Après les brillants Falsificateurs et Éclaireurs, le nouveau roman d'Antoine BELLO s'interroge sur le roman policier et ses subtilités. Étonnant...
On avait dévoré les Falsificateurs, roman foisonnant qui imaginait l'existence d'une mystérieuse organisation chargée de falsifier le réel et l'histoire. On avait bien entendu englouti la suite de cette géniale fiction sans être déçu (pour plus de détails, lire ici). On n'a évidemment pas résisté longtemps à acheter le nouveau Antoine BELLO, Enquête sur la disparition d'Emilie Brunet, étonnant roman sur la création littéraire en général, le roman policier et l'œuvre d'Agatha CHRISTIE en particulier.
Le détective Achille Dunot est retraité après un accident qui lui a valu un sérieux handicap : il souffre désormais d'amnésie antégrade. Chaque matin, il ne se souvient que des événements arrivés avant son accident. Sa femme doit donc lui rappeler sa maladie et lui faire le résumé des derniers jours. Et pourtant, c'est son aide que sollicite le chef de la police dans l'affaire de la disparition d'Emilie Brunet. Celle-ci, partie en balade avec son amant, n'est jamais revenue. Son mari volage, Claude Brunet, qui héritera de toute la fortune de celle qui allait bientôt demander le divorce, n'a pas d'alibi mais beaucoup de mobiles. Malheureusement, la police n'est pas sûre d'avoir assez de preuves pour l'envoyer en prison. Achille Dunot décide alors de reprendre toute l'enquête et de s'intéresser de plus près à cet homme brillant et vraisemblablement machiavélique qu'est Claude Brunet. Et pour se faire, Dunot commence la rédaction d'un carnet qu'il relira chaque matin et qui constitue le livre que nous, lecteurs, sommes en train de lire.
Il y a donc bien enquête dans le nouveau livre d'Antoine BELLO, mais celle-ci n'est que prétexte. Il y a aussi une réflexion sur le thème de la mémoire dans cet affrontement entre le détective amnésique et le présumé assassin qui n'est, ô surprise, rien de moins qu'un brillant neurologue. Et il y a surtout une réflexion sur le thème de la littérature. D'abord parce que Dunot est en train d'écrire un livre et que sa relecture, chaque matin, va l'inciter à corriger et à commenter son style. Ainsi, si nous, lecteurs, sommes un peu étonnés par le manque de style de la première partie du récit, on lit quelques pages plus loin les propos du narrateur nous en expliquer la raison : "Grosse déception à la lecture de la dernière entrée. La relation de mon entretien avec Brunet, succincte, pauvre en nuances et terriblement désincarnée, est à peu près aussi truculente qu'un dialogue entre deux ordinateurs. Une telle aridité m'interpelle. Pourquoi n'avoir consigné aucun des geste de Brunet, aucune de ses intonations, quand je sais l'importance que peut revêtir le moindre détail dans un interrogatoire? Ai-je manqué de temps ou dois-je envisager que j'ai perdu la main?" Et BELLO de couper sous nos pieds l'herbe de notre première critique.
Ensuite, il est question de littérature toujours par les nombreuses allusions au roman policier, à sa structure et surtout à l'œuvre d'Agatha CHRISTIE, dont le narrateur est un fan incontesté. A tel point que les références aux livres de la célèbre romancière anglaise se multiplient pour finalement faire partie intégrante du roman. Dunot finit par justifier les hypothèses de son enquête par des recoupements aux enquêtes d'Hercule Poirot. Et si son entourage semble craindre pour sa santé mentale, Brunet, lui, entre dans son jeu en relisant l'intégralité de l'œuvre d'Agatga CHRISTIE et en partageant ses impressions avec l'enquêteur.
Un exercice de style, donc, plein de prouesse et d'habilité. Le fait que nous n'ayons accès qu'aux retranscriptions hasardeuses d'un amnésique potentiellement fou et à celles d'un probable assassin ne nous permet de prendre aucun recul dans le déroulement de cette enquête et nous entraîne malgré nous dans les réflexions littéraires des deux hommes. Mais si le livre nous donne envie de relire certaines œuvres d'Agatha CHRISTIE, il manque, peut-être par cette prouesse narrative, d'un peu d'émotion. Difficile, en effet, de s'attacher aux personnages décrits sommairement (la manière d'Agatha CHRISTIE?) par le narrateur, à Brunet, personnage froid et impassible, ou même à Dunot lui-même, dont l'étrange cheminement intellectuel nous laisse un peu sur le carreau.
