20 décembre 2011

Write Christmas

Diane ARBUS, Santas at the Santa Claus School, Albion, N.Y., 1964

Déjà la 20 décembre et nous n'avons toujours pas mis sur notre blog notre désormais traditionnel spot sur les cadeaux (littéraires) de Noël. Si, comme nous, vous faites vos cadeaux à la dernière minute, cette liste est pour vous ! Des cadeaux pour tous et toutes, des livres à offrir ou à s'offrir (y'a pas de mal à se faire du bien, surtout en période de fête !).

Pour ceux qui veulent prolonger l'ambiance de Noël :
- Cyanure, de Camilla Läckberg : certes il ne s'agit pas d'un grand roman policier, ni du meilleur de l'écrivaine suédoise. Mais, sachant que l'histoire conte un long week-end pour notre petit Martin Molin (l'adjoint de Patrik Hedström), coincé dans une pension sur une île avec la famille de sa petite amie pour cause de tempête et sachant qu'il doit tout seul, comme un grand et surtout sans aucun moyen, résoudre le meurtre du patriarche, à la veille de Noël, comment résister? Un huis clos, une enquête à l'ancienne (sans expert ni analyse, ... ça fait du bien), une ambiance enneigée : rien de tel pour un lendemain de fête ! 
- Les trois lumières, de Calire KEEGAN : d'accord, ça se passe en été. Mais la tendresse qui émane de ce court roman et l'évocation de ces lumières mystérieuses ne sont-elles pas dans l'esprit de Noël ?
- Litlle Bird, de Craig JOHNSON : un enquête avec de la neige, des Indiens et un shérif qui a fait pousser des cris d'amour à bon nombre de blogueuses...

Pour ceux qui aiment les histoires de revenants :
Les revenants, Laura KASISCHKE ou L'indésirable, Sarah WATERS : le premier se passe sur un campus américain au jour d'aujourd'hui, le second dans la campagne anglaise d'après guerre. Ils mettent en scène vrais ou faux fantômes, évoquent le thème de la mort et font planer une ambiance mystérieuse. À dévorer après la bûche.

Pour ceux qui se voudraient se préparer à la fin du monde en 2012 :
En un monde parfait, de la même Laura KASISCHKE (auteure qui depuis quelque temps passionne la blogosphère), La route de Cormac McCARTHY ou encore Le mur invisible de Marlen HAUSHOFER : trois romans d'anticipation qui ont tendance à glacer le sang mais qui ne sont pas dénués d'une petite touche d'espoir...

Pour ceux qui aiment les best-sellers mais de qualité :
1Q84, d'Haruki MURAKAMI (à voir ici et ici), ou Freedom de Jonathan FRANZEN : à offrir les yeux fermés !

Pour ceux qui veulent un peu de poésie dans ce monde de brutes :
- Rosa Candida de Audur Ava OLAFSDOTTIR ou Le goût des pépins de pomme de Katharina HAGENA : poétiques, touchants, émouvants... et testés sur un public varié, de la grand-mère à l'ado! Vous hésitez encore à l'offrir ?
- La langue de ma mère, le merveilleux premier roman traduit en français de Tom LANOYE (qu'on aime ici).

Pour ceux qui, en cette veille de nouvelle année, s'interrogent sur la condition humaine et la nature de l'homme (bon, d'accord, ce n'est peut-être pas au menu de vos réveillons...) :
Prodigieuses créatures de Tracy CHEVALIER, la découverte des fossiles et des origines de l'homme par deux femmes à la fin du 19ème siècle ou L’enfant sauvage, T.C. BOYLE, la célèbre histoire du petit Victor, cet enfant sauvage qu'un médecin tentera de civiliser en plein 18ème.

Et enfin, pour dégouter tout le monde du foie gras (bien que nous ne sommes pas sûrs, nous-mêmes, de ne pas en manger une petite tranche) : Faut-il manger les animaux ? de Jonathan SAFRAN FOER qui, entre le hormard et la dinde, pourrait quand même jeter un froid...

Et vous? Des idées, des envies?

Et pour se mettre dans l'ambiance, un peu de Noël version hipster :






12 décembre 2011

Q comme (suite)

1Q84, Livre 2 – Juillet-Septembre, Haruki MURAKAMI


Deuxième volume de la trilogie : quelques réponses, beaucoup de questions et, en fin de billet, un scoop.

