21 décembre 2012

Alice ou De l’éducation

So much pretty, Cara HOFFMAN

Premier roman qui, sous des airs de polar, donne à lire un point de vue original et subtil sur la violence faite aux femmes.

À Headen, petite ville du nord de l’État de New York, tout le monde se connaît et partage la même existence en demi-teinte. C’est pourtant là que vient s’installer une jeune famille de la grande ville qui tente de mettre en pratique ses idéaux écolos-bobos. Mais la réalité les rattrape et le trip campagnard amène son lot d’amertume au sein du couple. Cependant, l’éducation libre et progressiste que les deux idéalistes offrent à leur fille Alice porte ses fruits : l’enfant fait preuve d’une intelligence hors du commun et d’une imagination débordante.
C’est également à Headen qu’atterrit Stacy, une journaliste de Cleveland qui se voit proposer le poste de rédactrice en chef de la gazette locale. L’actualité à Headen ? Pas de quoi gagner le Pulitzer… Lorsque le corps de Wendy, une jeune fille du coin, est retrouvé au terme d’une enquête bâclée, pas de doute pour Stacy : quelqu’un de la communauté est impliqué dans le meurtre. Mais le pire reste à venir.
Le premier roman de Cara Hoffman débute comme un polar avec la découverte de ce corps féminin abandonné, devenu inutile à celui qui s’en était emparé. Mais au lieu de plonger dans l’enquête, l’auteure prend des chemins de traverse. L’histoire de la famille d’Alice apparaît assez vite comme le centre du récit. Travail harassant, confrontation quotidienne avec la misère de la grande ville, convictions politiques et rêves de retour à la terre : les motivations qui ont poussé les parents d’Alice à quitter New York sont multiples et, finalement, dans l’air du temps (j’ai parfois pensé au Freedom de Jonathan Franzen). Peu à peu, entre leur histoire et celle de l’enfance d’Alice, des éléments de l’enquête apparaissent, notamment à travers l’histoire de Stacy, la journaliste, qui, elle aussi, n’est qu’une pièce rapportée dans la petite communauté d’Headen. La disparition de Wendy émeut d’abord les habitants et puis tout semble rentrer dans l’ordre. N’a-t-on pas déjà vu cela ? Une jeune fille qui laisse derrière elle un trou perdu pour aller voir ailleurs si l’herbe y est plus verte ?
Et puis, l’air de rien, entre les interrogatoires des proches de la jeune fille et les éléments d’enquête de la journaliste, d’autres pièces à conviction : les devoirs d’école d’Alice. À mesure que le roman avance, le puzzle se met en place et une autre intrigue apparaît, terrible, presque impensable. Il serait évidemment dommage d’en dire plus car l’une des grandes réussites de ce roman tient dans sa faculté à surprendre le lecteur.
Au final, plus qu’un polar ou que le portrait d’une communauté, ce roman propose un point de vue original sur la violence faite aux femmes, de manière assez subtile et romanesque. Étonnant de ne pas en avoir entendu parler davantage…

Référence :
Cara HOFFMAN, So Much pretty, traduit de l'anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson, Stock, La Cosmopolite noire, 2012.

6 commentaires:

  1. Oh mais que ce billet est prometteur! Merci de présenter ce roman, jamais vu ailleurs!

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    1. Cela m'étonne vraiment. C'est un très bon roman, avec des thèmes qui plaisent généralement à pas mal de monde. Il a peut-être été englouti dans la masse en septembre?

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  2. Un premier roman de cette intelligence-là... je le note !! je le veux !!!

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  3. C'est un des premiers titres de la nouvelle collection de polars chez Stock il me semble. Elle a l'air de débuter sur de bons rails.

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    1. Effectivement. Si les autres titres sont dans la même veine, cela risque d'être une chouette collection.

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