19 février 2010

Le roman des 00’

La fabrique des jeunes gens tristes, Keith GESSEN

Le mal du siècle à l’époque de la postmodernité.

Sorti en français en janvier 2009, j’étais passé complètement à côté de ce premier roman qui avait pourtant de quoi me faire courir en librairie. Un jeune écrivain new-yorkais, copain de J.S. FOER, encensé par OATES et FRANZEN, … Manquerait plus qu’il soit le petit neveu de Paul AUSTER…
Donc : séance de rattrapage pour ce livre au titre poétique et dans l’air du temps, La fabrique des jeunes gens tristes.
Ces jeunes gens sont trois trentenaires en quête de reconnaissance et de légitimité dans le petit monde des intellectuels gauchisants. Mark tente de terminer une thèse sur les mencheviks, révolutionnaires russes moins radicaux que les bolcheviks (pour ce que j’en ai compris…). Sam, après avoir envisagé d’écrire une grande épopée sioniste qui lui apporterait la gloire, se décide à partir dans les territoires occupés pour y trouver des tanks. Keith, journaliste de gauche, se remet lentement de l’élection avortée d’Al Gore.
Des jeunes gens qui s’intéressent à l’histoire, à leur pays mais aussi et surtout aux femmes. Rencontres occasionnelles, séparations, adultères, amours impossibles et frustrations sexuelles : toute la panoplie de l’éducation sentimentale.
Ces trois histoires racontées en parallèle jouent surtout sur l’ironie et le côté attachant/exaspérant de leurs protagonistes. Penseurs perdus dans la recherche d’une compréhension des grands mouvements politiques et historiques qui agitent le monde, ces anti-héros échouent également à s’inscrire dans leur communauté, que ce soit celle de l’édition, de l’université ou des soirées mondaines de Manhattan.
Un président américain élu après des jours de recomptages ubuesques des bulletins de vote, une guerre menée à la vue de tous sous de spécieux prétextes, … La politique américaine de la dernière décennie a de quoi surprendre et, même dans un monde aussi informé que le nôtre, favoriser le repli sur soi. Le problème des personnages du roman est qu’ils sont finalement trop conscients du monde dans lequel ils vivent. De grands intellectuels qui échouent à user de leur intelligence dans leur rapport à la société et aux autres et qui manquent de modèles (on notera à ce titre la présence/absence des pères dans ce roman).
La question centrale est celle de l’identité et de la difficulté pour les trentenaires de trouver une place. Parfois le côté Calimero énerve, mais le portrait est assez juste et non dénué d’humour. On peut bien sûr se sentir imperméable aux questionnements de ces jeunes gens qui évoluent dans un microcosme assez éloigné de notre quotidien (je ne suis ni écrivain en devenir, ni thésard, ni new-yorkais) mais il est clair qu'il y a quelque chose dans les errances de ces personnages qui sonne juste. Nous vivons depuis longtemps dans un monde qui a cessé de croire aux grandes utopies et qui assiste, souvent muet, à la montée en force du cynisme et de l’indifférence. Surinformés, souvent désengagés et en proie aux doutes, notre génération doit faire face à un monde qui a évolué très vite (trop ?), où les désirs sont à la fois flous et impérieux. Mais comme dans le roman, il y a une note d’espoir (et pourquoi pas l’amour ?) et peut-être, au bout de chaque parcours individuel, une possibilité d’aller vers un mieux. A voir dans les prochaines années…

7 commentaires:

  1. Hip hip, je prends, là c'est vendu, j'irai l'acheter tout bientôt. Je suis fan de cette facette de la littérature américaine. Ce résumé me rappelle un peu "Les enfants de l'empereur" de Catherine Messud, que je recommande !

    http://www.amazon.fr/enfants-lempereur-Claire-Messud/dp/2070780643

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  2. Erratum : ce n'est pas Catherine mais Claire Messud ...

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  3. @ Anne-So: Hip hip itou! J'ai lu le lien: ce livre a tout pour me plaire. Merci!

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  4. De rien ! C'est avec plaisir !

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  5. Je n'avais jamais entendu parlé de ce bouquin! Je vais attendre qu'il sorte en poche j'ai bien envie de le lire

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  6. @ Tiphanie: je m'étais renseigné sur l'édition de poche, mais rien en vue.

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  7. C'est dommage, je vais encore patienter un peu

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