23 septembre 2010

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Suite(s) Impériale(s), Bret Easton ELLIS

La suite de Moins que zéro, vingt-cinq plus tard: non, non, rien n’a changé.

Si je me réjouissais de voir arriver la rentrée littéraire, ce n’était pas pour pouvoir me dire chaque jour combien j’aimerais pouvoir lire davantage, mais bien parce que j’avais depuis longtemps repéré l’arrivée d’un nouveau BEE.
Depuis l’adolescence, et la découverte mi-effrayé/mi-séduit d’American Psycho, ELLIS est un auteur que j’ai abordé à tous les âges avec toujours autant d’intérêt et de plaisir. Chacun de ses romans m’a fait l’effet d’une plongée en apnée, dans un univers et un style. J’ai relu il y a quelques semaines Moins que zéro, dont le présent ouvrage est la suite. L’effet était inchangé. Le caractère implacable de l’écriture et du rythme, la déshumanisation progressive des personnages, le traitement du temps à la fois distendu et perméable : j’ai replongé. C’est dire si l’attente était grande…
On retrouve donc les mêmes personnages, vingt-cinq ans plus tard. La jeunesse dorée et paumée de Moins que zéro fait maintenant partie du petit-monde du showbizz hollywoodien. Clay est devenu écrivain et scénariste et, comme dans le premier roman, il revient à Los Angeles après s’en être éloigné quelque temps.
Les premières pages sont d’une virtuosité stupéfiante: Clay raconte comment lui et les autres protagonistes du premier roman ont regardé le film adapté de ce roman qui, malgré eux, les mettaient en scène. Clay n’était donc qu’un personnage de ce récit à la première personne et semble donc reprendre la main dans ce nouvel opus (euh… vous me suivez ?).
De retour à LA pour le casting d’un film, il retrouve ses anciennes connaissance et cet immense miroir aux vanités qu’est l’industrie du film. Sexe, alcool et anxiolitiques, errance, hésitations : Clay n’a finalement pas beaucoup grandi. Très vite, il est persuadé d’être suivi, espionné. Il reçoit d’étranges messages, des menaces qu’il tente d’oublier en tombant sous le charme d’une jeune femme prête à tout pour un rôle. Jusqu’où Clay pourra-t-il se perdre ? Quelle est sa part de liberté ? N’est-il à nouveau qu’un personnage manipulé dans un scénario qui le dépasse ?
L’utilisation du présent dans l’écriture donne à ce roman un rythme particulier. Des scènes qui se répètent, des rencontres, des soirées où l’ennui et le désespoir se diluent dans un verre de tequila, on avance de plus en plus vite vers une sorte d’horreur angoissée, le roman hésitant sans cesse entre le roman noir et le thriller, version David Lynch. J’ai parfois eu l’impression que l’auteur cherchait à créer du suspense là où il n’y en avait pas besoin, tout étant ici question d’ambiance, d’atmosphère. Un cauchemar éveillé. Derrière la critique acerbe de l’univers factice et nombriliste d’Hollywood, Suite(s) Impériale(s) est avant tout un roman sur l’homme et sa faculté à se perdre dans la réalité et de s’enfoncer dans l’horreur.
Même si le roman m’a moins emballé que les précédents (comme Lunar Park, mon préféré), cela n’en reste pas moins d’une grande maîtrise et, à nouveau, je suis resté suspendu quelque part dans l’univers « ellissien », perdu et  à court de souffle, jusqu’à la dernière phrase.

Lu dans le cadre d’un partenariat organisé par BOB, qu’on remercie, et les éditions Robert Laffont.

D’autres avis chez Stef et Pierre.

11 commentaires:

  1. Je n'arrive pas à accrocher aux romans de BEE. Ton billet me donne quand même envie de lire le livre. Je vais peut-être attendre la sortie poche pour me laisser convaincre.

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  2. J'ai lu, il y a bien longtemps, Glamorama... Même si BEE n'est pas un auteur vers lequel je penche naturellement, tu me donnes envie de réessayer, tiens.

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  3. J'attendais la sortie de ce roman avec impatience et j'ai adoré...C'est un roman vraiment très noir, et quel style !

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  4. Eh bien, je suis en train de lire Moins que zéro, et je rencontre normalement Bret Easton Ellis demain, puisque je vais au festival America :) Il me semble bien que je vais continuer avec Suites impériales, en tous cas, tout ça est très positif, ça me donne envie de découvrir ce style si particulier dont tu parles !

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  5. @ Lukes: je te conseille plutôt de commencer par "Moins que zéro" (déjà en poche)

    @ ICB: Pourtant, en relisant "Moins que zéro", j'ai pensé à Fitzgerald et à Gatsby, version années 80...

    @ bookomaton: tu m'en vois bien aise.

    @ Sara: Oui, je trouve aussi.

    @ Sébastien L: Bonne rencontre! Tu vas aussi écouter Jay McInerney?

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  6. C'était super, BEE est très drôle, mais j'ai trouvé sa communication assez froide, finalement: il ne donne pas beaucoup dans sa relation aux lecteurs.
    J'ai fini moins que zéro, chronique parue: j'avoue que j'ai été agacé et que ce n'est pas le meilleur livre que j'ai lu, puis j'ai eu un déclic: l'écriture qu'il adopte te permet d'être personnage du livre, c'est quand même géant. Respect, donc, mais j'attends de lire suite(s) impériale(s) pour juger du talent :)
    bon dimanche

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  7. Ah oui, j'ai été à la lecture par Emmanuelle Devos: sans doute l'un des moments les plus forts du festival :)

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  8. De Bruxelles à Bruxelles via le Golb, la boucle est bouclée. Tout ça pour dire que j'ai lu ce bouquin mais que j'ai préféré Moins que zéro. J'en parle ici:
    http://popupmonster.wordpress.com/2010/08/18/books/

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  9. Je suis assez d'accord avec toi pour la balance entre deux genres. On dirait qu'il sait pas vraiment où aller, ça oscille entre le noir et le suspense, et on final au lieu d'aller à fond dans l'un, on reste un peu entre les deux. Du coup, je trouve que le tout a moins d'impact. D'autant plus que le roman est à mon sens trop court pour pouvoir bien jouer sur les deux tableaux. C'est dommage. Je vais essayer de retranscrire ça maintenant.

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  10. Un auteur que je ne connais pas encore...

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