Un retour brut et sans concession sur la guerre d’Algérie.
Un village de France, un après-midi, sous la pluie. Bernard, qu’on appelle Feu-de-bois, débarque à l’anniversaire de Solange, sa sœur. Malgré l’effort vestimentaire, il est repoussant. Sale, avec cette odeur de cheminée qui le suit partout. Pour une fois, il est sobre, mais avec lui, on n’est jamais sûr de rien. On l’évite, on préfère faire comme s’il n’était pas là. Mais quand il va vers Solange pour lui offrir une broche qui vaut certainement une fortune, toute la famille explose de colère. Indécent, oui, indécent ce cadeau alors qu’il n’a rien, que tous lui ont prêté un jour de l’argent, de quoi vivre, de quoi boire. C’est certainement l’argent de la Vieille, sa mère, qu’il aura retrouvé quelque part dans la maison.
Et quand un peu plus tard, Feu-de-bois revient à la charge, saoul, et qu’il voit Chefraoui, un ami de sa sœur, il lâche un mot, un mot venu de loin, un mot tu, un mot derrière lequel se cachent quarante années de silence, un mot qui déclenche un engrenage de violence et qui vous réveille la nuit.
Rabut, le cousin de Bernard, assiste à toute la scène et c’est vers lui que viennent les gendarmes pour raconter ce que Feu-de-bois est allé faire chez Chefraoui après la fête. Ce drame ouvre une porte dans la mémoire et ramène à l’Algérie, à ce groupe de jeunes hommes partis à la guerre sans trop savoir pourquoi et revenus sans en savoir beaucoup plus.
Là-bas, c’était un quotidien de peur, de tension et, peu à peu, d’horreur. Des images impossibles à effacer. Impossible de raconter, non pas la défaite, mais la violence et l’horreur de la guerre, la cruauté, la barbarie, la déshumanisation progressive d’un ennemi invisible, proche et étranger à la fois.
Pourtant, il a fallu revenir et se forcer à oublier, pour avancer, pour redevenir un homme comme les autres. Donc pour comprendre le geste de Feu-de-bois, Rabut convoque le passé et revient sur son Algérie et celle de son cousin, si loin de ces photos de soldats bronzés au bord de la mer, seules traces de ces années-là.
Le roman débute comme un fait divers réaliste, brut, dans une écriture nerveuse qui rend compte du bruit du groupe face à celui qui en est exclu. Au fur et à mesure que les personnages reviennent vers le passé, MAUVIGNIER délie son style, le fluidifie pour le resserrer et se rapprocher du bruit sourd de ce qu’on n’arrive pas à dire. L’écriture est tendue d’un bout à l’autre du roman et agrippe le lecteur dans ce voyage vers l’horreur. C’est de l’histoire, mais au niveau de l’individu, pas de la politique (comme dans A la vitesse de la lumière, de J. CERCAS). Peut-être un moyen pour l’auteur de parler d’un conflit que la France a encore du mal à aborder.
(Niveau 3)
Mauvignier est un grand écrivain. Pour le moment, en ce qui me concerne, ça a été un "sans faute".
RépondreSupprimerSi les critiques "officiels" sont unanimes à propos de Des hommes, les billets que j'ai pu lire ça et là (http://sylire.over-blog.com/article-36546806.html - http://laccrodeslivres.canalblog.com/archives/2009/10/01/15232255.html) sur les blogs sont plus réservés, tous soulignant une écriture pénible. Ce qui m'étonne, mais ne m'empêchera nullement de lire ce roman dès que possible.
C'est clair que la langue est très très travaillée et cela peu, au départ (mais aussi dans le côté répétitif), un peu déranger. Pour moi, ce serait plutôt la force du livre: travaillé, mais pas affecté.
RépondreSupprimerl'intention de ce livre est noble mais les mots presque trop durs, le style trop haché et le travail d'écriture difficilement abordable pour la lectrice que je suis.
RépondreSupprimermais c'est un roman utile et vrai qui chamboule.