15 novembre 2012

Quand Harry rencontre Nola

Joël DICKER, La vérité sur l'affaire Harry Québert

Polar américain à la sauce française (ou le contraire) et buzz littéraire. Qui n'a pas encore entendu parler de l'affaire Québert ?


Joël DICKER, jeune suisse de 27 ans quasiment inconnu jusqu'à ce jour, est désormais partout. Son deuxième roman, La vérité sur l'affaire Harry Québert connait en effet un véritable succès de librairie, a obtenu le Grand Prix du roman l'Académie française et aujourd'hui même, le prix Goncourt des lycéens. Mais qu'en est-il de cette fameuse affaire Québert ?
Marcus Goldmann, jeune auteur ambitieux, fort du succès de son premier roman, s'apprête à écrire le second. Mais il ne peut se contenter d'écrire un livre : ce qu'il souhaite, c'est écrire LE livre qui va marquer sa génération, à l'instar du grand Harry Québert, son professeur d'université, mentor et ami qui, dans les années septante, a connu la gloire avec son extraordinaire roman L'origine du mal. Et lorsque Marcus se heurte au cauchemar de tout écrivain, l'angoisse de la page blanche, c'est donc vers Québert qu'il se tourne tout naturellement. Malheureusement, les quelques jours passés à Aurora, la petite ville de bord de mer dans laquelle s'est installé Harry depuis plus de trente ans, ne lui redonnent pas l'inspiration et Marcus, retourne à New-York affronter son éditeur. Mais alors que Marcus se lamente sur son triste sort, une terrible nouvelle vient faire basculer à jamais son existence : on vient de retrouver le corps de Nola Kellergan, une jeune-fille d'Aurora disparue depuis trente-trois ans, dans le jardin d'Harry et ce dernier est accusé du meurtre. Persuadé de l'innocence de son vieux professeur, Marcus se rend à Aurora et reprend l'enquête depuis le début. Ce qui lui donne l'idée de son nouveau livre...
Que dire de La vérité sur l'affaire Harry Québert ? Tout d'abord que c'est un roman policier extrêmement efficace et que force est de constater qu'il est très difficile de lâcher le roman une fois commencé. On y retrouve tous les ingrédients du polar à l'américaine : une petite ville où tout le monde se connaît, la disparition d'une très jeune-fille, le côté noir voire perverse de la jeune-fille en question, des secrets de famille, un vieux flic bourru, une serveuse de hamburgers mélancolique, un enquêteur pas commode mais tenace,... Par ailleurs, la narration joue bien évidemment sur le bon vieux procédé de mise en abîme : nous comprenons assez vite que nous sommes, en réalité, en train de lire le roman de Marcus Goldmann, et le petit clin d’œil de l'auteur (mais lequel ?) en guise de remerciement final nous le confirme. Rajoutons à cela une longue réflexion sur l'écriture, le métier d'écrivain, le monde cruel de l'édition et des médias, la gloire dangereuses et éphémères,... Chaque chapitre commence d'ailleurs par un conseil d'Harry à son élève pour devenir un parfait écrivain (Dicker a-t-il lui-même scrupuleusement respecté tous ces conseils ?) Enfin, les nombreuses rétrospections nous font redécouvrir l'Amérique des années 70 tout en parlant de l'Amérique d'aujourd'hui à la veille de la première élection d'Obama.
Je vous l'avoue, je n'ai absolument pas boudé mon plaisir et pourtant... je ne peux qu'émettre une petite réserve. D'abord parce que ce roman, aussi palpitant soit-il, a néanmoins un petit air de déjà vu (déjà lu, plutôt) : il y a, je pense, en littérature américaine, de nombreux romans policiers au moins aussi efficaces et basés à peu prêt sur le même canevas. Et puis parce que les retours en arrière introduits assez grossièrement ressemblent plus au flash backs des séries télé (l'auteur serait-il fan de la série Cold Case ?) que de subtils procédés littéraires. Et enfin et surtout, parce que l'écriture est un peu faible, certains dialogues étant d'ailleurs d'une platitude étonnante. On se surprend alors à se dire que c'est dû à la difficulté de la traduction avant de se rappeler... que le livre a été écrit en français ! Quel paradoxe alors de voir que le roman a été couronné du Grand Prix du roman de l'Académie française, grande institution censée défendre la beauté de la lannnnngue française. Or, le travail de la langue, vous l'avez compris, est sans doute ce qu'il y a de moins intéressant dans le roman.
Mais bon, avouons-le, DICKER est quand même plus palpitant que BOILEAU (et visiblement mieux fait de sa personne, mais ça, ça n'a rien à voir...). 
  Référence :
Joël DICKER, La vérité sur l'affaire Harry Québert, Ed. de Fallois, l'Age d'Homme, 2012.

