Certaines n’avaient jamais vu la mer, Julie OTSUKA
Le chœur tragique d’une génération de femmes exilées, devenues esclaves dans l’Amérique moderne. Un roman à l’écriture puissante et poétique.
Elles ont quitté leur pays, leur famille, leurs amis. Elles ont embarqué pour l’Amérique et traversé l’océan. Elles sont parties avec dans leurs maigres affaires le nom et la photo du compatriote qu’elles devaient épouser. Elles ont espéré trouver l’amour, du travail, une famille : espoir de vivre mieux que chez elles, mieux que leurs parents. À l’arrivée, pas de prince charmant. Une vie à trimer pour trois fois rien, toujours pour les autres, à subir les colères d’un mari, à s’occuper des enfants, à tenter de s’intégrer à une société qui ne les considère que comme une main d’œuvre rigoureuse et fiable, certes, mais fourbe. Une vie de servitude.
Avec ce court roman, Julie Otsuka nous fait découvrir une partie de l’histoire de l’immigration japonaise aux États-Unis, à travers la voix de ces femmes qui ont tout quitté pour venir s’installer, auprès d’un homme qu’elles n’ont pas choisi, dans un Eldorado qui prend rapidement des allures de bagne ; une désillusion à la hauteur de leurs espérances. Citoyennes de seconde zone, considérées avant tout selon les qualités que les blancs attribuent à leur « race », elles deviennent, au moment où le Japon entre en guerre avec les États-Unis, une menace pour la sécurité du pays.
La grande force du livre réside dans l’écriture. L’auteure juxtapose, additionne, sans jamais s’attacher à un personnage en particulier. Le texte est constitué de fragments de vies, rangés selon les étapes de leur parcours. Elle donne voix aux anonymes mais ne leur concède qu'une seule identité, celle du groupe, de la masse. Le choix de la narration en « nous » est un choix stylistique puissant et, pour le coup, pertinent. Comme dans leur vie, il n’y a aucune place laissée à l’individu. Bien que différentes, leurs histoires se confondent, se mélangent pour former au final un chœur parlé, le chant d’une génération de femmes exilées.
Référence :
Certaines n’avaient jamais vu la mer, Julie OTSUKA, traduit de l’anglais (États-Unis) par Carine Chichereau, Phébus, « Littérature étrangère », 2012.
Bon "roman", belle idée que ce "nous", en effet.
RépondreSupprimerJe suis souvent allergique à ce genre d'effet de style mais là j'ai tout de suite accroché.
SupprimerIl est déjà dans ma PAL !
RépondreSupprimerLukes! Content de te revoir passer par ici! Comment va?
SupprimerBien merci :-)
SupprimerJe n'ai pas encore repris mon blog, mais je continue à suivre les vôtres ;-)
On aura p-e d'ailleurs encore l'occasion de se revoir un de ces jours.
Bonne continuation sur ce blog
Entièrement d'accord avec toi : ce choix du "nous" est très pertinent et l'auteur maîtrise parfaitement son utilisation.
RépondreSupprimerJ'avais lu ton billet et on est du même avis, semble-t-il.
SupprimerJ'ai moi aussi été séduite par l'écriture de ce roman. Le choix de l'auteur -cette narration à la 1ère personne du pluriel- peut au départ surprendre et sembler risqué mais je l'ai finalement trouvé adapté à son propos. Elle dresse le portrait d'une sorte de destin collectif, ces femmes se retrouvant prisonnières de leur statut commun d'étrangères, considérées par les hommes en fonction non pas de ce qui fait la particularité de chacune, mais selon l'utilité qu'elles pourront avoir à leurs yeux.
RépondreSupprimerEt en plus, on apprend quelque chose. J'ignorais complètement cette vague d'immigration japonaise et, surtout, comment elle s'était terminée.
SupprimerPuissant et poétique, c'est exactement ça. J'ai beaucoup aimé.
RépondreSupprimerJ'avais envie de reprendre quelques billets à la fin du mien et puis je me suis rendu compte... qu'il y en avait trop! J'ai lâchement abandonné...
SupprimerToujours sur ma LAL...
RépondreSupprimerA la vitesse à laquelle je lis en ce moment, de l'eau aura coulé sous les ponts d'ici à ce que je m'y plonge (dans le roman, pas dans l'eau !)
Début d'année au ralenti (sur la lecture) chez toi aussi alors? Je pense qu'il faut se rendre à l'évidence: on ferait beaucoup mieux de passer l'hiver sous la couette!
SupprimerJe rejoins le choeur des "lectrices-lecteurs" ayant apprécié le "nous", ayant apprécié le soutien qu'il apporte à l'histoire, à la narration, ayant apprécié l'effet liste, addition juxtaposition, ayant apprécié de recouvrir un morceau d'histoire que je ne ne connaissais pas, ayant tout apprécié en fait !
RépondreSupprimerNOUS avions tous aimé le même roman. ;-)
SupprimerTrès beau billet sur un livre que j'ai hâte de découvrir !
RépondreSupprimerEN 2018? ;-)
SupprimerIl me tarde de découvrir ce livre !
RépondreSupprimerC'est une lecture qui reste, qui marque, même après plusieurs mois.
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