Que dire aussi de la fin ? Si elle comporte la pirouette que nous attendions depuis la dixième page, celle-ci est pour le moins un peu brumeuse et élusive. Je profite du coup de ce billet pour solliciter votre avis. Les lecteurs avertis de ce blog qui ont déjà lu le dernier Antoine BELLO pourrait-il nous donner leur interprétation sur la fin? (N'hésitez pas à indiquer clairement si vous divulguer des éléments de fin...pour ne gâcher le plaisir de personne). A lire au moins pour résoudre cette énigme !
Le détective Achille Dunot est retraité après un accident qui lui a valu un sérieux handicap : il souffre désormais d'amnésie antégrade. Chaque matin, il ne se souvient que des événements arrivés avant son accident. Sa femme doit donc lui rappeler sa maladie et lui faire le résumé des derniers jours. Et pourtant, c'est son aide que sollicite le chef de la police dans l'affaire de la disparition d'Emilie Brunet. Celle-ci, partie en balade avec son amant, n'est jamais revenue. Son mari volage, Claude Brunet, qui héritera de toute la fortune de celle qui allait bientôt demander le divorce, n'a pas d'alibi mais beaucoup de mobiles. Malheureusement, la police n'est pas sûre d'avoir assez de preuves pour l'envoyer en prison. Achille Dunot décide alors de reprendre toute l'enquête et de s'intéresser de plus près à cet homme brillant et vraisemblablement machiavélique qu'est Claude Brunet. Et pour se faire, Dunot commence la rédaction d'un carnet qu'il relira chaque matin et qui constitue le livre que nous, lecteurs, sommes en train de lire.
Il y a donc bien enquête dans le nouveau livre d'Antoine BELLO, mais celle-ci n'est que prétexte. Il y a aussi une réflexion sur le thème de la mémoire dans cet affrontement entre le détective amnésique et le présumé assassin qui n'est, ô surprise, rien de moins qu'un brillant neurologue. Et il y a surtout une réflexion sur le thème de la littérature. D'abord parce que Dunot est en train d'écrire un livre et que sa relecture, chaque matin, va l'inciter à corriger et à commenter son style. Ainsi, si nous, lecteurs, sommes un peu étonnés par le manque de style de la première partie du récit, on lit quelques pages plus loin les propos du narrateur nous en expliquer la raison : "Grosse déception à la lecture de la dernière entrée. La relation de mon entretien avec Brunet, succincte, pauvre en nuances et terriblement désincarnée, est à peu près aussi truculente qu'un dialogue entre deux ordinateurs. Une telle aridité m'interpelle. Pourquoi n'avoir consigné aucun des geste de Brunet, aucune de ses intonations, quand je sais l'importance que peut revêtir le moindre détail dans un interrogatoire? Ai-je manqué de temps ou dois-je envisager que j'ai perdu la main?" Et BELLO de couper sous nos pieds l'herbe de notre première critique.
Ensuite, il est question de littérature toujours par les nombreuses allusions au roman policier, à sa structure et surtout à l'œuvre d'Agatha CHRISTIE, dont le narrateur est un fan incontesté. A tel point que les références aux livres de la célèbre romancière anglaise se multiplient pour finalement faire partie intégrante du roman. Dunot finit par justifier les hypothèses de son enquête par des recoupements aux enquêtes d'Hercule Poirot. Et si son entourage semble craindre pour sa santé mentale, Brunet, lui, entre dans son jeu en relisant l'intégralité de l'œuvre d'Agatga CHRISTIE et en partageant ses impressions avec l'enquêteur.
Un exercice de style, donc, plein de prouesse et d'habilité. Le fait que nous n'ayons accès qu'aux retranscriptions hasardeuses d'un amnésique potentiellement fou et à celles d'un probable assassin ne nous permet de prendre aucun recul dans le déroulement de cette enquête et nous entraîne malgré nous dans les réflexions littéraires des deux hommes. Mais si le livre nous donne envie de relire certaines œuvres d'Agatha CHRISTIE, il manque, peut-être par cette prouesse narrative, d'un peu d'émotion. Difficile, en effet, de s'attacher aux personnages décrits sommairement (la manière d'Agatha CHRISTIE?) par le narrateur, à Brunet, personnage froid et impassible, ou même à Dunot lui-même, dont l'étrange cheminement intellectuel nous laisse un peu sur le carreau.
Que dire aussi de la fin ? Si elle comporte la pirouette que nous attendions depuis la dixième page, celle-ci est pour le moins un peu brumeuse et élusive. Je profite du coup de ce billet pour solliciter votre avis. Les lecteurs avertis de ce blog qui ont déjà lu le dernier Antoine BELLO pourrait-il nous donner leur interprétation sur la fin? (N'hésitez pas à indiquer clairement si vous divulguer des éléments de fin...pour ne gâcher le plaisir de personne). A lire au moins pour résoudre cette énigme !
