7 septembre 2010

La beauté des myosotis

Le poids des secrets, Aki SHIMAZAKI

La pentalogie d'une auteur japonaise qui écrit en français : cinq objets de plaisir dans un seul coffret !

La particularité des Japonais est sans doute de nous faire apparaître toute la complexité de la vie et des relations entre les gens, en particulier d’une même famille, avec une fausse simplicité, une apparente légèreté et des tonnes de subtilité. Pour sa chronique familiale, Zola, dans la plus pure tradition littéraire française, nous pond vingt longs romans, truffés de descriptions, d’explications et de précisions (ce qui ne remet pas en cause toute l’admiration que j’ai pour Zola ! Pour preuve, lire ici). Aki SHIMAZAKI, elle, nous offre cinq tout petits romans (presque de longues nouvelles), sans bavardages, sans digressions. Même si l’auteur écrit en français, sa langue d’adoption (elle vit désormais à Montréal), on retrouve cette particularité de la langue japonaise de dire beaucoup en peu de mots. Dans Le poids des secrets, le lecteur se plonge dans de terribles secrets de famille et découvre des morceaux parfois méconnus de l’histoire japonaise.
Résumée, l’histoire a un air de déjà vu : un homme,  Monsieur Horibe, a une fille reconnue, Yukiko, et un fils illégitime du même âge, Yukio. Mais la force du récit tient dans le fait que dans chaque tome cette histoire est racontée par un personnage différent. Ainsi le premier tome, Tsubaki, semble tout nous raconter par la voix de Yukiko. Dans le second tome, Hamaguri, le récit, pris en charge par Yukio, prend une autre tournure. Le troisième tome, Tsubame, remonte le temps et nous parle de l’enfance de la mère de Yukio, Mariko, et dévoile le secret de ses origines comme pour mieux expliquer le chemin qui l’a conduite à sa vie actuelle. Dans Wasurenagusa, le quatrième tome de cette pentalogie, la lumière se fait sur le personnage de Kenji, le père adoptif de Yukio, qui a bravé sa famille et les interdits de la société de l’époque pour épouser Mariko. Enfin, Hotaru, dernier tome du cycle, redonne la parole à Mariko, qui confie à sa petite fille le reste des secrets de son existence.
Au fur et à mesure des lectures, l’histoire banale en apparence prend peu à peu une épaisseur insoupçonnée. Derrière les drames mais aussi l’évocation des grands et des petits bonheurs des membres de cette famille, se dresse l’Histoire japonaise: la seconde guerre mondiale, le bombardement de Nagasaki, le tremblement de terre de 1923,  la relation entre Japonais et Coréens et la persécution de ces derniers.
Tout le talent de SHIMAZAKI consiste à être parvenue à écrire une véritable saga familiale, à créer des personnages forts et attachants et à rendre un cadre historique de manière précise avec une concision étonnante. Et surtout, beaucoup de poésie.
A dévorer en une fois, comme un étonnant roman fleuve ou à savourer au compte goûte, en espaçant les cinq tomes. Un précieux coffret à offrir, à s’offrir, à se prêter, mais à ne pas rater.

9 commentaires:

  1. Euh j'avoue avoir tout dévoré voracement en une journée...

    RépondreSupprimer
  2. Je crois que j'ai fait comme tout le monde j'ai enchainé les volumes pour mon plus grand plaisir
    très réussi cette série pleine d'émotion et de poésie

    RépondreSupprimer
  3. Je me suis offert le coffret... qui trône depuis dans ma PAL, dans son suaire de cellophane.

    RépondreSupprimer
  4. @keisha et Dominique : moi j'ai lu le coffret pendant les vacances en alternant chaque tome avec un autre livre... ça m'a permis de le dévorer en deux semaines mais de ne pas lire le tout en une fois. Un stratégie comme une autre...
    @In Cold Blog : il est temps de briser le suaire...

    RépondreSupprimer
  5. J'ai adoré cette série de livres ! Je n'ai pas su me tenir et déguster, en 2 jours tout était englouti... ;-)
    Mais en voyant le commentaire de Keisha, je vois que certaines lectrices ont été encore plus voraces que moi ! lol !

    RépondreSupprimer
  6. @Marie : qui dit mieux... Mais pas évident, en effet, de faire durer...

    RépondreSupprimer
  7. Il me manquait Hotaru, je l'ai sous les yeux je vais le lire ce soir... j'ai adoré les autres petits livres de cette série.... un bon moment passé en leur compagnie.
    joli blog que le vôtre, je reviendrai vous rendre visite.

    RépondreSupprimer
  8. J'ai fait comme plusieurs, j'ai tout lu d'une traite. Et si je suis d'accord avec toi, et avec la plupart, je dois dire que quelque chose à manquer à ma lecture. Et quelque chose d'important : de l'émotion.
    Je n'étais sûrement pas dans le bon moment pour le lire et j'ai vraiment eu une lecture froide, mais j'ai très vite reconnu toutes les qualités de cette histoire. Etrange sensation qui m'a laissé déçue, mais pas déçue par Shimazaki, plutôt par moi même, incapable à ce moment là d'apprécier à sa juste valeur ce superbe récit...

    RépondreSupprimer
  9. @joelle : merci pour le compliment et bon moment de lecture !
    @Emeraude : peut-être la froideur apparente du style japonais nous permet moins à nous, européens, habitués à plus d'effusion, d'être touchés aussi vite et aussi fort que d'habitude...?

    RépondreSupprimer