27 janvier 2014

Danny Girl

Transatlantic, Colum McCANN

Entre l’Irlande et l’Amérique, sur quatre générations, McCann mélange la petite et la grande histoire. Pas toujours convainquant.

En 1919, deux aviateurs anglais réalisent le premier vol transatlantique sans escale. John Alcock et Arthur Brown s’envolent de Terre Neuve, à bord de leur Vickers Vimy, pour rejoindre l’Irlande. Ils parcourent en sens inverse le trajet que de nombreux Irlandais ont emprunté pour venir s’installer en Amérique, terre de toutes les promesses.
Dans leur coucou, les deux pilotes emportent la lettre d’une journaliste américaine, fille d’un ancienne domestique irlandaise partie elle aussi pour le Nouveau Monde. Lily Duggan a quitté Dublin en 1845 après avoir fait la rencontre de Frederick Douglass, un esclave américain débarrassé de ses chaines. Écrivain et militant abolitionniste, Douglass parcourt l’Irlande pour rallier à sa cause le plus grand nombre. Son charisme et son charme — on l’appelle parfois le « dark dandy » — opèrent sur la jeune fille et lui donnent la force et le courage d’aller tenter sa chance au-delà de l’océan.
Dans son dernier roman, Colum McCann mélange les époques et voyage entre quatre générations de femmes qui vont et viennent entre l’Irlande et l’Amérique. À côté de cette histoire intime, d’autres figures croisent le destin de ces quatre personnages : les aviateurs, l’ancien esclave ou encore George Mitchell, ancien sénateur américain, artisan de l’Accord du Vendredi Saint qui, en 1998, mettra (temporairement) fin au conflit nord-irlandais. L’auteur tente de nous montrer ces figures historiques par le biais du quotidien, à travers leurs réflexions et leurs observations sur le monde de leur époque, et plus particulièrement sur le pays de l’auteur : l’Irlande.
Comme dans Et que le vaste monde poursuive sa course folle c’est donc à nouveau un voyage entre la petite et la grande histoire, par sauts successifs, d’un personnage et d’une époque à l’autre, que nous convie Colum McCann. Cette construction éclatée ne semble pourtant pas aussi fluide et tendue que dans son précédent roman. Et si l’on retrouve avec beaucoup de plaisir la finesse du style de l’auteur, on se perd parfois un peu dans ses va-et-vient dans le temps et l’espace. L’idée renforce le propos mais sent parfois trop l’artifice. 

Référence :
Colum McCANN, Transatlantic, traduit de l’anglais (Irlande) par Jean-Luc Piningre, Belfond, 2013.

20 janvier 2014

(Re)Lire ses classiques #10

La Pierre de Lune, Wilkie COLLINS

Considéré comme le précurseur du roman policier, Wilkie Collins s’amuse à balader son lecteur dans une intrigue foisonnante et drôle, à la construction terriblement moderne.

