Un livre illustré pour adulte ou les périples d'un serrurier tourmenté.
Pourquoi les romans illustrés sont-ils réservés aux enfants. Pourquoi, nous, adultes et grands enfants (je pense à nos chers élèves…), ne pouvons-nous allier plaisir de la narration à celui de l’illustration, découvrir la suite d’une histoire par les mots ou par le dessin qui l’accompagne, enrichir le récit que l’on lit par les détails que l’on voit ? Il n’y a aucune raison, semblent répondre les éditeurs belges (un peu de nationalisme, faisons découvrir à nos lecteurs français un peu de notre patrimoine culturel, et promettons-leur d’ailleurs de publier tout bientôt un article spécial littérature belge) des éditions Estuaire qui ont eu la brillante idée de sortir des Carnets Littéraires, dont le principe est de faire collaborer un auteur avec un illustrateur. Ce n’est pas de la bande-dessinée, ni de la littérature jeunesse, mais bien de la littérature illustrée pour adulte. Comme une bonne idée ne vient jamais seule, les éditeurs ont pensé à Tonino BENACQUISTA pour écrire l’un des ouvrages de cette collection. BENACQUISTA, auteur prolifique, a écrit de nombreux romans, dont les très remarquables Saga, Quelqu’un d’autre et Malavita et est aussi scénariste (il a co-scénarisé avec Jacques Audiard les extraordinaires films Sur mes lèvres et De battre mon cœur s’est arrêté dont je me retiens avec difficulté de vous parler beaucoup plus longuement). Par ailleurs, il a également travaillé avec la bande dessinée puisqu’il a écrit l’adaptation d’une de ses nouvelles, La boîte noire, et un scénario original, L’outremangeur (qui a eu droit malheureusement à une maladroite adaptation au cinéma), tous deux illustrés par FERNANDEZ. Rien de surprenant donc à ce qu’on ait pensé à lui. Lorsqu’on lui a parlé du projet, BENACQUISTA a évoqué timidement le nom de TARDI, sans oser rêver que ce dernier accepte. Or, non seulement TARDI accepta de participer à l’un des carnets, mais sans savoir que BENACQUISTA avait pensé à lui, il proposa précisément le nom de cet auteur, avec qui il avait envie de collaborer depuis longtemps. Le hasard fait bien les choses. Sauf que ce n’est pas tout à fait le hasard. En effet, ces deux hommes ont bien des points communs : artistes populaires (au sens le plus élogieux du terme) ne se pliant jamais à aucun diktat de la mode culturelle, touches à tout (et avec brio), ils créent ou adaptent de vraies bonnes histoires, avec des personnages sombres mais franchement humains, des camarades terriblement attachants. De plus, tous deux ont un gros faible pour le polar (BENACQUISTA en a écrit de nombreux, TARDI a créé l’enquêteuse Adèle Blanc-Sec et adapté de nombreux Nestor Burma, le détective créé par Léo MALLET). Enfin, ils assument l’un et l’autre une culture populaire (BENACQUISTA dit que sa vocation d’artiste lui vient de la télévision) et n’en sont pas moins de vrais amateurs de littérature (TARDI a adapté, entre autres, des œuvres de CELINE). Ils étaient donc faits pour se rencontrer. De leur collaboration est né Le Serrurier volant : l’histoire de Marc qui, pour oublier la tragédie qu’il a vécue, quitte tout et se reconvertit en serrurier indépendant. Il ferme la porte de sa vie pour ouvrir celle des autres mais certaines serrures vont lui ouvrir des fenêtres sur le passé et lui permettre de penser à l’avenir. Une belle petite histoire, un conte moderne, bien écrit, bien ficelé, mis en valeur par les illustrations de TARDI qui représentent parfaitement l’ambiance décrite par BENACQUISTA. Deux art(tiste)s pour le prix d’un, double plaisir.
PS: il semblerait que les éditions Estuaire aient arrêté cette série, mais le volume BENACQUISTA-TARDI est disponible en Folio.
(Niveau 1)
C'est vrai que l'initiative était intéressante. Il semblerait malheureusement qu'elle soit abandonnée (plus de nouvelle parution depuis 2007).
RépondreSupprimerDe tous les volumes parus, celui-ci est celui qui me tente le plus, avec le volume de Michel Quint.
J'avais moi aussi adoré ce titre. Edité en france par folio qui a effectivement apparemment fait plusieurs titres dans cette collection illustré mais on n'en voit pas beaucoup...
RépondreSupprimerEn tout cas, tout ce que tu dis me renvoies complètement à ce que j'ai ressenti à la lecture de ce roman. Pourtant je l'ai lu il y a un certain temps déjà, mais le souvenir que j'en ai est resté bien ancré en moi.
Il faut dire que je suis une fan de benacquista !