13 août 2009

Faut-il avoir peur du loup?

Une faim de loup, Anne-Marie GARAT

Une analyse fine et éclairante du Petit Chaperon rouge de PERRAULT par une dévoreuse de mots.


La petite fille, les galettes, le loup, la chevillette et la bobinette, la mère-grand, les oreilles, les yeux, les dents: les ingrédients sont connus et nous ne nous lassons pas d’entendre et de raconter cette histoire cruelle et sanglante (drôle d’histoire à raconter aux enfants avant de dormir…). Le charme continue d’agir et le conte de traverser les générations. C’est, pour l’enfant, l’entrée dans le monde de l’imaginaire, qui préfigure son entrée dans celui de la littérature et de l’art.
Comme souvent, la proximité, l’habitude font que nous passons peut-être à côté de certains détails ou encore ignorons finalement pourquoi ce conte est à ce point fascinant.
Anne-Marie GARAT (que nous aimons beaucoup beaucoup) propose une lecture du conte de PERRAULT, l’original, pas celui où un gentil chasseur viendrait délivrer la jeune étourdie du ventre du loup (comme dans la version des frères GRIMM). Non, GARAT se penche sur ce petit bijou littéraire du 17ème siècle et en donne une analyse selon différents angles. Histoire et histoire littéraire, sociologie, psychanalyse, linguistique, étude stylistique.
Dans la Psychanalyse des contes de fées, Bruno BETTELHEIM avait déjà proposé une analyse psychanalytique du conte, mais sans utiliser la version de PERRAULT.
Le texte est archi-connu, mais pourtant, à y regarder de plus près (et c’est à relire de toute urgence ici), il semble soudain abriter des mystères. Pourquoi la mère et la mère-grand sont-elles « folles » de l’enfant ? Pourquoi la fillette, pas idiote, ne voit-elle pas la différence entre le loup déguisé et son aïeule ? Et pourquoi, alors que finalement elle n’est coupable d’aucune désobéissance, le Petit Chaperon rouge est-elle dévorée par le loup ?
A travers l’observation fine et pleine d’intelligence des mots et du récit, dont la cruauté n’a pas d’équivalent dans les autres Contes de ma mère l’Oye, GARAT nous ouvre les yeux sur la multiplicité des sens que nous pouvons dégager. Et nous fait découvrir des évidences insoupçonnées. Par exemple, nous pensions savoir ce qu’est un chaperon : une petite cape dotée d’un capuchon. Et bien pas du tout ! Le chaperon est une coiffe, « un petit bandeau d’étoffe rembourrée porté sur le haut de la tête » (p. 100), un accessoire qui, à l’époque de PERRAULT, était déjà passé de mode depuis longtemps. Pourquoi dès lors la mère-grand a-t-elle affublé la petite de cette coiffe de vieille femme ? Et rouge en plus !
Selon GARAT, ce que le conte peut nous apprendre, par-delà sa morale convenue sur le fait qu’il faut se méfier des beaux parleurs, est les dangers du dévoiement des rapports mère-fille.
Par delà l’histoire, le récit, il y aussi une analyse précise de la langue, du matériau du conte et de son jeu sur l’oralité. C’est le plaisir des mots, le goût des sonorités, du langage. Et pour nous amener au plus près de cette histoire de dévoration, Anne-Marie GARAT se fait loup. Car, comme pour chaque livre de l’auteur, on reste enchanté par cette langue qui se régale des mots, s’amuse avec eux. Et de ce loup-là, nul besoin de se méfier.

3 commentaires:

  1. J'aime beaucoup Anne-Marie Garat et je ne savais pas qu'elle avait fait une lecture du "Petit chaperon rouge"! Je note illico ! Merci !

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  2. Difficile de résister, en effet. Bonne lecture

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  3. C'est marrant de voir tout ce qui a pu être tiré du Petit chaperon rouge (ex: Sarah Moon). Je note cette référence.

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