(Le Livre 1, c’était ici)
Comment ai-je pu tenir aussi longtemps avant d’entamer la lecture de ce Livre 2 ? Un peu de patience (de masochisme, diront certains), une PAL en souffrance et le fait de savoir qu’il faudra attendre mars 2012 pour connaître la fin de l’histoire. Et c’est bien là tout le problème. Si peu à peu on commence à comprendre ce qui relie Tengo et Aomamé et en quoi consiste le monde étrange de 1Q84, on ressort de la lecture avec beaucoup de questions. À commencer par la plus importante : qui sont les Little People ? Le mystère reste intact. Mais comme le dit le père de Tengo :

« Si tu as besoin qu’on t’explique pour que tu comprennes, ça veut dire qu’aucune explication ne te fera jamais comprendre. »

Dans la parfaite continuité de la première partie, ce deuxième épisode raconte en alternance les aventures des deux héros principaux. Mais l’ombre s’étend. Une angoisse diffuse, l’imminence d’une catastrophe, comme un monde sur le point de s’effondrer : l’univers de 1Q84 s’annonce de plus en plus comme un écho de nos propres peurs, celles de notre enfance mais aussi celles de la société contemporaine. Murakami parvient avec une incroyable fluidité à passer de la préparation d’un repas à celui d’un meurtre, laissant s’installer, l’air de rien, les éléments fantastiques de son histoire. Sans oublier cet érotisme un peu étrange, comme désincarné. L’ampleur et l’ambition de ce roman surprennent encore et, pas de doute, c’est une œuvre puissante et enivrante.

Plus je lis Murakami, plus le constat est clair : on ne peut plus parler, en ce qui le concerne, de littérature japonaise. Des femmes aux discours étranges, des réalités parallèles, des reflets et des yeux qui se ferment pour mieux voir : Murakami est un symboliste belge ! Certains de ses personnages semblent sortis tout droit d’une pièce de Maeterlinck ou d’un tableau de Khnopff. Il faudrait aller trifouiller dans la bio de l’artiste pour voir s’il n’aurait pas un peu de famille à Bruges ou dans une chaumière perdue dans les Ardennes…

Edit du 22/03/2012 : le billet sur le Livre 3, c'est ici.

Référence :
 
1Q84, Livre 2 – Juillet-Septembre, Haruki MURAKAMI, traduit du japonais par Hélène Morita, Belfond, 2011

6 décembre 2011

Meurtre au collège

Les revenants, Laura KASISCHKE

Le septième roman de Laura KASISCHKE, faux college novel et vrai roman féroce et énigmatique.

L'action se situe sur le campus d'une université américaine et commence par le récit de l'accident de voiture dans lequel Nicole, jolie étudiante toute blonde et toute prude, originaire de la petite ville de Bad Axe et membre d'une sororité, perd la vie dans les bras de son petit ami, Craig, qui conduisait la voiture.
Malgré tout, la culpabilité, les souvenirs qui l'assaillent et surtout le rejet virulent dont il fait preuve, Craig, une fois remis de son choc post-traumatique qui ne lui a laissé aucun souvenir du soir de l'accident, revient à l'université. Mais voilà qu'il a la nette impression de voir Nicole un peu partout sur le campus. Rien que de plus normal pour quelqu'un en plein processus de deuil si ce n'est qu'il est loin d'être le seul.
Mais que s'est-il réellement passé ce soir-là ?
Aïe aïe ouille ! vous entends-je dire jusqu'ici. Un nouveau roman d'Harlan COBEN (dans lesquels les morts sont rarement vraiment morts et les intrigues entremêlées à souhait) ? Un autre Twilight (qui allie subtilement - bon, peut-être pas très subtilement - fantastique et bluette pour adolescentes) ? Un roman psychologisant sur la rédemption ? Rien de tout ça, évidemment, parce que malgré le pitch qui donne l'impression qu'on a déjà entendu cette histoires mille fois, on est dans un roman de Laura KASISCHKE. Et comme toujours, l'auteur évite tous les clichés et nous livre un roman à la fois passionnant, mystérieux et émouvant. 
La narration alterne les rétrospections, lorsque Nicole est encore vivante, et les témoignages de plusieurs personnages qui ne sont jamais secondaires. Ainsi, on rencontre Perry, colocataire de Craig, originaire de Bad Axe comme Nicole et ami d'enfance de celle-ci, qui tente de comprendre pourquoi lui aussi voit Nicole partout sur le campus et de préserver son ami Craig, Shelly, responsable du département musique classique qui est le premier témoin de l'accident et qui s'étonne que les médias n'aient absolument pas pris son témoignage en compte, Mira, titulaire d'un cours sur la mort et les rites funéraires vers qui Perry va se tourner pour comprendre ce qu'il en est ou encore Craig et Nicole qui s'éloignent au fur et à mesure de la lecture, de l'image qu'on s'était faite d'eux. 
Les personnages tenteront de découvrir la vérité sur cette affaire qui va bouleverser leur existence et chacun aura la sienne... Pas de résolution car nous ne sommes pas dans un roman policier. Le lecteur se fera sa propre idée des événements et jugera qui bon lui semble, l'auteur se gardant bien de nous orienter tout en égratignant la société américaine. KASISCHKE prend soin également de préserver jusqu'à la fin cette atmosphère mystérieuse et envoutante qui imprègne le roman depuis le début.
Ajouterais-je néanmoins que je n'ai pas retrouvé toute la poésie et la subtilité d'En un monde parfait, son précédent roman dont on vous parlait ici ? J'hésite, parce que non seulement comparer un roman à un autre manque souvent de pertinence et parce que je vous éloignerais peut-être d'un grand livre, ce dont je me garderai bien.

