27 décembre 2010

Bonnes nouvelles

Débutants, Raymond CARVER

Premier tome des versions originales du grand nouvelliste américain : 17 réussites.

La nouvelle qui donne son titre à ce recueil met en scène deux couples attablés devant une bouteille de gin. S’interrogeant sur l’amour, ses raisons, son inconstance, ils se racontent des histoires, leurs précédentes relations, leurs divorces, leurs attentes, des images d’autres couples qui figurent une possibilité de bonheur. Car tous les personnages de CARVER tentent d’être heureux, de croire en quelque chose qui pourrait s’apparenter au bonheur. Un gâteau qui annonce l’anniversaire d’un enfant, trois jours de pêche entre amis, une partie de bingo, quelques pas de danse esquissés dans une cuisine après une nuit sans sommeil. Des moments de bonheur, mais surtout des répits dans une existence toujours au bord du gouffre, où la violence est prête à jaillir, où le destin, celui qui renverse en voiture les petits garçons ou celui qui fait plonger dans l’alcool, transforme les humains en personnages de petits drames du quotidien.
Alcoolisme, folie, divorces, accidents, adultères, … Si ce n’est pas la part la plus flatteuse de l’être humain que CARVER dépeint dans ces nouvelles d’une puissance incroyable, il n’en reste pas moins que ses personnages tentent souvent de se projeter vers un ailleurs qui leur ferait envisager l’avenir sous un jour plus heureux. En vain.
Ce premier tome des œuvres complètes du nouvelliste américain est, à côté de toutes ses qualités littéraires, une histoire d’édition particulière. Les textes avaient été, au moment de leur première parution en 1981, fortement modifiés par l’éditeur, Gordon Lish. A lire la lettre bouleversante que l’auteur lui adresse (reprise en annexe du recueil), on comprend bien qu’il ne s’agissait pas là de simples corrections mais bien d’un travail de réécriture, dénaturant une œuvre qui semble alors pourtant capitale, voire vitale, aux yeux de l’écrivain. C’est donc ici pour la première fois une édition basée sur le manuscrit original. Il semblerait que les corrections de Lish ont consisté essentiellement à couper dans le texte et, à la lecture des nouvelles, on se demande bien les raisons de cette « castration ». Rien n’est jamais de trop. Chaque nouvelle est un monde à part entière, une histoire dans laquelle, en quelques lignes, le lecteur est plongé. En passant par un détail, une phrase, un lieu, l’auteur parvient à créer des atmosphères extrêmement réalistes où, à travers la fumée des cigarettes, vont se jouer ces petites tragédies. Le style est brillant, extrêmement construit mais d’apparence simple, juste et, pour moi qui ne suis généralement pas un amateur de nouvelles, qui parvient à ne jamais laisser le lecteur sur sa faim. Le talent de CARVER est de réussir à se tenir sur cette étroite frontière qui sépare le drame du mélo-drame, la tragédie du soap. Une connaissance des recoins de l’âme qui lui permet de saisir ses personnages en un trait, une scène, et de rester toujours au bord de l’émotion, en retenue.
Un premier tome qui, en ce qui me concerne, est un premier pas dans l’œuvre d’un auteur que je vais rapidement continuer à découvrir et que je vous recommande avec insistance.

Un grand merci à Sébastien du Globe-Lecteur qui, par son alléchant billet, a fait remonter ce livre sur le dessus de ma PAL.
Référence :
Raymond CARVER, Œuvres complètes 1, Débutants, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jaqueline Huet et Jean-Pierre Carasso, Editions de L’Olivier, 2010.

