29 juin 2011

Un zeste de citron

L'agrume, Valérie MREJEN

Petit roman sur le non amour et la désillusion. L'acidité de l'agrume pour rafraîchir nos chaudes journées d'été.

L'agrume est le nom que se donne Bruno parce qu'il fait sécher des oranges et des citrons pour constater et admirer leur pourrissement. Le récit que nous livre Valérie MREJEN est celui de la relation entretenue pendant à peu près une année entre le fameux Bruno et la narratrice. Celle-ci est amoureuse, et, c'est bien connu, l'amour rend aveugle. Ainsi ne voit-elle pas, ou pas tout de suite, le vide immense vers lequel l'entraîne son nouvel amant. 
"Nous étions assis sur un banc près des Halles, sous une espèce de pergola en bois. Il faisait bon. Il m'a dit je ne t'aime pas". Ainsi commence ce court roman, nous précisant d'emblée qu'il va s'agir du récit d'une histoire d'amour à sens unique. Bruno aime la solitude, l'indépendance (au point de livrer à la narratrice un manuscrit, La peur de l'agrume, dans lequel il rappelle son besoin d'autonomie et lui explique qu'ils ne sont pas "carrément ensemble ou ce genre de propos"), vient rarement aux rendez-vous et surtout, semble ne rien ressentir. Il dissèque ce qui l'entoure, se repaît du monde extérieur mais ne donne rien, jamais, et certainement pas une preuve d'amour ou d'attachement. 
Très vite on se demande pourquoi la narratrice est aussi patiente, compréhensive, ouverte avec cet homme épouvantablement narcissique; mais très vite on comprend ce qu'on est capable de faire ou de devenir par amour même si ça ne nous ressemble pas.
Un roman acide, donc, mais aussi terriblement tonifiant, comme les fruits dont il porte le nom, écrit dans un style d'un détachement chirurgical, comme si l'auteur se gardait bien de porter un jugement sur elle, qui attend et subit ou sur lui, qui fuit et torture. A l'instar de ses vidéos (l'auteur est aussi vidéaste et plasticienne), Valérie MREJEN énonce des faits et construit un objet non identifié sur le vide et le non-amour. Un détachement qui donne plus de justesse à cette histoire d'amour et de cruauté. On pense d'ailleurs, à la lecture de L'agrume, à l'exposition Prenez soin de vous, de Sophie CALLE grâce à laquelle l'artiste tentait d'apprivoiser la lettre de rupture, qu'elle reçut de manière soudaine, en la confiant à des dizaines de femmes de métiers différents pour qu'elles l'interprètent à leur façon. 
Vous reprendrez bien un quartier ?

Référence : 
Valérie MREJEN, L'agrume, Editions Allia, première édition  : juin 2001, dernière édition  : septembre 2010.

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