8 novembre 2013

Longues nuits

Herbjorg WASSMO, Cent ans

L'histoire de quatre générations de femmes sur une île norvégienne où les hivers sont rudes et les nuits interminables. Le dernier livre de la romancière Herbjorg WASSMO a des accents furieusement autobiographiques.

Cent ans, c'est le nombre d'années qui sépare Sara-Susanne de Herbjorg, son arrière petite fille. Cent ans d'histoire, donc, dans le cadre particulier de l'extrême pointe septentrionale de la Norvège. Quatre générations de femmes qui se succèdent et font des enfants, parfois beaucoup d'enfants, dans ce monde aride, où les hommes travaillent beaucoup, partent en mer longtemps et où les femmes peinent à trouver un sens à leur vie.
Il y a Sara-Susanne, donc, l'arrière grand-mère, point du départ de l'histoire puisque son portrait trône toujours dans la cathédrale de Vagan, île où se situe  le récit, et mère de dix enfants ; Elida, la grand-mère, elle-même mère de dix enfants, qui ne se sent pas toujours digne de cette nombreuse progéniture ; Hjordis, la mère, enfant traumatisée par un abandon (sa mère la confiera quatre ans à sa sœur avant de la récupérer) mais aveugle sur le traumatisme de son propre enfant ; et enfin, Herbjorg, la narratrice, qui passe son temps à écrire son histoire dans des petits carnets qu'elle cache dans le creux d'un rocher pour qu'Il ne les trouve pas, ce "Il" dont on comprend qu'il s'agit de son père mais qu'elle refuse obstinément d'appeler ainsi et dont l'ombre terrifiante plane autour de la petite fille.
Herbjorg WASSMO, auteure norvégienne désormais connue et reconnue pour ses grandes saga familiales, se lance avec Cent ans dans le genre autobiographique. Mais si l'on reconnaît l'auteure dans la petite fille malheureuse et mal aimée qui porte le même prénom qu'elle, il est difficile ensuite de distinguer la fiction de la réalité. Le portrait qui trône dans la cathédrale de Vagan n'est pas celui de son ancêtre et le phare dans lequel se déroule l'histoire est la propriété d'une de ses amies.
Mais n'est-ce pas la force de ce roman de raconter une histoire qui n'est ni tout à fait la sienne ni tout à fait une autre ? Une histoire à la fois personnelle et universelle, qui montre l'évolution de la condition féminine et les violences dont elles sont toujours les victimes aujourd'hui. Pas d'apitoiements sur le sort de ces femmes, ces femmes fortes mais qui osent montrer leur fragilité — la souffrance de la solitude, la lassitude d'un mariage, la fatigue de la maternité,... — mais qui portent et supportent époux malades ou violents, ribambelle d'enfants, tempête, naufrage, et nuits sans fin.
Cent ans de vie.

Référence :
Herbjorg WASSMO, Cent ans, traduit du norvégien par Luce Hinsch, éditions Gaïa, 2011.

3 commentaires:

  1. J'ai adoré passer cent ans avec cette famille... enfin, cinq ou six jours ! Mais c'était rude, les Lofoten il y a un siècle...

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  2. Ah oui... ça ne donne pas vraiment envie... Surtout avec 10 enfants...

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  3. J'adore Herbjorg Wassmo, et ce roman est magnifique !

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