22 décembre 2010

Des cadeaux #2


Au secours ! Plus que deux jours ! Que faire ! En plus on travaille jusqu'à vendredi... Comment croyez-vous qu'on puisse aller faire de courses de Noël ?! Non mais je vous jure ! Heureusement, il reste la solution miracle : se rendre dans une librairie, lieu de tous les possibles (et pourquoi pas sur une heure du midi, il y a même des librairies qui font lunch…). Parce que bon, ce n'est pas à vous qu'il faut le dire, lecteurs et/ou rédacteurs de blogs de lecture, un livre, c'est quand même le cadeau parfait : ce n'est pas (toujours) cher, ça peut être personnalisé, c'est rarement vilain et toujours très utile. Oui, mais bon, ce n'est pas tout... quoi offrir et à qui ? Et c'est là qu'une fois encore Voyelle et Consonne se fendent d'un petit billet plein d'idées (comme nous l’avions fait l’an dernier ici). Non, non, ne nous remerciez pas, c'est bien naturel... (et puis on avait très envie d’un petit best of 2010 sans vraiment vouloir l’avouer…)

- Pour votre papa qui a fait mai 68 (ou votre frère, pas de conflit de génération...), pour votre tonton syndicaliste ou votre petite cousine militante : Indignez-vous, de Stéphane HESSEL (et en plus il ne coûte que 3€ : la cadeau anti-crise par excellence) ou Indignation, le très beau dernier roman de Philip ROTH.

- Pour votre maman, qui n'a pas oublié (complètement) son discours féministe et sa lecture de Simone de Beauvoir : Infrarouge, de Nancy HUSTON, ou le parcours d'une femme libre et Purge de Sofi OKSANEN ou la rencontre inattendue entre deux destins de femme.

- Pour votre tante, amateur (amateuse ? amatrice ? amateure ?) de belles choses, Sanctuaires ardents de Katherine MOSBY, une émouvante histoire de femme insoumise (encore !) et une écriture magnifique.

- Pour votre petite cousine qui adore les chevaux : Le dieu des animaux, d'Aryn KYLE. Une histoire de cheval et d'ado loin des clichés du genre: subtile, touchante et réaliste. Un fantastique premier roman loin de l’univers de Black Beauty et autres nunucheries équestres.

- Pour votre beau-frère qui ne lit que des romans policiers : n'importe quel livre des éditions Sonatine (comme ici) avec une préférence pour les romans de ELLORY (deux d'entre eux sont d'ailleurs désormais en poche, dont notre sombre chouchou Vendetta); sachez aussi que Henning MANKELL dont on vous a dit souvent tant de bien vient de sortir une nouvelle (et dernière !) aventure de son détective Kurt Wallander, L'homme inquiet (nous aussi on est inquiet de ce qui va lui arriver). On ne l'a pas encore lu, mais on vous le conseille les yeux fermés.

- Pour votre cousin, amoureux du Japon, Le poids des secrets, de SHIMAKAZI. Un coffret (ah, le coffret, grand ami des fêtes de fin d’année !), cinq petits romans, une histoire de secrets de famille et une écriture fine et précieuse.

- Pour la petite amie italienne (ou anglaise, ou américaine ou... enfin vous avez compris) de votre frère qui vient passer Noël en Belgique, un livre belge bien sûr ! Et pourquoi pas par une jeune plume originale de nos contrées avec Les assoiffées de Bernard QUIRIGNY.

- Pour votre grand-père, amateur d'art, le très joli Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants de Mathias ENARD ou les aventures de Michel-Ange à Constantinople.

...

Reste à vous souhaiter que vos fêtes soient douces, la bûche légère et les livres nombreux sous le sapin !

Joyeux Noël.

20 décembre 2010

Tout est dans le titre

Indignez-vous !, Stéphane HESSEL

Quelque pages d’humanisme contemporain : salutaire.

