Des nouvelles à la frontière du fantastique et un recueil de courtes proses qui font l’inventaire de l’étrangeté du quotidien. Un auteur québécois installé en Belgique : à découvrir.
Dans ses rêves, Carter passe inlassablement d’un univers littéraire à l’autre, d’un roman noir à de la SF, d’un drame historique à un roman d’espionnage ; à chaque étape, il est assommé brutalement et se réveille dans un autre monde de papier.
Ailleurs, à travers le dédale des souterrains qui courent entre les théâtres parisiens, un souffleur tente en vain de trouver la sortie.
Plus loin, un spectateur insomniaque traque un étrange figurant en anorak jaune qui apparaît dans tous les épisodes d’une série policière.
Dans les nouvelles de recueil La nuit sans fin (réédité ici en format de poche), on trouve à chaque coup un concept, une idée, qui, l’air de rien, fait basculer peu à peu le récit de l’ordinaire à l’insoupçonné, du réel à l’imaginaire. Quelques mots suffisent pour camper un personnage ou créer une atmosphère dans laquelle, soudain, nous ne sommes plus certains de savoir départager le vrai du faux. On pourrait bien sûr parler de littérature fantastique, mais ici l’enjeu n’est pas l’étonnement de l’irruption d’un élément étrange dans le quotidien. C’est davantage une promenade sur le fil qui sépare le réel de la fiction. La première nouvelle donne d’ailleurs le ton : une femme rate son train et cette péripétie anodine entraine un chamboulement dans l’ordre des choses. Un jeu de domino se met en place : la femme n’est pas dans le train qu’elle prend habituellement et ne croise dès lors pas l’homme qu’elle aurait du y rencontrer. L’homme fait donc la connaissance d’une autre femme qui, émue de cette rencontre, provoque par distraction un accident. L’accident cause un embouteillage qui retarde un autre personnage, etc. La nouvelle ouvre ainsi la fiction à tous les possibles et s’amuse avec l’idée du contretemps et de ses conséquences. Borges n’est pas loin…
Dans Choses vues, il est davantage question du réel mais envisagé dans ce qu’il peut comporter d’étrange. L’auteur a compilé des situations et des rencontres inscrites dans le quotidien mais qui sont autant d’incursions dans l’inattendu. Une femme qui tente de détruire la voiture de son mari. Une passante qui prend le narrateur pour Jerry Lewis. Une parcelle de conversation captée au vol. Tous ces petits textes étonnent, amusent et interrogent finalement le lecteur sur cette frontière spongieuse qui sépare le vrai du faux et qui fait parfois des instants de tous les jours de petites incursions dans ce qui pourrait s’apparenter à de la fiction.
J’ai eu le grand plaisir d’animer une petite rencontre littéraire consacrée à l’auteur à la librairie Joli Mai (Bruxelles) fin août. Et je profite du septembre québécois organisé par Karine pour vous faire partager l’œuvre singulière d’un écrivain qui a un pied ici et un autre là-bas (et qui tient également un blog à suivre ici).
Références :
La nuit sans fin, Thierry HORGUELIN, L’Oie de Cravan, coll. « Petites pattes à ponts », 2012.
Choses vues, Thierry HORGUELIN, L’Oie de Cravan, 2012.
Merci pour ta participation! Je ne connaissais pas du tout, c'est une découverte!
RépondreSupprimerEt félicitations à toi pour cette grande campagne de promotion de la littérature québecoise.
SupprimerJe ne connaissais pas du tout mais je dois reconnaître que c'est une belle découverte. Merci !
RépondreSupprimerAvec grand plaisir.
Supprimer