17 janvier 2013

Z. et lui (et nous, et moi)

Les Boîtes en carton, Tom LANOYE

S’embarquer à la poursuite des souvenirs d’adolescence et de celui, terrible et fascinant, du premier amour : un sujet bateau, sublimé par le style drôle et incisif d’un auteur qui confirme toutes ses promesses.

Dans la petite ville de P., en Flandre orientale, au début des années 1970, une chose simple, innocente et, osons le mot, parfaitement naturelle : une personne en aime une autre. Mais si cette personne est un jeune garçon et que l’être aimé l’un de ses condisciples, les choses se compliquent…
Tom Lanoye ouvre les boîtes en carton de sa mémoire et conte au lecteur ce premier grand amour, cette passion amoureuse, et, à l’époque, sulfureuse, pour Z., ce beau garçon athlétique, charmeur et dangereusement ambigu.
C’est aussi l’occasion pour l’auteur de nous faire partager le quotidien d’un fils de petits commençants flamands dans la Belgique de l’après-guerre. Car chez Tom Lanoye, le récit ne se fait jamais en ligne droite (comme dans La Langue de ma mère). Si le fil conducteur de l’histoire reste bien celui de sa relation, banale et dévorante, avec Z., l’auteur nous prend par la main et nous entraine, avec une jubilation contagieuse, à la découverte de ses proches (famille, amis, professeurs, …), de son école et de la middle class flamande. Les détours qu’il fait prendre à son histoire forment d’étonnantes circonvolutions, jamais gratuites : l’explication du sentiment nationaliste flamand, la pratique du tourisme de masse ou encore, dans un long passage furieusement drôle, la frénésie masturbatoire du narrateur à l’adolescence.
Alors, bien sûr, c’est l’histoire d’un garçon qui en aime un autre. Mais il serait dommage de réduire ce roman à cette seule dimension (même si, à voir et à entendre les manifestants français de dimanche dernier, il y a encore du boulot…). Les Boîtes en carton est, avant tout, le portrait d’un ado qui découvre l’amour. Sa passion silencieuse pour Z. le fait souffrir, l’exalte, l’interroge, le vampirise, le rend idiot. Les affres de l’adolescence : qui est-on ? Qui aime-t-on ? Comment être même et différent à la fois, individuel et collectif ? L’auteur dépeint avec humour et une incroyable tendresse l’ado qu’il était, sans complaisance. Un exercice périlleux mais qui échappe ici à tous les pièges de l’auto-fiction.
Comme l’auteur nous y invite, au fil des pages, on replonge aussi dans ces années-là. On repense à toutes ses premières fois, à la découverte maladroite du corps, des sentiments et des désirs. On repense à son propre Z....
Mon Z. à moi était, évidemment, le plus beau de toute l’école ! Face à lui, je ne savais que dire, que faire : une grenouille à côté d’un prince charmant (mes histoires manquent de princesses...). Et petit à petit, on s’est apprivoisé. Mais ça c’est une histoire que je garde pour mes propres boîtes en carton...

Référence :
Les Boîtes en carton, Tom LANOYE, traduit du néerlandais (Belgique) par Alain van Crugten, Éditions de La Différence, 2013.

4 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas du tout et je m'empresse de noter. J'aime faire des découvertes comme celle-là^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Lanoye est plus connu dans le monde francophone pour ses pièces de théâtre mais ses deux romans traduits en français sont vraiment à découvrir.

      Supprimer
  2. Et tu ne m'avais jamais parlé de cet auteur ??!!! (à supposer que Xavier est bien l'auteur de cette chronique, comme je le pense)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Héhé... La littérature belge est un secret bien gardé...
      Oui, c'est bien Xavier qui est l'auteur du billet (mais comment diable as-tu pu le deviner... ;-)). Je pense que ça pourrait te plaire (et peut-être, comme pour moi, te rendre tout nostalgique).

      Supprimer