Le succès d’édition certainement inattendu de cette fin d’année. Au moins 200.000 exemplaires déjà vendus et, à voir le petit buzz médiatique qui se met en marche, cela risque d’encore grimper. Et pourtant ici, pas de sorcier pré-pubère, pas d’habitué des têtes de gondoles ou de figures médiatico-culturelles. Juste un rappel, un message clair et simple : indignez-vous.
Évidemment, ce cri n’est pas lancé par n’importe qui. Stéphane HESSEL est une figure marquante : résistant durant la guerre, rescapé des camps, l’un des rédacteurs de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948, ancien diplomate, infatigable militant, … Un homme de 93 ans qui s’adresse aux plus jeunes en leur rappelant d’abord les principes issus de la Résistance qui, au lendemain de la guerre, devaient mener l’humanité vers des jours meilleurs. Des principes et des valeurs aujourd’hui disparus. Il dresse un état des lieux lucide et clair de ce début de millénaire : rôle de l’état, écologie, économie, terrorisme, guerres, … Pas besoin de chercher très loin pour trouver des raisons de s’indigner.
Sans tomber dans le discours moralisateur, Stéphane HESSEL nous rappelle que le monde nous appartient et qu’il faut espérer, attendre plus de nos politiques et oser manifester son indignation. En passant par Sartre et Hegel, il revient sur la fin des grandes utopies du siècle précédent en se tournant résolument vers l’avenir.
Une vingtaine de pages d’humanisme contemporain qui font réfléchir et qui, espérons-le, pousseront les plus résignés à l’indignation.

PS :
- Petite précision littéraire : l’auteur est le fils de Franz Hessel, grand ami de l’écrivain Pierre-Henri Roché qui en fit le Jules de son Jules et Jim.

- Avis aux collègues: parfait comme essai à donner à lire à des ados.

17 décembre 2010

Mort d'un parfait basketteur

Sans un adieu, Harlan COBEN

Le dernier roman de la star américaine du roman policier est en réalité son premier. Au roman des origines, on préfère les plus aboutis...

