Un roman profond et juste sur la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte. Presque une révélation.
Je n’aimais pas Philip ROTH. Malgré les nombreuses tentatives d’Amandine, la Voyelle de notre duo (qui clame son amour pour l'auteur ici), malgré ses éloges incessants, malgré la variété de ses arguments (« Tu n’as pas aimé car ce n’était pas le bon moment », « Il vaudrait mieux découvrir l’auteur par un autre roman », « Tu es vraiment une tête de mule »…) : rien n’y faisait. J’ai essayé, j’ai lu et j’ai, invariablement, abandonné.
Mais comme l’amitié c’est sacré et que je voulais tant lui dire que, oui, ROTH est un auteur génial, j’ai retenté le coup. Et miracle : ça a marché !
Il y a deux ans de cela, j’avais été énormément touché par Un homme qui racontait la vie d’un homme ( !) sur le point de mourir. Justesse du ton, pudeur et retenue, mélancolie drôle.
Et pour Indignation, dernier ouvrage paru en français, mon enthousiasme est encore plus débordant. Lu en un temps record, le roman m’a emballé et, à nouveau, pas mal secoué.
En 1951, alors que de jeunes Américains continuent de mourir sur le front de la guerre de Corée, Marcus Messner quitte la demeure familiale pour entamer sa deuxième année d’université au Winesburg College, dans l’Ohio. Fils d’un boucher kasher de Newark, Marcus ne peut plus supporter l’inquiétude grandissante et écrasante de son père qui s’imagine que son fils, pourtant sérieux et travailleur, pourrait commettre d’absurdes faux-pas qui viendraient mettre un terme à ses possibilités d’ascension. La qualité de l’enseignement dispensé à Winesburg n’a rien d’exceptionnel et les valeurs patriotiques et religieuses qui fondent la tradition de l’école n’arrangent pas les choses, mais pour Marcus, mieux vaut cela que d’être face à la détresse paranoïaque de son père ou, pire, d’aller mourir en Corée. Studieux, appliqué, il se conforme à tout mais refuse de participer à la vie sociale de l’université (et notamment de faire partie d’une fraternité). Immergé dans un monde aux valeurs morales étriquées et pudibondes il n’en ressent pas moins du désir pour le sexe opposé. C’est ce qui le pousse à inviter la belle Olivia à un dîner qui, il l’espère bien, lui rapportera ses premiers succès amoureux. La découverte du plaisir coupable sonnera pour Marcus le début d’une série d’incidents désastreux l’obligeant à poser des actes et à prendre position face au monde que la société et ses parents lui proposent d’embrasser.
Même si l’Amérique chrétienne et conservatrice des années 50 est le cadre du livre, ROTH fait de son personnage un jeune homme aux aspirations intemporelles : grandir sans trahir, faire son chemin, être fidèle à soi-même, se confronter aux autres, découvrir l’amour et le sexe. Marcus cherche sa voie dans un monde fait de normes et de barrières et, même si ils sont légitimes, ses rêves se brisent souvent au contact de la réalité du monde qui l’entoure. L’emprise familiale dont il tente de se défaire dans la violence lui cause d’invisibles blessures qui se noient dans le sang, image récurrente et prégnante. Un fils de boucher, rompu aux solutions tranchées, découvre la complexité d’un monde construit sur des discriminations, sexuelles, religieuses ou raciales.
Portrait d’une époque mais surtout d’une étape dans la vie de chaque être humain, Indignation est un roman profond qui, sans jouer la carte de la sentimentalité, émeut par sa justesse. L’écriture de ROTH touche et amuse, avec finalement une certaine forme de tendresse et, en ce qui me concerne, fait résonner pas mal de souvenirs de l’adolescence et du début de l’âge adulte.
Alors oui, Amandine, pour moi aussi Mr. ROTH est un auteur génial.
PS: si d'aventure un certain professeur d'histoire amateur de mouches et ramasseur de pommes passait par ici, je lui recommande tout particulièrement ce livre.
C'est marrant, j'ai vu Roth ce matin à la télé, il parlait justement de ce roman! Il me fait envie, votre billet aussi, mais depuis "La Tache", que j'ai adoré, j'ai peur d'être déçue...
RépondreSupprimerUN jour peut-être!
En tout cas je continue ma ballade sur votre blog, heureuse de vous voir tout de même réconciliée avec Roth :)
Cela fait un moment que je me dis qu'il faut que je lise un Roth, peut-être que ce sera celui-ci!
RépondreSupprimerJe note!!!
RépondreSupprimerC'est marrant, mais moi aussi je dis toujours que je n'aime pas Philip Roth, j'ai essayé plusieurs romans que je n'ai jamais réussi à finir, mais je me suis laissée tenter à noter ce titre sur ma LAL après en avoir entendu du bien...peut-être que je vais me convertir aussi ;-)
RépondreSupprimerJ'ai commencé par "La Tache" que j'ai adoré; puis, je suis passée, dans la foulée à "J'ai épousé un communiste" qui m'a paru interminable.
RépondreSupprimerJ'ai en rayon "Un complot contre l'Amérique" qui attend patiemment depuis sa sortie dans ma bibliothèque...
Allez, je vais tenter moi aussi, bien que Roth et moi ce ne soit pas la grande entente jusqu'à présent. L'introduction de ce billet me laisse espérer que... :)
RépondreSupprimerDeuxième billet enthousiaste que je lis aujourd'hui sur ce livre. Je ne connais pas du tout Roth et ce livre semble être un bon point de départ pour éviter d'être déçue...
RépondreSupprimer@ Saleanndre: Bienvenue sur notre blog. Pas lu "La tache" mais après cette tentative réussie, il est clair que je vais continuer ma découverte des romans de Roth.
RépondreSupprimer@ Tiphanie et Zarline: celui-ci est très différent des autres, du moins ceux que j'avais essayés. Moins de vieillards libidineux...
@ Clara: on est là pour ça! ;-)
@ Enna et Cuné: on dirait que nous avons eu le même parcours "rothien" donc je suppose que celui-ci devrait vous plaire aussi.
@ Françoise Chatelain: je pense que celui-ci pourrait aussi plaire à nos élèves. Mais pas certain qu'il soit à 100% dans l'esprit de l'horrible circulaire lecture: il y a une ou deux scènes de sexe bien inoffensives et même, comble des horreurs, les mots "pipe" et "fellation"! ;-)
Eh bien voilààààààààààààà ! c'est fait ! L'épreuve est passée ! Je suis ravi que tu ais aimé également "Un homme", je l'ai dévoré, il m'a beaucoup touché, certains passages sont très marquants, et j'ai bien envie de le ressortir de ma biblio pour le relire illico (si seulement j'avais le temps...)
RépondreSupprimerPour indignation, j'en entends parler depuis quelques temps, mais les avis sont assez mitigés.
verdict: j'attendrai la version poche !
@ Sébastien L: Eh ouiiiiiiii! C'est bon, je fais partie du club maintenant?
RépondreSupprimerPas fan de Philippe Roth jusqu'à présent...
RépondreSupprimer@ Voyelle: oh, tu sais, alors en premier niveau, avec moi: je n'ai pas lu plus de 3 Roth, je me la joue expert, mais en fait je suis un débutant :)
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