2 septembre 2011

Si seulement nous avions le courage des oiseaux

Freedom, Jonathan FRANZEN

Poids lourd de la rentrée littéraire 2011, le nouveau FRANZEN est une réussite parfois trop évidente.

Les Berglund : famille bobo du Minnesota, en apparence sans histoire, au grand désespoir de leur voisinage. Patty est-elle vraiment la femme parfaite ? Mère à temps plein, épouse dévouée, ancienne championne de basket, toujours là pour les autres, … Du genre à préparer des cookies pour toutes les occasions. Trop de qualités aux yeux des autres habitants du quartier qui recherchent activement les craquelures à la surface de ce brillant vernis. Regardez par exemple l’adoration sans borne que Patty porte à son fils cadet, Joey. Alors que Walter, le père, tente d’inculquer à cet enfant des valeurs morales nobles et humanistes, Joey n’a de cesse de remettre en cause l’autorité parentale pour exercer son libre arbitre. Et Patty de sourire devant l’incroyable sens de la répartie de son enfant. Cependant, le conflit avec le père se durcit et Joey quitte la maison pour s’installer chez les voisins, déclenchant ainsi, en plus d’une sévère dépression chez sa mère, l’implosion de la cellule Berglund.
A côté de la micro-épopée familiale, on découvre l’histoire d’amour de Walter et Patty, sur laquelle plane depuis leur rencontre l’ombre de Richard, à la fois le meilleur ami de Walter et sa parfaire antithèse. Walter est responsable, raisonnable, attentif et idéaliste ; Richard est immature, volage, imprévisible et égocentrique. Les deux hommes voient en Patty des choses différentes et laissent s’exprimer chez elle des envies contradictoires. En choisissant Walter, c’est toute une part d’elle-même que Patty décide de laisser derrière elle. Pour combien de temps ?

Difficile de résumer ce roman touffu et pourtant limpide. Si l’intrigue familiale et amoureuse se veut intimiste, le contexte politique et social dans lequel elle s’inscrit ouvre des horizons bien plus larges. Enfants d’une génération qui pensait encore à changer le monde, Patty, Walter et Richard balancent entre l’aspiration à un idéal de réussite sociale et individuelle et un besoin de laisser une trace de leur passage sur terre. Mais que ce soit pour sauver la planète de la surpopulation, élever des enfants ou donner au monde sa musique, il faut passer par des compromis et faire bon usage de sa liberté. Tout le livre tourne autour de la question du choix et de la conséquence des actes que nous posons. Nous sommes libres, ce qui nous donne aussi le droit de nous planter dans les grandes largeurs… S’ensuivent dès lors les remords, les erreurs, les espoirs déçus et, souvent, les larmes.

Bizarrement, rien de trop plombant (en tous cas, dans mon souvenir, moins plombant que Les corrections). Le regard de FRANZEN est à la fois cynique et bienveillant. En alternant habilement les points de vue, il analyse avec une précision presque chirurgicale les aspirations banales et les névroses de la petite bourgeoisie américaine, des années 70 aux années Bush. Les pages défilent et, à part quelques métaphores un rien lourdingues, tout est impeccablement écrit, travaillé et efficace. Mais, et c’est presque paradoxal, on se retrouve parfois comme les voisins des Berglund à chercher la petite aspérité, quelque chose qui aurait échappé au contrôle de l’auteur. 
Il n’en reste pas moins que Freedom est un grand roman réaliste américain qui dresse brillamment le portrait d’une génération et d’un état du monde.

L'avis de Constance93 ici.

Référence :
Freedom, Jonathan FRANZEN, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Wicke, Éditions de l’Olivier, 2011

19 commentaires:

  1. comme s'il était trop parfait, en fin de compte ?
    c'est un roman que j'ai beaucoup aimé aussi, que j'ai trouvé sans failles. la structure, la complexité des personnages, la richesse des lieux, l'équilibre entre intime et politico-social... tout était calculé, mesuré, contrôlé.
    le seul reproche qu'on peut lui trouver, c'est peut-être le cliché final, avec Walter et Lalitha. ça relève presque de la série ou du téléfilm américain à mes yeux.

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  2. Un roman trop parfait, manquait plus que ça... J'ai trouvé Franzen cynique et bienveillant dans "Les corrections", c'est ce qui en fait l'humour, et jamais plombant, tout devrait donc me convenir.
    Et je ne sais pas comment sonne "Berglund" aux US, mais entendu d'ici, ça fait vraiment Duchmol...