Inutile, évidemment, de présenter Harlan COBEN. Il est présent, parfois grandeur nature, dans les rayons polar de toutes librairies. En quelques années, il est devenu le maître du genre, le virtuose du suspense et surtout, le roi de la rapidité. Car COBEN, qui doit rendre notre Amélie Nothomb verte de jalousie, publie un roman par an, sans faute, et les maisons d'édition, ne laissant bien entendu jamais passer l'œuf en or d'une poule talentueuse, ont ressorti des inédits (en langue française) nous inondant de polars cobeniens, parfois sans se soucier de la chronologie. Pas de bol pour le lecteur francophone qui lit les aventures du sympathique Myron Bolitar, ancienne star de basket reconverti en agent sportif et en enquêteur par la force des choses, dans l'ordre dans lequel sortent les traductions et qui se perd, du coup, parfois, dans les amours compliqués dudit Myron. Mais l'auteur écrit aussi des romans "one shot", mettant en scène des personnages qu'on ne reverra jamais... ou presque. Car, et tous ses lecteurs en conviendront, d'un livre à l'autre, ses personnages se ressemblent étrangement. Beaucoup de médecins et de (ex)champions sportifs charmants, drôles et ayant le sens de la répartie ; beaucoup de femmes dotées d'une "silhouette sublime" et d'un "visage au charme irrésistiblement exotique" ce qui ne les empêche jamais d'avoir un sacré caractère et une vraie intelligence. Bref, des individus à qui la vie sourit mais sur qui tombe en général une terrible tuile. Quant au style, il manque parfois un peu de finesse.
Et pourtant... ! Et pourtant, Harlan COBEN nous a prouvé, et plusieurs fois, son indéniable talent. Quelques-uns de ses livres sont des chefs d'œuvre du genre. COBEN maîtrise l'art de l'intrigue et du suspense comme personne (ou presque). Son style, certes un peu plat, est cependant dynamique et certains de ses dialogues particulièrement jouissifs. Et si ses personnages sont un peu fabriqués, ils sont tellement sympathiques qu'on a suffisamment envie de croire en eux pour s'y attacher et pour souhaiter qu'ils se sortent la tête haute des ennuis dans lesquels ils se sont fourrés.
Ainsi, des romans comme Ne le dis à personne (très bien adapté au cinéma par Guillaume CANET), Disparu à jamais ou Une chance de trop ont fait passer de nombreuses nuits blanches même aux plus sceptiques (dont je faisais partie... ). La lecture d'Harlan COBEN peut devenir une terrible addiction, d'autant plus dangereuse que la prolixité de l'auteur lui fait publier des romans parfois bien en dessous de ses capacités.
Mais revenons à cette dernière parution. Au début de Sans un adieu (les traductions des titres sont malheureusement pour le moins répétitives : Sans un adieu, Sans un mot, Sans laisser d'adresse,...) l'auteur nous met en garde : "OK, si vous n'avez rien lu de moi, arrêtez tout de suite. Rendez ce livre. Prenez-en un autre. Ce n'est pas grave. J'attendrai. Si vous êtes toujours là, sachez que je n'ai pas lu Sans un adieu depuis une bonne vingtaine d'années. Je n'ai pas voulu le réécrire. C'est un procédé qui me répugne." Tout est dit : il s'agit du premier roman de l'auteur encore "jeune ingénu travaillant dans le tourisme" et depuis devenu la star que l'on sait. De là à se dire que les éditeurs ont dit à leur poulain : "Harlan, donne nous n'importe quoi, on prend" et que COBEN est allé ressortir ce vieux manuscrit daté, il n'y a qu'un pas.
Laura, ex top model, et David, superstar de l'équipe des Celtics, passent leur lune de miel en Australie. Mais David part nager et... ne revient pas. On conclut à une mort par noyade. Lorsque Laura revient aux Etats-Unis, incapable d'admettre le drame, elle enquête sur la disparition de son homme et fait ressurgir de vieux secrets de famille.
On retrouve dans ce "roman des origines" bien des caractéristiques  cobenniennes : des personnages riches et beaux, une intrigue emberlificotée, plein de rebondissements. Les aficionados s'amuseront même à reconnaître certains personnages qui reviendront dans ses oeuvres postérieures. Hélas, le style est ici vraiment très pauvre, les personnages vraiment très artificiels et surtout, comble de l'horeur, l'intrigue à la fois prévisible et invraisemblable. Il m'est arrivé quelque chose qui ne m'était jamais arrivé auparavant (et je pense avoir lu toute son oeuvre) : j'ai presque tout compris dès le début.
Harlan COBEN a donc raison : si vous n'avez jamais rien lu de lui, prenez autre chose... Pour les autres, ma foi, faites-vous plaisir (mais tâchez qu'on vous prête le roman...).

Merci quand même aux éditions Belfond pour nous avoir fait parvenir ce roman.

15 décembre 2010

(Bad) Trip littéraire

Des garçons épatants, Michael CHABON

Un roman à l’univers décalé et un peu foutraque qui finit pas lasser.

Une longue et difficile journée pour Grady Tripp, prof de lettres dans une université américaine. Point de vue sentimental, on a vu mieux : sa femme le quitte, sa maîtresse, par ailleurs mariée à son recteur, lui annonce qu’elle est enceinte et la jeune et belle Hannah lui tourne plus que jamais autour. Professionnellement, ce n’est pas simple non plus : il peine depuis des années sur son dernier roman,  Des garçons épatants, une œuvre titanesque à laquelle il ne parvient pas à mettre un point final et qui, de par son imposante dimension, risque bien de ne jamais trouver le chemin des librairies. Il n’a d’ailleurs toujours rien montré de son travail à Teddy Crabtree, son plus vieil ami et éditeur, dont la carrière bat de l’aile. C’est aussi sans compter sur la présence étrangement morbide de l’un de ses étudiants, James Leer, apprenti écrivain au talent certain mais au bord du gouffre existentiel. Ajoutez à cela l’assassinat du chien du recteur, le vol d’un petit manteau ayant appartenu à Marilyn Monroe, un repas de Pessa’h qui tourne au cauchemar familial, le tout sous l’effet de l’alcool, du joint, ou des deux !
Le roman démarre avec beaucoup de souffle et de vitalité, CHABON (dont on vient de vous parler ici) s’adonnant avec une joie communicative au jeu du vaudeville moderne et littéraire, centré sur son héros, loser sublime qui, quand il parvient à éviter les coups du sort, fonce tout droit vers de nouveaux problèmes. L’écriture est toujours tendue, bourrée d’ironie. Dialogues et descriptions piquent, amusent et créent peu à peu un univers un peu loufoque. Mais au fil des pages, alors que les personnages semblent lutter contre une gueule de bois de chaque instant, le rythme du récit s’empâte lui aussi, se perd parfois dans des péripéties redondantes, accessoires et l’intrigue de perdre de son intérêt. Même si les digressions, sur l’écriture et le cinéma notamment, sont plaisantes, elles ne parviennent pas à maintenir le lecteur en éveil. Dommage, car tout cela était bien parti. En même temps, le souci de l’auteur est finalement le même que celui de son personnage : trouver une fin, faire progresser une intrigue. La mise en abîme ne sauve cependant pas le lecteur de l’ennui. C’est dommage, car c’était bien parti…

