Sanctuaires ardents, Katherine MOSBY
Pour certains "différente", pour beaucoup "folle", Vienna Daniels, par sa soif de vivre, son amour de la nature et de la culture, détonne dans cette petite ville de Virginie et réveille les langues de vipères. Le récit d'une révolte par l'auteure de Sous le charme de Lillian Dawes.
On a beaucoup entendu parlé, en francophonie, de Katherine MOSBY lors de la parution de son roman Sous le charme de Lillian Dawes. Or il s'agit déjà de son quatrième roman. Son premier, Sanctuaires ardents, sorti en 1995, vient enfin, pour notre plus grand bonheur, d'être publié en français.
Nous sommes dans les années 30, à Winsville, petite bourgade de Virginie. Lorsque la famille Daniels débarque sans prévenir pour s'y installer, la ville est en émoi. Si Willard Daniels parvient très vite à charmer la population de Winsville, Vienna, elle, originaire d'une riche famille new-yorkaise, intrigue d'abord, par sa beauté et ses manières de grande dame, énerve ensuite, parce que jamais elle n'essaye d'adopter les mœurs de son lieu d'adoption, pour finalement susciter un rejet quasi unanime. Vienna, en effet, n'accepte aucune concession. Elle rejette la bêtise, l'ignorance, le conformisme et surtout le faux-semblant. Sa liberté d'esprit et sa fantaisie excèderont Willard au point qu'un soir, il s'enfuit lâchement de la demeure familiale, abandonnant sa femme, sa toute petite fille et son bébé à naître. Et Vienna continuera sa vie, sa lutte contre la soumission en élevant seule ses deux enfants chéris, Willa et Elliott. La famille Daniels restera toujours en marge de Winsville car il est impossible pour Vienna de jouer le rôle qu'on attend d'elle, de se conformer à ce mode de vie provincial ou d'adhérer aux valeurs dominantes. Luttant contre la ségrégation dans un lieu ou le KKK est encore bien présent, refusant que ses enfants aillent à l'école dont le niveau est des plus désolants, se dérobant à toutes les mondanités et autres pratiques sociales, Vienna se coupera peu à peu du monde, entraînant ses enfants sans sa solitude. Mère aimante, magnifique mais non parfaite, elle éduquera ses enfants en leur enseignant la joie de vivre et l'amour des belles choses mais ne les armera pas pour s'insérer dans le monde. Par ailleurs, la douleur n'épargnera pas Vienna qui perdra successivement tous ceux qu'elle aimait et qui la maintenaient debout. Des drames saisissants, qui nous laissent, nous lecteurs, transis de tristesse...
L'écriture de Katherine MOSBY est belle, pleine de finesse et de nuance. L'évocation des gens est souvent mise en rapport avec la nature, le temps, la lumière : « Ils ne semblaient pas habiter le monde de la même façon que lui, rivé à la terre par sa large ossature à chacun de ses pas pesants. […] La famille Daniels suscitait en Addison le besoin d’une langue plus extravagante que ne le permettait son maigre vocabulaire. Plus tard, il ne pourrait expliquer ce qui avait rendu cette première rencontre avec les Daniels aussi fondamentale, mais il se rappellerait la façon dont la lumière miroitait à travers les branches des platanes, les feuilles en mouvement pointillant le sentier de cette même luminescence qu’il sentait à l’intérieur de lui, excitante et insaisissable. » Vienna, d'ailleurs, comblera sa solitude en s'occupant activement de tous les arbres et plantes de la ville et Elliott passera des heures à recueillir et à soigner des animaux blessés. Ce rapport à la nature donne au livre une sensation de légèreté malgré les tragédies que vont vivre les Daniels et cette mélancolie presque palpable qui enrobe tout le livre. Un récit poignant qui parle d'une femme entrée en résistance contre la mesquinerie de la nature humaine.
Lu dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Quai Voltaire/La Table Tonde, organisé par les bons soins de BOB que nous remercions chaleureusement.
Me voilà donc obligée de noter ce titre et ce nom d'auteur dans les indispensables et urgents de ma LAL :)
RépondreSupprimerMerci pour ton bel article
J'ai beaucoup aimé ce livre comme beaucoup d'autres lecteurs, il est plein de finesse, de délicatesse douloureuse, une réussite
RépondreSupprimerJe l'ai noté...et toujours pas à la biblio.
RépondreSupprimerJe l'ai déjà noté, et là, une petite couche en plus... comment résister ?
RépondreSupprimer@sybilline : et merci pour le gentil message !
RépondreSupprimer@Dominique : tout à fait d'accord avec toi.
@Clara : Argh. Bonne attente !
@Kathel : ne résiste pas !