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  3. Je l'ai demandé via les matches Pricem*****er !! Je suis impatiente ! J'adore le commentaire d'Ys, premier fou rire du week-end !

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  4. Trop parfait ou pas, 900 pages ou pas (!) c'est Franzen qu'il me faut !
    Et Murakami, Paul Auster, Philp Roth, James Frey qui vont débouler (et là c'est une infime sélection dans la littérature étrangère). Ça y est, c'est la rentrée :-)

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  5. Là, pas de souci, je l'ai déjà noté dans ma liste "rentrée", qui par ailleurs est très très mince (rien en roman français, quasiment).
    J'avais aimé Les corrections, avec ce nouveau on ne risque rien!

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  6. Après le billet d'Ys sur "les corrections" et vos billet à Constance et toi, je ne sais pas si je dois me plonger dedans...
    J'ai quand même peur que ce soit un peu "lourdingue"... C'est intriguant ceci dit. Je le lirai peut être, un jour... En attendant il faut que j'arrête de lire les billets sur Franzen :-)

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  7. Comme Anne je vais le recevoir via un certain site ;) je me garde donc ton billet de côté pour après ma lecture!

    Bonne rentrée!

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  8. @ Constance: la fin n'est pas la partie la plus réussie, c'est vrai. C'est même assez étrange d'avoir choisi cette voie-là.

    @ Ys: Pas vraiment les "Duchmol": ils sont un peu moins "ordinaires". Je cherche un autre nom en français mais pas d'idée. Des suggestions?

    @ Véronique: je vois que nous souffrons du même douloureux problème de PAL.

    @ Anne: en espérant que tu le reçoives. J'ai très envie de lire d'autres avis.

    @ Blake: Franzen et Auster: check! Et je suis en plein dans le Murakami: très très bien...

    @ keisha: pour une fois, j'ai noté quelques français dans ma liste de rentrée: "Brut" de Dalibor Frioux (quel nom romanesque!), "Le ravissement de Britney Spears" de Jean Rolin et "Limonov" d'Emmanuel Carrère.

    @ Emeraude: c'est quand même un grand grand romancier ce Franzen. Je te conseille d'y jeter un oeil, juste pour voir...

    @ Tiphanie: bonne lecture et à bientôt pour ton billet.

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  9. J'ai failli me laisser acheter par P****M******* rien que pour avoir le plaisir de recevoir ce roman et/ou le Murakami. J'attendrai de les trouver un jour ou l'autre. Je trouverai bien de quoi patienter dans ma PAL.

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  10. J'ai très envie de le lire maintenant que j'ai lu ce billet et cette envie me fait plaisir!

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  11. @ ICB: je n'ai pas ta patience, ô grand sage! Idem pour le Murakami!

    @ Mango: alors je suis très heureux de te faire plaisir (parce qu'en plus, c'est pas comme si personne ne parlait de ce roman...).

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  12. beaucoup parlent en très très bien de ce roman, qui me fait de plus en plus envie...

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  13. Avec plein de retard je viens de le terminer. Je l'ai en effet trouvé moins lourd que "Les corrections" que j'avais eu bien du mal à terminer à l'époque. Mais non, Franzen et moi, nous ne sommes pas potes. J'ai vraiment eu du mal à achever la lecture de ce roman et n'en suis pas sortie avec une très bonne impression ...

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  14. @ Anne-So: depuis ma lecture, j'ai vu d'autres avis sur les blogs et ils sont mitigés. Et tant mieux: je me méfie toujours des grands élans collectifs. Mais de mon côté je persiste: c'est un très bon roman!

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  15. je suis de l'avis d'Anne--So. Moi je n'ai pas pu terminer le livre et ce n'est pas faute d'avoir essayé. Long très long même si effectivement il écrit bien mais cela n'avance pas.

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  16. @ mrb: j'aime assez bien les romans qui prennent leur temps et je n'ai pas senti les longueurs.

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  17. Pour ma part, j'ai adoré car ce roman m'a donné quelques fous rires (et il est vraiment plus difficile de faire rire que de faire pleurer), l'envie de lire malgré tous les obstacles (enfants hurlant et mannes de lessive) et surtout l'évasion salutaire.

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  18. @ Amélie: j'ai parfois souri mais pas de fou rire... Mais comme toi, j'ai dévoré le tout sans voir passer les pages.

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