Un livre lu grâce à un partenariat organisé par BOB (qu’on remercie encore une fois pour leur job épatant) et les éditions Robert Laffont.

PS : ce roman a été adapté en 2000 au cinéma par Curtis Hanson. J’ai vu ce film mais je n’en ai plus aucun souvenir.

8 décembre 2010

A yiddishe polar



Le club des policiers yiddish, Michael CHABON

Un polar dense, décalé et exotique. Oy !

La découverte du corps d’un jeune drogué assassiné dans l’hôtel qu’il habite depuis son divorce plonge l’inspecteur Landsman dans un drôle d’état. Serait-ce la faute de l’échiquier trouvé à côté du cadavre qui lui rappelle son propre père, grand joueur d’échecs ? Ou bien serait-ce simplement la cuite de la veille qui l’empêche d’y voir clair. Peu importe car il devra vite oublier l’affaire : la police de Sitka, territoire minuscule d’Alaska abandonné pour un temps à la communauté juive, va devoir passer la main à la police américaine. Signe de la fin du refuge glacé de ces juifs du Nord ? Mais Landsman s’obstine et continue l’enquête, contre l’avis de son nouveau chef qui n’est autre que son ex-femme…

La première surprise du roman tient à l’invention de cette communauté juive d’Europe de l’Est transplantée en Alaska. Un microcosme autarcique, minorité visible aux côtés des Indiens, parqués aussi pas loin de là. Le lecteur est plongé dans une autre culture notamment grâce à tous les termes yiddish qui parsèment le texte (avec un petit lexique à la fin). Polar basique au démarrage (meurtre + flic alcoolo dépressif), le roman surprend ensuite par la dimension géo-politique qui s’impose à mesure que l’enquête avance. On n’en dira pas plus afin de ménager le suspense.

Le club des policiers yiddish est mon premier CHABON et certainement pas le dernier (je suis d’ailleurs plongé dans Des garçons épatants). Beaucoup d’humour et d’ironie, un style original, une imagination singulière, la relecture d’un genre : que demandez-vous de plus ? Le côté polar décalé fait parfois un peu penser à du VARGAS, en plus épique. Bref : enfilez votre doudoune (et à mon avis, pour le moment, elle ne doit pas être bien loin…), ouvrez la porte du congélateur (ambiance Alaska garantie) et bonne lecture !

Merci à Françoise qui m’a remis en tête cet auteur que j’avais envie de découvrir depuis longtemps.

5 décembre 2010

Have you reached your verdict ?

Verdict, Justin PEACOCK

Un roman judiciaire qui tient ses promesses.