Référence :
Laura KASISCHKE, Les revenants, traduite de l'anglais (Etats-Unis) par Eric Chédaille, Christian Bourgeois, 2011.

4 décembre 2011

Faut-il parfois fermer un œil pendant la lecture ?

La Poursuite du bonheur, Douglas KENNEDY

Du douloureux problème du page turner.

Suite à l’enterrement de sa mère, Kate se fait harceler par une vieille dame étrange qui semble tout connaître d’elle, depuis sa plus tendre enfance.
Flash back : au lendemain de la seconde guerre mondiale, alors que l’Amérique célèbre ses héros, Sara Smythe quitte la tranquillité de sa famille bourgeoise pour prendre son indépendance et tenter sa chance à New York. Elle y retrouve son frère, auteur malchanceux, aux penchants communistes, qui fréquente toute la Bohème de Big Apple. Lors d’une soirée, Sara rencontre  Jack et patatras: love at first sight. Mais aussi le début des ennuis qui, des longs silences aux conséquences nauséabondes du maccarthysme, feront de Sara une héroïne 100% romanesque…

Pour avoir déjà lu du Douglas Kennedy, je savais que je passerais certainement un bon moment de lecture. Comme dans ses autres romans (dont on a parlé notamment ici ou ici), l’intrigue est assez bien menée, le suspense tient la route, même si les ficelles sont parfois un peu énormes.
Mais au cours de ma lecture, un drame est arrivé (et si j’avais été l’héroïne du roman, cela m’aurait inéluctablement conduit vers un bon verre de whisky, un bain chaud et plusieurs jours de lamentations existentielles). Je me suis soudain rendu compte que, dans tous les dialogues, Kennedy utilisait systématiquement les noms des personnages. Du genre (j’invente et j'exagère un peu car je n’ai plus le livre entre les mains) :

-    Pourquoi Jack, pourquoi ?
-    Parce que Sara, je regrette mais je n’avais pas le choix.
-    Mais, Jack, tu savais qu’en faisant ça tu allais mettre un terme à notre histoire ! Pourquoi, Jack, pourquoi ?
-    Je n’en peux plus, Sara. Tu comprends ça, Sara.
-    Je le comprends, Jack. Mais je ne peux pas l’accepter (, Jack !).

Bref, ambiance soap assurée.

Du coup, alors que le but du page turner, c’est bien de passer d’une page à l’autre à la vitesse de l’éclair, j’ai commencé à être attentif à tout. Aux descriptions, aux répétitions (le coup du whisky+séjour dans la baignoire+lamentations revient très souvent), et même à certaines incohérences. Avec au final l’impression que si le roman devait se lire vite, c’était certainement parce que c’était ainsi qu’il avait été écrit.
Je suis rapidement arrivé au bout des 700 pages mais avec le sentiment non pas d’avoir perdu mon temps mais plutôt une petite gêne, comme lorsqu’on se laisse avoir par une mauvaise série à la télé. Ce n’est pas que j’attends de découvrir une plume hors du commun à chaque fois que j’entame un livre; j’aime lire parfois simplement pour me détendre, accrocher à une histoire. Mais ici, le manque de style m’a empêché de me laisser prendre entièrement.

Et vous, quel est votre sentiment sur le page turner ? Plaisir coupable, allié des passages à vide dans vos lectures ou bien zone interdite ?

Référence :
La Poursuite du bonheur, Douglas KENNEDY, traduit de l’anglais par Bernard Cohen, Pocket, 2004