25 janvier 2013

À cœur vaillant rien d’impossible

Le Grand Cœur, Jean-Christophe RUFIN

La vie aventureuse de l’Argentier de Charles VII, personnage aux multiples facettes, en équilibre entre le Moyen Âge et la Renaissance.

Enfant, Jacques Cœur, fils d’un modeste pelletier de Bourges, a vu débarquer un étrange personnage dans l’atelier de son père. Dans son grand sac se trouvait un animal aux couleurs étonnantes, d’une sauvagerie et d’une beauté rarement vues dans cette petite ville du milieu de la France : un léopard. Pour Jacques, l’épisode a sonné comme une promesse : il y avait là, quelque part, ailleurs, un monde à découvrir, une vie à rêver, loin de la France en guerre avec l’Angleterre depuis des dizaines années.
Devenu adulte, alors que Charles VII reprend lentement les rênes du pays, il se lance dans les affaires et, après avoir découvert les richesses de l’Orient, se rapproche du pouvoir royal. Visionnaire, homme d’affaires et de cour, Jacques Cœur use de son intelligence et de son imagination pour faire de sa vie une aventure… qui ne lui amènera pas que des amis. 
Je serais certainement passé à côté de ce roman si l’une de mes charmantes collègues de notre comité de lecture ne l’avait proposé à notre dernière réunion. Le roman historique n’est pas ma tasse de thé et – mais vous me direz que je suis sectaire – la mention « Académie française » sur la couverture d’un roman fonctionne sur moi comme un repoussoir… Et pourtant j’ai passé un excellent moment sur les traces de Jacques Cœur, et pas seulement parce que c’était l’occasion de me rappeler mes cours d’histoire.
Rufin, lui-même originaire de Bourges, a voulu redonner au personnage historique toute son envergure. Jacques Cœur est souvent, à tort, uniquement considéré comme une sorte de ministre des finances avant l’heure. C’est oublier le rôle essentiel qu’il a joué dans les liens entre la France et l’Orient. À cette époque, il n’est plus question de croisades mais d’échanges commerciaux. Le début du XVe siècle est une époque charnière : c’est la fin de la chevalerie, du pouvoir des grands seigneurs propriétaires de la terre, du servage. Un autre monde prend forme où l’argent vaut davantage qu’un titre de noblesse. Jacques Cœur s’inscrit pleinement dans le mouvement général de cette société, lui le bourgeois qui prête aux nobles afin qu’ils puissent assouvir leurs désirs de luxe et d’ostentation. Son ascension sociale en fait un personnage d’une grande densité romanesque, pleine de contradictions et de nuances.
L’écriture de Rufin est vivante et parvient, sans trop d’artifices, à donner une impression de décalage dans le temps. Il remplit les vides laissés par l’histoire avec beaucoup d’imagination, tout en collant de près aux faits avérés. Et c’est avec plaisir que l’on voyage avec le personnage à travers le monde et le temps : entre Orient et Occident, entre Moyen Âge et Renaissance.

Référence :

Jean-Christophe RUFIN, Le Grand Cœur, Gallimard, 2012.

4 commentaires:

  1. Je pense que c'est un titre qui me plairait beaucoup. J'ai entendu Rufin en parler à la radio et depuis je me dis qu'il faut que je le trouve à la médiathèque.

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    1. Je ne connais pas très bien tes goûts mais j'imagine que si le sujet te plait, c'est un bon départ.

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  2. Anne-Sophie31/01/2013 20:40

    Je suis assez fan de Rufin dont il faut absolument avoir lu "L'abyssin". J'ai adoré "Le grand coeur", acheté et dévoré dès sa sortie !

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    1. Je pense que c'était mon premier Rufin. Je note "L'abyssin", merci du conseil.

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