Les polars traditionnels s’arrêtent souvent là où le coupable est arrêté. Mais après viennent les avocats et c’est un tout autre boulot qui commence. Victime ou coupable, chacun a le droit d’être défendu et, pour les avocats de la défense, il faut la jouer finement.
Joel Deveraux avait tout du jeune lion en passe de gravir les échelons d’une grande boîte d’avocats d’affaires à New York. Mais un penchant un peu addictif pour une substance prohibée et la mort par overdose de l’une de ses collègues vont mettre un terme brutal à ses espérances ; obligé de démissionner, il se retrouve tout en bas de l’échelle du prestige des hommes en robe : avocat commis d’office.
C’est ainsi qu’il est amené à seconder Myra, autre avocate pour qui ce poste a du sens et de l’importance, dans une affaire de meurtre ayant pour cadre le milieu du petit trafic de drogue d’une cité de laissés pour compte. L’accusé clame son innocence et le travail de ses avocats sera de démontrer aux jurés qu’il n’est pas le coupable que les apparences et les témoignages semblent désigner. Car plus que de se montrer défenseur de la vérité, l’avocat doit avant tout être un champion de la persuasion.
Un très bon suspense dans ce roman judiciaire (pas certain, comme le dit la couverture, que l’on puisse parler de "thriller") qui a comme principale originalité d’être extrêmement bien construit sur le plan juridique (américain). L’auteur, lui-même avocat, aborde presque son roman comme un documentaire sur le métier et, surtout, sur les situations morales et éthiques auxquelles sont confrontés ses pairs.
L’intrigue est efficace, les personnages crédibles et on ne reprend son souffle qu’une fois le bouquin refermé.
Allez, hop : sous le sapin !

Un libre lu dans la cadre d’un partenariat organisé par Blog-o-Book (que nous remercions, comme d’hab !) et Sonatine.

Les avis de Canel, de Manoes et de Pikkendorff.

2 décembre 2010

Des livres du plat pays... une fois #2

Notre pays se déchire, nous n’avons plus de gouvernement depuis… heu… on ne compte même plus les mois, il n’est question que de conflits communautaires dans les journaux télévisés… Que cela ne nous empêche pas de développer, quand bon nous semble, un petit sentiment nationaliste et de défendre des livres bien de chez nous, pour les faire découvrir à nos lecteurs d’un autre pays ou à nos compatriotes pas toujours au courant que nous aussi, les Belges, on écrit, et parfois très bien. Un peu de tout, pas du brol : un melting pot !


-    Des romans intimistes
Qui dit intimiste, dit Corinne HOEX. La romancière parle d’elle, de son enfance, de ses blessures. Dans Ma robe n’est pas froissée, elle abordait l’adolescence à travers le personnage d’une jeune fille coincée entre une mère indifférente, un père manipulateur et un petit ami violent. Dans son dernier roman, Décidemment je t’assassine, l’auteure évoque sa mère. Ou plutôt les derniers moments de la vie de sa mère, la manière dont elle va la suivre jusqu’à son dernier souffle et surtout dont elle va gérer le deuil de cette femme froide, souvent cassante, parfois violente, qui maintenait sa fille à distance mais n’était jamais loin.
Maman Jeanne, le dernier récit de Daniel CHARNEUX, est lui aussi un petit roman intimiste tout en finesse qui raconte la vie douloureuse d’une femme du peuple au début du siècle, toujours obligée de dépendre des hommes, qui deviendra bonne du curée et évoquera la difficulté, pour une femme de sa condition, de s’en sortir seule et de parvenir à devenir une vraie mère pour des enfants qu’elle n’arrive pas à nourrir.
Dans Oubliez Adam Weinberger, Vincent ENGEL raconte les camps de concentration… ou plutôt ne les raconte pas mais parle de la vie d’Adam Weinberger avant et après cette expérience irracontable. Difficile ensuite de l’oublier.
Intimiste toujours, Ceux qui marchent dans les villes, de Jean-François DAUVEN, roman sur une poignée d’individus perdus dans une grande ville, des villes qui seront, elles aussi, des personnages. Paris, Rome, Londres,… et Bruxelles, bien sûr, autant de villes que d’histoires qui finissent par se répondre. Si la balade dans laquelle DAUVEN nous emmène est parfois un peu longue, la description des villes et des individus ne manque pas de charme.