Un officier de l’armée des Indes dérobe un énorme diamant jaune enchâssé au front d’une divinité hindoue lors de l’assaut de la ville de Seringapatam. D’étranges légendes circulent autour de la pierre précieuse : elle serait, depuis des siècles, placée sous la protection de trois brahmanes. Malheur à celui qui s’en empare…
Une fois revenu en Angleterre, l’officier et le fruit de son larcin ne font plus parler d’eux jusqu’à la mort du voleur qui décide de léguer le bijou à sa nièce, la jeune Rachel Verinder. Une fois dans les mains de sa nouvelle propriétaire, les ennuis commencent. Alors que trois Indiens rôdent aux alentours de la maison de la jeune fille, la Pierre de Lune disparaît mystérieusement et, dans son sillage, jette le trouble dans les esprits de tous les occupants. C’est le début d’une longue et étrange enquête dans laquelle de nombreux protagonistes viendront ajouter leur grain de sel. Sans parler des conséquences inattendues de cette disparition : mort, promesses de mariage rompues et amours impossibles.
Ce qui frappe à la lecture de ce classique du genre, c’est l’incroyable modernité de la construction. Afin de comprendre la succession de tous les événements liés à la disparition du diamant, le cousin de Rachel, Mr. Francis Blake, demande à tous ceux qui ont été témoins des différentes étapes de cette étrange affaire de revenir sur les faits et de consigner leur témoignage. Journaux intimes, lettres, comptes rendus, confessions, … On passe donc d’un narrateur à l’autre pour, petit à petit, parvenir à percer le mystère de la disparition du diamant. Une vieille jeune fille bigote, un médecin tourmenté, une voleuse repentie, … et un majordome au flegme à toute épreuve, confit par la lecture de Robinson Crusoé ! 
Et bien entendu, parmi les nombreux personnages qui vont et viennent, un sergent fin limier, rationnel et observateur, qui n’en est pas moins passionné par la culture des roses. Tout ce petit monde va dénouer un à un les fils d’une intrigue passionnante et pleine de rebondissements.
Collins est souvent considéré comme le précurseur du roman policier. Il est du moins l’un des premiers à construire tout un roman autour d’un mystère et d’utiliser (notamment) un personnage de policier pour le résoudre. À cela, il faut ajouter l’humour distancié et le talent de l’auteur pour camper des personnages étonnants et croqués avec beaucoup de finesse.

Référence :
Wilkie COLLINS, La Pierre de Lune, traduit de l’anglais par Marguerite de Vaudreuil, Archipoche, 2013.

4 janvier 2014

Bonnes résolutions


Point de conseils cadeaux de Noël comme à notre habitude, mais une liste de bonnes résolutions !
En cette veille de début d'année, quelques heures avant le renouveau, il est temps de penser, et ce avant que nous ayons l'esprit embrumé par les spiritueux, la bonne chère, la musique, les conversations passionnées et autres joies des fins d'année, à prendre de sages décisions pour que 2014 soit douce, légère mais aussi pleine pleine de (bons) mots et de (belles) lettres ! L'occasion aussi de revenir sur nos lectures 2013.

Nos résolutions 2014 sont donc, dans le désordre, les suivantes (et si vous les partagez, suivez les liens):

- De lire et/ou de relire des classiques. Allez, au moins deux sur l'année. Quelques idées ici.

- De lire du Laura Kasischke et du Joyce Carol Oates parce que comme dirait Xavier : "ce sont des auteurs qu'on pourrait lire les yeux fermés", que chaque livre est un merveille de poésie et de cruauté et ce, malgré qu'elles soient toutes deux très prolifiques et qu'elles ont constitué une œuvre véritablement cohérente tout en écrivant des livres chaque fois singuliers. (Attendez peut-être néanmoins la fin des fêtes pour lire Esprit d'hiver, il se pourrait que ça vous empêche d'en profiter pleinement...)

- De lire du Alice Munro, prix Nobel de cette année, reprise dans les grands auteurs étrangers du Magazine littéraire du mois de septembre, auteur de quatorze livres, et que nous n'avons pas encore lus!

- De rire ! Que ce soit grâce à l'humour juif (ici), l'humour nordique (ici et ici, par exemple) ou l'humour british (ici), relisons ces auteurs qui nous font sourire ou éclater de rire et nous rendent la vie plus légère!

- De lire le prix Goncourt qui, cette fois-ci, rend les critiques unanimes !

- De lire des auteurs belges, au moins juste pour nous faire plaisir, à nous, Voyelle et Consonne, qui revendiquons notre belgitude ! Et s'il faut n'en citer qu'un, ce sera... Tom Lanoye ! Ici, ici et ici.

- De se refaire une petite leçon d'histoire, sur la Renaissance ou sur les premiers ennemis du nazisme.

Et surtout, prenons la bonne résolution de ne lire que ce qu'on a envie de lire ! C'est vrai, quoi, à la fin !
Bonne et heureuse année à tous !