Je le veux! J'aime cet auteur! Après, je verrai si je peux t'éclairer...
RépondreSupprimerJ'ai vu que cette critique était parue mais je me suis gardée de la lire avant de publier la mienne: http://artetlitterature.blogspot.com/2010/11/antoine-bello-enquete-sur-la.html
RépondreSupprimerPour la fin, elle ne m'étonne qu'à moitié; je me demande si ce n'est pas un défi à Bayard?
Commentaire très intéressant. Je note ce titre de cet auteur que je ne connais pas du tout.
RépondreSupprimerJe le veux aussi ! Je n'ai pas lu Bello depuis des années...
RépondreSupprimerje l'ai lu aussi, et comme vous, évidemment, ad-or-ée ! Je crois que je suis devenu fan des univers particuliers d'Antoine Bello.
RépondreSupprimerEt si c'est vrai qu'on ne s'attache pas aux personnages, ça ne m'a pas gêné. Ce n'est pas ce genre de lectures émotionnelles, il me semble...
Quant à la fin, eh bien je dois dire que je l'ai trouvé géniale, au premier sens du terme. Alors oui, on peut dire que c'est une ficelle facile. Mais pour moi, ça rassemble tout le génie de Bello, justement : du n'importe quoi dans un univers bien particulier, qui donne au lecteur la possibilité de voir s'il a bien suivi le fil de l'histoire et fait attention aux détails (même si le détail est un peu gros, qui sait, un moment d'inattention et on peut ne rien comprendre!).
Après je n'ai lu ni Bayard ni Agatha Christie (sauf quand j'étais petite), et peut être qu'il y a un clin d'oeil à ce niveau là ?
Ca ressemble pour moi aussi à la fin d'un des tomes de la série de Sjowall et Wahloo, couple de suédois. La fin de celui ci : le flic range son bureau à la fin de l'enquête et se rend compte que le nom du coupable était sur un post it sur son bureau depuis le début, avec tous les éléments nécessaire à prouver que c'était lui. S'il avait rangé son bureau au début, pas d'enquête, pas de livres.
Ca y ressemble de loin mais c'est aussi, pour moi, une espèce de pirouette autour de la littérature, pourquoi la littérature, pourquoi la littérature policière surtout ? Pourquoi l'enquête ? Y avait il eu vraiment lieu de faire cette enquête ? Au fond, pourquoi le chef demande à Achille d'enquêter alors qu'il perd la mémoire ? Si ce n'est justement parce que ce qu'il dit à la fin....
Bon, j'ai fait un commentaire hyper long, je suis désolée !
En fait j'ai vraiment aimé ce roman et quand je commence, je crois que je ne peux pas m'arrêter !
Surtout que je ne sais pas si j'ai été très claire dans ma vision de la fin...
Memento au pays d'Agatha Christie, voilà qui semble, malgré tes réserves, plutôt tentant.
RépondreSupprimer@keisha : j'attends avec impatience
RépondreSupprimer@françoisechatelain : du coup j'ai vite été lire la tienne. Effectivement, un défi à Bayard et un challenge intéressant.
@liliba : ne boude pas ton plaisir
@Emeraude : on adore les longs commentaires (surtout quand ils sont aussi intéressants) ! C'est pour ça qu'on fait un blog ! Pour les rencontres et le partage !
@In Cold Blog : plus des interrogations que des réserves. J'attends ton éclairage avec impatience.
La bibliothécaire qui en aparlé lors de la présentation des nouveautés à la médiathèque avait beaucoup aimé tout en précisant qu'elle n'était pas sure d'avoir bien compris la fin...vous m'intriguez tous...Il va falloir que je l'emprunte un de ces jours!
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup cet auteur, j'admire la façon dont il construit ses romans. Je vous conseille "Éloge de la pièce manquante" : une véritable œuvre d'art aussi, genre marqueterie...
RépondreSupprimerTres tentee, merci !
RépondreSupprimerTiens, un auteur français qui peut me plaire ! Merci pour ce beau billet.
RépondreSupprimerUne interview de Bello: http://www.evene.fr/livres/actualite/interview-d-antoine-bello-2899.php
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerje viens de terminer ce roman et je cherche désespérément à échanger sur le nœud de l'intrigue. Il me semble avoir trouvé une clé de lecture qui permettrait de relire le livre, mais je n'arrive pas à l'appliquer...
La chaudière allumée récemment dont on doit changer le brûleur en mai....
RépondreSupprimerMlle Landor dont un moment il dit qu'il n'a d'entrée sur ce nom alors qu'il en a déjà parlé et qui veut s'exprimer à la toute fin. Eugènie Laplace qui ment sur l'alliance.
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