-    Des romans à suspense
On compare souvent Armel JOB à SIMENON. Il est vrai que ses polars sont comme ceux du maître liégeois, des romans psychologiques avant d’être des romans à suspense. Dans Les Fausses innocences, déjà, JOB reconstituait l’ambiance trouble de l’après guerre dans les cantons rédimés (partie de la Belgique du côté de la frontière allemande) et nous faisait nous intéresser à l’étrange personnalité du narrateur, de sa mère tyrannique et de la femme qu’il continue d’aimer malgré qu’il la soupçonne d’avoir bel et bien tué son mari. Dans son dernier roman, Tu ne jugeras point, où il est question de la disparition d’un bébé, le point du vue est celui du juge qui dirige l’affaire, qui soupçonne la mère et cherche à connaître la vérité sans porter de jugement. Roman haletant qui évite subtilement de tomber dans le glauque, le tapageur ou le mélodramatique.
Citons également Jean-Baptiste BARONIAN, auteur « spécialisé » dans le polar et le fantastique (il n’est pas Belge pour rien…) qui a publié une quarantaine de romans (mais aussi une excellente biographie de BAUDELAIRE) dont le très noir Matricide dans lequel un policier de quartier qui s’ennuie assassine sur un coup de tête une pauvre petite vieille.
Et puisque nous sommes pour une Belgique unie, rappelons que nous avions déjà parlé ici d’un grand auteur flamand de roman policier, à savoir Pieter ASPE.

-    Des romans historiques

C’est à l’histoire de Rabelais que s’est intéressée Valérie DE CHANGY dans son roman Fils de Rabelais. La romancière y raconte un épisode de la vie du grand écrivain humaniste par l’intermédiaire d’un hypothétique fils adoptif. Nous sommes à la fin de la Renaissance, en pleine guerre de religion, période pendant laquelle il n’est plus aussi aisé de dire ce que l’on pense, même par le rire, et où Rabelais commence à s’inquiéter de la réaction que pourrait susciter la publication de son dernier ouvrage, Le Tiers Livre.

-    Des romans d’anticipation
Bernard QUIRIGNY est un jeune auteur à suivre et à saluer pour deux raisons évidentes : son roman Les assoiffées (dont nous avons parlé ici) est un excellent mélange de contre-utopie et d’humour mais aussi (surtout ?) il aura permis aux accros de la rentrée littéraire, qui lui ont accordé pas mal d’attention, de découvrir que, non, il n’y a pas qu’Amélie Nothomb qui écrit en Belgique…
Vincent ENGEL, quant à lui, nous suggère dans Mon voisin c’est quelqu’un de faire bien attention aux agissements de nos voisins. Celui d’Otto, narrateur de cette histoire, est déjà effrayant à première vue. Quand ensuite on se rend compte du plan machiavélique qu’il a mis en place pour faire valoir ses idées radicales et nauséabondes et faire revivre un triste passé, on décide de redoubler de vigilance par rapport à notre voisinage. ENGEL n’a rien n’inventé en terme de roman d’anticipation mais on aime son style dynamique et caustique et puis il est des souvenirs qu’il est toujours bon de rappeler…

A lire qu’il drache ou qu’il neige, un paquet de frites brûlant ou une bonne gauf’ entre les mains, attablé devant une bonne pintje,… qui sait si vous n’aurez pas un sacré boentje pour un de ces auteurs !

PS :
- Des livres du plat pays… une fois #1 c’est ici.

- Comme nous sommes nuls en challenge, nous n’avons pas participé à celui organisé par Reka sur la littérature belge. Pourtant nous aurions facilement gagné le titre de « gros Belge » !

- On profite de ce billet pour ajouter un titre à la playlist de Leiloona, bienheureuse créatrice de la radio des blogueurs. Un titre belge, bien entendu !