29 août 2010

Girl power

Les assoiffées, Bernard QUIRINY

Farce politique et médiatique avec pour cadre le comble de l’exotisme: la Belgique.

En 1970, une révolution éclate aux Pays-Bas et se répand à la Belgique et au Luxembourg. Depuis lors, le Benelux, territoire d’un empire aux frontières infranchissables, est devenu terra incognita. Un groupe d’intellectuels parisiens, avec à leur tête Pierre-Jean Gould (un intellectuel parisien à trois initiales, ça ne vous dit rien ?), se prépare à embarquer pour une destination inédite et ô combien extrême : la Belgique !
Cette satire burlesque et mordante s’articule autour de deux récits. D’un côté, le journal intime d’Astrid, une jeune Belge, qui décrit de l’intérieur le fonctionnement de l’Empire. De l’autre, le compte rendu du voyage des Français qui ne verront de l’Empire que ce que leurs hôtes voudront bien leur montrer.
Mais que se passe-t-il de si extraordinaire en Belgique, me demanderez-vous ? Et bien une révolution d’un genre nouveau, si j’ose dire : les femmes ont pris le pouvoir ! Sous la férule d’Ingrid et de Judith, respectivement Grande Bergère et Bergère, les femmes ont installé un régime totalitaire aux accents féministes et lesbiens. Les Français parviendont-ils à voir ce qui se cache réellement sous la façade souriante et bon enfant des sujettes de l'Empire ?
Il ne m’aura fallu que deux pages pour sauter à pieds joints dans ce roman à l’humour grinçant. La description de l’état totalitaire fait écho à 1984 (notamment par de clins d'œil dans le récit d'Astrid) mais sous l’angle de l’ironie ou de l’humour noir, tant les lubies et la démesure du pouvoir y sont poussées à l’extrême. L’attitude docile et souvent béate des visiteurs français tient clairement de la farce. J’ai pensé plusieurs fois à Délégation de très faut niveau, ce numéro culte de l’émission Stip Tease sur la mission de parlementaires belges en Corée du Nord (à voir ici).
Après Contes carnivores, recueil de nouvelles qui lorgnaient du côté du fantastique (Prix Rossel 2008), Bernard QUIRINY propose un roman original, bourré d’imagination et qui parvient, par l’humour, à proposer une réflexion sur la politique, la manipulation et la vanité d’une certaine élite intellectuelle parfois coupée de la réalité. Même si le rythme est parfois inégal, c’est une lecture réjouissante qui redynamise le genre passionnant de la contre-utopie. Et puis, alors que notre pays est embourbé dans des négociations institutionnelles sans fin, il est amusant d’imaginer cette autre Belgique (même si, en tant qu’homme, l’empire des Bergères n’a rien de très réjouissant…).
Sébastien L, à qui je disais mon impossibilité de lire la livraison annuelle d’Amélie Nothomb, me demandait de lui conseiller des auteurs belges ; en voici un qui vaut le détour.

PS: Pour ceux qui voudraient aller plus loin dans leur découverte de la littérature belge (et des auteurs belges francophones), Reka propose un challenge à découvrir ici.

14 commentaires:

  1. Tu renforces mon envie de le lire! et merci pour le lien vers ce chef-d'œuvre d'humour qu'est La Délégation de très haut niveau...

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  2. @ Françoise: Je pense que Quiriny a aussi revu ce reportage. Certaines scènes du roman en sont presque des citations.

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  3. Celui- là j'vais pas l'louper !!!! Merci !

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  4. J'avais bien aimé les nouvelles des "Contes carnivores". Je me laisserai peut-être tenter par ce nouveau roman de Quiriny (peut-être dans le cadre du challenge). Et j'ai beaucoup aimé l'émission sur cette délégation de haut niveau ;-)

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  5. Cette lecture a l'air en effet assez sympathique. Bien qu'on soit assez loin de ce que j'aime lire en général, je serais bien tentée de l'explorer lors d'un tour prochain en bibliothèque...
    Merci pour ton soutien vis-à-vis du Challenge "littérature belge" ;)

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  6. @ Mir: je serai curieux de savoir ce que tu en penses. Tu feras un billet spécial?

    @ Lukes: J'avais moyennement accroché aux "Contes carnivores" mais celui-ci m'a vraiment amusé.

    @ Reka: A défaut de participer au challenge...

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  7. Bon dieu, j'ai bien fait de lire cet article ! J'avoue que le titre du bouquin me rebutait un peu, je ne sais pas pourquoi, mais après avoir lu ta chronique, j'ai bien envie de le mettre dans ma pal !
    J'adore les romans dans la veine contre-utopie réussi, et celui-ci a l'air très imaginatif. Sur la thématique totalitaire, lire aussi "la servante écarlate" de Margaret Atwood, une auteure canadienne que j'affectionne tout particulièrement.
    Et je note cet auteur belge, donc ! Merci :)

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  8. Jamais lu cet auteur mais ce roman fait partie de ceux qui me font de l'oeil...

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  9. @ Sébastien L: Nous aussi on aime Atwood et "La servante... ": http://voyelleetconsonne.blogspot.com/2009/09/femme-tout-faire.html

    @ Emeraude: A découvrir.

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  10. Ah super ! Des fans d'Atwood ! Je n'ai pas encore lu grand chose d'elle, mais assez pour l'aimer: la servante écarlate, le dernier homme, le fiasco du labrador, et la femme comestible (très bon aussi d'ailleurs celui-ci)

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  11. Ok, avec toute mon équipe, je m'y engage !

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  12. Livre sélectionné pour le goncourt... ou le renaudot, je ne sais plus :)

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  13. Renaudot.
    Livre époustouflant jusqu'à 40 pages de la fin, où tout se casse la gueule. passé à deux doigt du chef d'oeuvre...
    dommage aussi ces histoires de plagiats, et ces fautes énormes...

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  14. ps : "la livraison annuelle" de Nothomb est très bonne en 2010 ! voir : http://culturez-vous.over-blog.com/article-amelie-nothomb-une-forme-de-vie-roman-160-pages-albin-michel-aout-2010-15-90-55679650.html

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