19 commentaires:

  1. C'est ce qu'on appelle être à la pointe de l'actu !
    A la lecture du billet, je ne cessais de me poser la question : lequel de Voyelle ou de Consonne l'a rédigé ? La parenthèse finale ne laisse plus planer le moindre doute ;-)
    Ce bémol sur la faiblesse du style que tu émets a été partagé à plusieurs reprises, tant par la critique que les blogs.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh... mais je suis sûre que Xavier partage mon avis ! A moins qu'il soit sensible au charme de Boileau...
      Oui, je viens de découvrir que quelques critiques mais beaucoup de blog partage ma réserve sur le style.

      Supprimer
    2. Xavier Dessaucy20/11/2012 08:47

      Je suis démasqué: oui, Nicolas Boileau est depuis toujours mon type d'homme! Ahhh Nico, Leauleau, Boilichou, ... Voyez ces yeux rieurs, ces petites fossettes qu'on voudrait tant pincer, ... Et puis "L'Art poétique", c'est tellement sexy: "Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,
      Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
      Polissez-le sans cesse et le repolissez (...)"
      Ne me dites pas que vous n'aviez pas compris la métaphore?

      Supprimer
  2. Pas du tout intéressé par cette lecture. Déjà que le polar ce n'est pas mon truc mais si en plus il n'y rien de nouveau sous le soleil, je passe. L'efficacité en littérature, ce n'est jamais une bonne chose selon moi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Un bon moment de lecture mais sans doute pas du tout incontournable !

      Supprimer
  3. Les petits bémols, ajoutés au nombre de pages font que je ne me précipiterai pas...

    RépondreSupprimer
  4. Bon, je suis donc dubitative: ma patronne est venue exprès dans mon bureau me dire qu'il fallait absolument que je le lise; Pierre Maury (Le Soir) pense la même chose et vous beaucoup moins... Bon je le lirai surement (ce n'est pas une faute; je m'efforce de respecter les rectifications orthographiques! la fréquentation du Conseil de la Langue commence à porter ses fruits;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pense qu'il faut que tu le lises pour te faire ta propre opinion... et surtout pour nous la donner ensuite !

      Supprimer
  5. Je pense qu'il est quand même suffisamment tentant pour avoir envie de s'en faire sa propre opinion ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis absolument d'accord. Surtout que c'est loin d'être une lecture ennuyeuse.

      Supprimer
  6. Si je le vois , je tente!Après tout, ne pas bouder un plaisir.
    Comment ça, Boileau est moche? Pff, imagine le jeune, avec une barbe de deux jours, et tu changes d'avis...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mmmm, peut-être... Mais il faudrait au moins une barbe de 4 jours pour cacher ce menton fuyant...

      Supprimer
  7. C'est un très bon moment de détente et ce n'est déjà pas si mal. Ce n'est pas l'évènement stylistique et littéraire du siècle, mais ce n'est pas le propos...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis tout à fait d'accord. Un peu étonnée de l'enthousiasme incroyable qu'il suscite mais un très très bon moment ! Comme je l'ai dit, jy ai pris beaucoup de plaisir et... c'est déjà pas mal !

      Supprimer
  8. Il est dans ma PAL ... Pour très bientôt, là tu m'as donné envie !

    RépondreSupprimer
  9. L'auteur assume complètement son amour de certains romans américains, ça l'a sûrement influencé... J'aimerais bien le croiser un jour, quand même, pour me faire une idée personnelle !

    RépondreSupprimer
  10. Merci pour ce billet. J'attends que "tapage" autour de ce livre s'atténue pour le lire.

    RépondreSupprimer