7 janvier 2011

A stranger in paradise

L’étrangère, Sándor MÁRAI

Errance existentielle sous un soleil de plomb. Ami des Zweig, Mann et autres : sois ici le bienvenu.

Viktor Henrik Askenazi a quitté Paris pour une petite station balnéaire de la mer Adriatique. Un « tout petit endroit », un refuge ; une punition ? Pressé par son entourage, Askenazi s’en est allé en vacances pour prendre de la distance par rapport à une situation qui mettait à mal les conventions de la bonne société de l’entre-deux guerres. Comment un homme installé, érudit, a-t-il pu quitter sur un coup de tête femme et enfant pour s’installer dans un hôtel avec une danseuse ? Une semi-mondaine, une cocote, une étrangère. Peut-on parler de passion amoureuse ? Pas certain. Askenazi, après avoir exploré à ses côtés les possibilités offertes par le corps, a quitté la danseuse, doutant d’avoir trouvé dans cette odyssée sensuelle les réponses aux questions qui l’assaillent. S’ensuit une période de doutes et d’angoisse existentielle.

Les premières pages de ce roman écrit en 1934 sont éblouissantes de maîtrise. L’écriture de MÁRAI, auteur hongrois, y dresse le portrait d’une petite société bourgeoise usée en lutte avec une chaleur plombante. Un monde d’apparences et de bon sens étriqué –  on est loin des années folles – dans lequel Askenazi dénote profondément. La suite du roman propose l’introspection du personnage qui tente de comprendre et de calmer ses angoisses. Il revient sur la rencontre avec la danseuse, sur les réactions de son entourage et sur ce qu’on appellerait aujourd’hui sa dépression. Les choses et les êtres ne font plus sens, la foule semble une masse prête à mettre au pilori celui qui tente de s’en extraire, la chaleur pèse et la folie rôde.
En lisant ce roman, on pense bien évidemment à d’autres auteurs de la Mitteleuropa qui ont consacré leurs œuvres à la description du fonctionnement de l’homme moderne : ZWEIG, KAFKA et MANN (et plus particulièrement à son Mort à Venise dont on retrouve ici la chaleur et la déraison). Le personnage qui peu à peu prend conscience de l’absurdité de son existence fera aussi penser à Meursault et il est amusant de constater que le parcours de celui-ci ressemble assez fort au héros de L’étrangère. (Notons que le titre orginal, "A Sziget" ("L’Île") est, selon moi, certes moins camusien mais beaucoup plus fidèle au roman).
Le style de MÁRAI impose rapidement une intimité totale avec le personnage tout en parvenant à garder une certaine distance qui permet, heureusement, de sortir parfois de la pesanteur du cheminement philosophique. C’est au final un portrait humain d’une grande richesse, sans concession mais d’une terrible justesse.

Un roman conseillé par Yohan.

Référence :
Sándor MÁRAI, L’étrangère, traduit du hongrois par Catherine, Albin Michel, 2010.

3 commentaires:

  1. Sandor Marai fait partie de ces auteurs que je n'ai jamais lu mais que je compte bien lire un jour. On s'amusait à faire une liste avec une collègue et j'avais oublié ce cher Sandor Marai ! Et pour les curieux, dans le désordre et en oubliant sûrement plein il y a : Irving, Makine, Vargas Llosa, Le Clézio, Philippe Besson, Fante...
    j'en avais totalisé 10 avec ma collègue et j'ai déjà oublié !!! :-)

    RépondreSupprimer
  2. Tiens, de la littérature hongroise ? Pourquoi pas, ma foi ... A voir, quoique je sois un peu prude et que les odyssées sensuelles ne soient pas trop ma tasse de thé ... Amitiés, bonne semaine.

    RépondreSupprimer
  3. Un excellent roman, je confirme. Je n'ai depuis pas eu l'occasion de me plonger plus longuement dans l'oeuvre de Marai, mais je le ferai, assurèment !

    RépondreSupprimer