1 février 2011

Classé sans suite

Retour parmi les hommes, Philippe BESSON

Retrouvailles avec le jeune héros du premier roman de Philippe BESSON.

« Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. »
Contrairement aux contes, la plupart des romans nous donnent la possibilité d’imaginer la suite de l’histoire. Que deviennent tous ces personnages qui, le temps de la lecture, nous ont emmenés dans leur sillage? Une fois le livre refermé, ils restent parfois en nous, comme les souvenirs de ces amis d’enfance dont on finit par perdre la trace. Alors faut-il ou non donner suite à un roman qui, au départ, n’en attendait pas et risquer les retrouvailles ? C’est la question que l’on peut se poser après avoir lu Retour parmi les hommes où Philippe BESSON, dix ans après la parution de son premier roman En l’absence des hommes, nous donne des nouvelles de son jeune héros.
Nous avions quitté Vincent de L’Étoile, alors âgé de seize ans, en plein désarroi. Dans le cocon doré de sa jeunesse des beaux quartiers, pendant que la guerre terrassait l’Europe, il découvrait l’amour dans les bras d’un soldat en permission et, en même temps, l’amitié délicieuse et ambiguë du plus sensible des mondains, Marcel Proust. Mais la guerre réclamait son dû et Arthur, l’être aimé, celui par qui le corps de Vincent s’était révélé à lui-même, est tombé au champ de bataille, laissant son jeune amant désolé et sur le départ. Vers où ? C’était au lecteur d’imaginer la suite.
J’avais été très touché par ce premier roman qui rendait compte, avec beaucoup de grâce et de sensualité, des premiers émois amoureux de l’adolescence. L’écriture de BESSON, enlevée, lyrique mais maîtrisée, sonnait juste (les romans qui ont suivi m’ont semblé souvent plus laborieux et un rien affectés). Se décider de lire cette suite, c’était à la fois vouloir retrouver un peu de cette intimité avec le personnage mais aussi s’exposer à la comparaison et, comme souvent dans ces cas-là, à la déception.

Dans Retour parmi les hommes, Vincent raconte d’abord la lente dérive qui l’a, durant sept années, éloigné de Paris et de sa famille avec qui il a coupé les ponts. Des terres étrangères, exotiques dont il goûte à peine la saveur particulière. La douleur de la perte l’a rendu étranger à lui-même et aux autres et c’est dans la solitude, loin du confort de Paris, qu’il découvre le monde, suivant presque sans le vouloir les traces du Rimbaud-voyageur. Et puis ce sera le départ pour le Nouveau Monde, un pays de promesses où l’on peut se réinventer et repartir à zéro. Mais, on l’apprend rapidement, il est impossible d’échapper à sa famille et à son milieu et Vincent finira par rentrer à Paris, retrouvant le vide que ses années d’errance n’ont pas réussi à combler.
La première partie du roman est un très beau récit de voyage où l’on retrouve avec un certain plaisir le personnage de Vincent, solitaire, presque mutique, une page blanche qui ne demande qu’à être remplie. La suite, en ce qui me concerne, passe moins bien et BESSON, en voulant écrire un roman dans le sillon du premier, semble vouloir à tout prix ressortir les mêmes schémas (je n’en dirai pas plus afin de ménager l’effet de surprise) et finit par lasser un peu. Il y a dix ans, je trouvais son écriture légère ; aujourd’hui, elle me semble de plus en plus lourde et faussement précieuse (les quelques passages un peu sensuels frisent même la littérature à l’eau de rose). Je ne suis pas certain que BESSON ait radicalement changé sa manière d’écrire. Ce dont je suis certain, c’est que je ne suis plus le même lecteur qu’il y a dix ans.
Difficile de conseiller ou de déconseiller. Les inconditionnels de l’auteur aimeront certainement. Ceux qui le liront en souvenir du premier pourraient être déçus.

Référence :
Philippe BESSON, Retour parmi les hommes, Julliard, 2011.

7 commentaires:

  1. Ton billet me fait douter et je préfère rester sur ma bonne impression du premier roman !

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  2. Inutile de te dire que j'ai hâte de me faire ma propre idée, d'autant que j'aimerais effacer le mauvais souvenir des deux derniers romans de Besson qui m'avaient profondément déçu.
    Si tu avais appréhendé ce roman-ci de façon autonome, sans prendre en compte qu'il est la suite d'En l'absence des hommes, sans point de comparaison, n'aurais-tu pas mieux apprécié ce roman ? C'est une question que je me pose et c'est sans doute ainsi que je vais attaquer ma lecture. Affaire à suivre, donc.

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  3. J'ai découvert Besson il y a peu avec la trahison de Thomas Spencer que j'ai apprécié et qui 'ma donc envie de lire d'autres livres de Besson, mais le titre dont tu parles ne me donne pas envie de le lire.

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  4. j'ai lu "en l'absence des hommes" il y a deux semaines à peu près uniquement dans le but de lire "retour parmi les hommes".
    Je n'avais donc absolument pas le même rapport aux personnages !
    Et si j'avais trouvé quelques longueur à 'en l'absence des hommes', j'ai été ravie de trouver un peu plus d'action dans 'retour parmi les hommes'.
    En tout cas, ce sont pour moi deux très beau textes, très bien écrits mais qui ne resteront pas dans ma mémoire.
    Enfin c'est faux, en fait, il y a de si belles scènes dans 'en l'absence des hommes' qu'avec le recul, je suis d'accord avec toi : il faut lire en l'absence des hommes, mais on peut se passer de la suite...

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  5. Même avis que toi sur l'évolution de cet auteur. Avant, je me précipitais; maintenant, je suis plus réticent.

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  6. @ Clara: bonne idée!

    @ ICB: Non, même en faisant abstraction du premier, cela ne changerait pas grand chose à mon avis. J'ai trouvé le tout trop fabriqué.

    @ Tiphanie: si tu n'as pas lu "En l'absence des hommes": fonce!

    @ Emeraude: C'est vrai qu'il y a plus de mouvement dans le second, mais au final pour pas grand chose. Au contraire, je pense que le premier était plus centré, plus cohérent.

    @ calystee: je pense qu'il est presque impossible, en publiant un livre par an, de ne pas tomber dans la parodie de soi-même et parvenir à ré-inventer son écriture. Les auteurs qui y parviennent sont très rares, non?

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  7. Je viens de le terminer, et comme toi, il y a une petite déception... Par contre, c'est l'inverse: j'ai plutôt apprécié la fin que la partie sur le voyage, où j'ai bien eu peur de relire "se résoudre aux adieux" en concentré.
    Finalement, cela reste un bon roman pour moi, mais qui menace de sombrer à plusieurs reprises dans l'auto-caricature !
    bon dimanche,

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