies ! Mais force est de constater que la rentrée approche à grands pas. Heureusement, nous avons encore dans les yeux la mer (à 15°) bretonne, le soleil (presque) toujours présent, et surtout les pages des livres qui nous ont (parfois) enchantés !

Comme 67% d'entre vous (voir sondage) j'ai d'abord profité des vacances pour vider ma PAL et lire notamment tous les excellents ouvrages conseillés par mon ami et fidèle acolyte Xavier, alias Consonne, et que je n'avais pas eu le temps de lire pendant l'année. Ainsi, j'ai lu avec délectation Indignation de Philip ROTH, Invisible de Paul AUSTER, Le goût des pépins de pomme de Katharina HAGENA, Allmen et les libellules de Martin SUTER ou encore La femme comestible de Margareth ATWOOD. Et je profite donc de l'occasion pour vous inviter à (re)lire ces différentes critiques. 
J'ai lu aussi quelques classiques : L'oeuvre de Zola (dont Xavier avait également parlé il y a quelques temps) ou encore Léviathan de Paul AUSTER, dans lequel apparaît le personnage de Marie, double de Sophie CALLE (ce qui a engendré, du coup, la relecture de l'extraordinaire Doubles-Jeux de Sophie CALLE). 
Et puis un petit polar, bien-sûr, parce que rien de meilleur qu'une intrigue policière sous le soleil des vacances. J'ai pris une valeur sûre : un roman d'Elisabeth GEORGE qui met en scène son fameux duo de Scotland Yard, le très noble Linley et la très populaire Barbara Havers.
Mais j'en ai profité également pour faire quelques découvertes. 
Commençons par les petites déceptions : Les eaux amères de notre Armel JOB national, un récit sur la jalousie, m'ont paru malheureusement fort fades et le dernier Maggie O'FARRELL, Cette main qui a pris le mienne, roman pourtant émouvant et assez haletant, qui comportait tant de similitudes avec l'excellent La disparition d'Esme Lennox qu'il n'a pas réussi à totalement me convaincre.
Et puisqu'il est de bon ton de garder le meilleur pour la fin... voici les heureuses, que dis-je, les merveilleuses découvertes de l'été (et estampillées Chouchou !) :
Tout d'abord le magnifique Rosa Candida de Audur Ava OLAFSDOTTIR. Un récit d'une très grande fraîcheur sur la découverte par un tout jeune homme de la paternité et de l'immense amour/chamboulement/émerveillement que peut déclencher l'arrivée d'un nouveau né. Interviennent également le souvenir d'une mère adorée, morte tragiquement, et qui donna à son fils l'amour des fleurs et de la nature et la tentative de redonner sa splendeur d'antan à la roseraie d'un monastère au fin fond d'une ville inconnue. C'est beau, c'est touchant, c'est poétique. Mais l'écriture n'en est pas moins dynamique et le tout particulièrement vivifiant.
Citons aussi  les Prodigieuses créatures de Tracy CHEVALIER. N'ayant pas été particulièrement enthousiasmée par La jeune fille à la perle, c'est avec quelques réserves que je pris ce livre en vacances. La surprise n'en fut que meilleure. Je me suis très vite passionnée par l'histoire des ces deux femmes, l'une d'origine bourgeoise et l'autre de basse extraction, que la passion des fossiles va faire se rapprocher. Une histoire sur la condition de la femme, sur la lutte des classes mais aussi sur l'origine du monde (le croirez-vous, j'ai presque envie d'aller voir des fossiles au musée...?). Avec un petit quelque chose à la Jane Austen qui n'est pas pour gâcher le plaisir...
Et enfin, En un monde parfait de Laura KASISHKE, qui commence comme une roman à l'eau de rose (une hôtesse de l'air abandonne son métier pour épouser un beau pilote veuf et éduquer ses trois enfants) et qui très vite tourne en roman d'anticipation (un étrange virus se propage aux Etats-Unis). Malgré une thématique un peu glissante, le roman sonne toujours juste, n'est ni complaisant ni moralisateur, et nous entraîne malgré nous dans un monde à la fois étrange et... frisant la perfection.

Et maintenant... vive la rentrée (littéraire) !




Références :

Armel JOB, Les eaux amères, Robert Laffont, 2011.

Maggie O'FARRELL, Cette main qui a pris la mienne, Traduit de l’anglais (Irlande) par Michèle Valencia, Belfond, 2011.


Audur Ava OLAFSDOTTIR, Rosa Candida, traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson, Zulma, 2010.
Tracy CHEVALIER, Prodigieuses créatures, Traduit de l’américain par Anouk Neuhoff, La table ronde, 2010 - Folio, 2011.

Laura KASISCHKE, En un monde parfait, traduit de l'anglais (États-Unis) par Éric Chédaille, Christian Bourgeois éditeur, 2010.

11 juillet 2011

Comment lisez-vous pour les vacances 2011 ? Les résultats

Fin de notre petite enquête sur vos habitudes de lectures estivales. Vous avez été 78 à répondre et nous vous en remercions.

Aperçu des réponses (plusieurs réponses étaient possibles):

J'en profite pour vider ma PAL (Pile à Lire) : 67% 
Je lis, peu importe : 38%
Je lis des briques : 37%
Je choisis des livres plus "légers" : 27%
Je choisis mes lectures en fonction de ma destination : 22%
Je lis ce que je trouve sur place : 9%
Je lis des livres très courts : 8%
Je choisis des lectures que je n'oserais pas assumer ailleurs qu'à l'étranger : 1%
Je ne lis pas pendant les vacances : 1%

Le critère le plus souvent retenu est donc le piochage dans la PAL. Critère qui nous étonne un peu car pour nous les vacances sont souvent l’occasion d’un raid en librairie…
Les briques et les livres plus « légers » ont la cote ce qui nous fait penser que les lectures de vacances riment pour beaucoup avec temps et décontraction.

Ce petit sondage ne va certainement pas révolutionner l’industrie du livre mais c’est assez amusant de voir qu’au final la lecture de vacances reste un moment particulier, comme le prouve le commentaire suivant:

« Je suis une dévoreuse de livres, mais pendant l'année scolaire (je suis enseignante) je m'interdis d'ouvrir un livre, pour plusieurs raisons : absorbée par ma lecture, je ne serais jamais allée à l'école, en tout cas jamais à l'heure et j'aurais perdu mon travail, ma famille serait morte de faim, mon chien aurait dévoré le chat, car je n'aurais pas trouvé le temps de lui acheter des croquettes, la maison serait tellement sale que les voisins auraient alerté le service d'hygiène... Alors quand arrivent les vacances, je mets plus de livres que de vêtements dans ma valise et je reviens chez moi avec encore plus de livres… »
Donc les lectures estivales peuvent aussi sauver des vies!

Tout ceci nous amène à vous souhaiter un excellent été à toutes et tous, de belles et bonnes lectures et à vous donner rendez-vous d’ici quelques semaines.

Bonnes vacances !