Œuvres complètes - volumes 1 et 2, Marguerite DURAS
Duras fait partie des quelques auteurs qui, quand j’étais adolescent, m’ont fait aimer la littérature. Alors que j’étais certainement beaucoup trop jeune pour apprécier et peut-être même comprendre ce que traversaient les personnages des Petits chevaux de Tarquinia, cette première rencontre avec l’univers de l’auteure m’avait donné envie d’entendre encore cette voix particulière. Une manière unique d’aborder le langage pour en faire jaillir une musique étrange, envoûtante, languide. Durant de nombreuses années, j’ai parcouru une bonne partie de l’œuvre de Duras, renouvelant à chaque fois la surprise et le ravissement, pour reprendre un terme durassien. La fameuse musique, bien sûr, mais aussi sa manière d’aborder la psychologie du personnage, frontale et pourtant embusquée. Duras donne à voir, à travers la langue qu’elle utilise, un accès aux pulsions enfouies, entre éros et thanatos. Ses héroïnes m’ont toujours donné l’impression d’exprimer de profonds désirs, des passions violentes qui vont et viennent entre le dedans et le dehors. Je garde des souvenirs très forts de tous ses romans, même ceux que j’ai le moins aimés (on a souvent parlé de ses derniers livres où elle semblait presque parodier son propre style pour aller vers une sorte de dépouillement rempli de tics d’écriture) : Le ravissement de Lol V. Stein, Moderato Cantabile, Le marin de Gibraltar, Le vice-consul, La maladie de la mort, … Je ne jouerais pas les puristes en disant que je n’ai pas aimé L’amant (Goncourt qui la propulsa sur un malentendu dans la catégorie des auteurs populaires) mais je lui ai préféré L’amant de la Chine du Nord, scénario qu’elle écrit en réponse à celui du film d’Annaud).
Traversant une bonne partie du vingtième siècle, de la Résistance aux années Mitterand, le parcours de la femme témoigne également, dans sa vie privée, d’une forme d’insoumission et de recherche de liberté. Et sur le sujet, je vous recommande chaudement la lecture de la biographie que Laure Adler lui avait consacrée en 1998.
Et voici donc que quinze ans après sa disparition, Duras fait son entrée dans le Panthéon des « classiques », avec la publication des deux premiers tomes de ses Œuvres complètes dans la Pléiade. L’occasion de relire mais aussi de découvrir. Par exemple, son second roman, La vie tranquille, qui même s’il croule un peu parfois sous un psychologisme indigeste, installe déjà les bases de ce qui fera la particularité de l’univers durassien : une femme au prise avec des désirs inconciliables, une famille dysfonctionnelle, des envies d’infini, symbolisé par l’image de la mer et une tension entre la mort et le désir.
Effet purgatoire ou oubli, j’ai remarqué que la blogosphère parlait finalement très peu des romans de Duras. Alors ? Des impressions, des souvenirs ?
Référence :
Œuvres complètes - volumes 1 et 2, Marguerite DURAS, Bibliothèque de la Pléiade, 2011.
On a lu l'amant pour la chaine des livres, et honnêtement, ce fut vraiment une belle surprise!
RépondreSupprimerJoli billet !
RépondreSupprimerJe n'ai jamais lu Duras, elle fait partie pour moi de ces écrivains qui impressionnent, souvent à tort, parce que j'imagine une œuvre complexe, peut-être rébarbative...
J'ai le même a priori avec Proust, dont je viens de me procurer les premiers tomes de "La recherche..".
Je note donc qu'il faudra qu'un jour, je lise Duras...
j'ai lu l'amant, quelle écriture sensuelle et merveilleuse ! Clara ( le retour)
RépondreSupprimerTu as reçu la Pleiade Duras à Noël ? Tu as été gâté si c'est le cas :) Il faut que j'avoue : j'ai dû lire Moderato cantabile en dernière année du secondaire, et ça m'a éloignée de cette romancière...
RépondreSupprimerTu as raison de dire que Duras est peu présente sur les blogs. Suite à la publication de mon billet sur "La maladie de la mort", j'avais remarqué que beaucoup de blogueuses rechignaient à la lire.
RépondreSupprimerD'après le peu que j'ai lu d'elle, il me semble que son style est peu accessible et exigeant en ce qu'il invite le lecteur à chercher au delà du silence souvent instauré comme un personnage à part entière.
Ses livres sont rarement légers. Aussi nécessitent-ils une certaine concentration de la part du lecteur. C'est peut-être ça qui en décourage certain(e)s ?
Alors je suis fière d'en avoir déjà parlé sur mon blog ;-p. J'aime beaucoup cette auteur, depuis le secondaire, grâce à ma professeur de français qui nous avait fait découvrir le film "Hiroshima mon amour" (inutile de dire que je me suis précipitée sur le livre après!). Je n'avais pas réalisé qu'elle était si absente de la blogosphère.
RépondreSupprimerEt je continuerai certainement d'en parler parce qu'elle sera à l'honneur de mon club de lecture dans quelques mois.
J'adore Marguerite DUras et je me souviens de la jour de sa mort où j'ai lu des extraits d'Hiroshima mon amour pour une émission de radio que j'animais sur une radio associative, la voix cassée par l'émotion (et aussi une extinction de voix!).
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup aussi la pluie d'été.
Elou
@ keisha: alors il faut continuer à découvrir l'univers de Duras!
RépondreSupprimer@ Ingannmic: absolument pas rébarbative, je confirme (Proust non plus, d'ailleurs!).
@ Clara (le retour!): très sensuelle, c'est vrai, comme dans ses autres romans.
@ Anne: pas à Noël, pour mon anniversaire! ;-) "Moderato cantabile" n'est pas un livre facile et j'hésiterai avant de le donner à des élèves. Mais tu peux p-ê lui redonner une chance.
@ Cynthia: aller voir au delà du silence, c'est très bien dit. Ramenons les blogueurs vers Duras: objectif 2012!
@ Cachou: comme souvent, les auteurs passent par une sorte de "purgatoire" après leur disparition. Et dans le cas d'un personnage aussi médiatique que Duras, ce n'est pas étonnant. Mais cette réédition va peut-être permettre à ceux qui ne connaissent pas ses livres de les découvrir.
@ Elou: l'écriture de Duras vaut vraiment la peine d'être entendue, c'est juste. C'est pour ça que j'aime assez bien son théâtre également.
J'ai lu "L'amant" il y a peut être un an ou deux et j'avais beaucoup aimé son écriture, son style. Depuis j'en ai lu deux autres mais à chaque fois j'oublie les titres... A part 'l'amant", je ne pense pas en avoir parlé sur la blogosphère. Je crois qu'erzebeth a parlé du ravissement de Lol V.Stein il n'y a pas si longtemps, ce qui m'avait donné très envie de le lire. Et je me suis retrouvé à lire autre chose (dont j'ai oublié le titre évidemment...) qui n'est pas du tout un roman et que j'ai déniché dans la bibliothèque de mon cher et tendre. Mais tu as raison, il faudrait que je lise plus de Duras. J'aimerais bien avoir toute son oeuvre mais je n'aime pas du tout lire dans la Pleiade...
RépondreSupprimerAppreciatte your blog post
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