16 février 2010

Through the wilderness

Sukkwan Island, David VANN

Huis clos tragique et angoissant sur le thème du retour à la nature.

D’habitude, je mets plusieurs jours avant d’écrire sur un bouquin. Le temps de laisser décanter, d’avoir un peu de recul. Mais ce coup-ci, j’avais le besoin de parler de Sukkwan Island alors que je venais à peine de refermer le livre. Nœud dans le ventre, limite nauséeux, gorge serrée.
J’ai donc lu cette longue descente aux enfers d’un père et d'un fils partis s’installer pour une année, seuls, sur une île de l’Alaska coupée du monde. Robinsons modernes (on pense à Into the wild), ils s’organisent afin de préparer l’arrivée de l’hiver. Pêche, chasse, construction, séchage des aliments. Un projet un peu fou, une utopie à laquelle Jim, le père, tient beaucoup. Une manière de fuir une vie qui ne veut pas de lui, d’oublier ses déboires conjugaux et de se rapprocher de Roy, son fils de treize ans. La vie s’organise la journée autour du travail et des préparatifs et, la nuit, les sanglots de Jim empêchent Roy de dormir. Les confessions du père jettent sur le fils l’ombre d’un soupçon et l’envie de quitter l’île. D’autant que les déconvenues s’accumulent et que l’île est loin d’être un refuge paradisiaque. Le jeune ado sent monter peu à peu les tensions et ne sait plus comment réagir face à ce père borderline.
Il ne faut pas en dire plus car l’une des forces du livre est de surprendre le lecteur par des retournements de situations qui laissent pantois. On ne voit rien venir et pourtant, tout était bien là…
Dans les relations père-fils, j’en étais resté à La route et à son message d’humanité. Ici, dans cette autre histoire de solitude et de lutte pour la survie, on bascule dans la tragédie et la folie. VANN transforme l’un des grands thèmes de la littérature américaine, l’homme face à l’immensité de la nature sauvage (comme ici), en décor de huis clos angoissant qui fait remonter à la surface la part d’ombre des personnages. Le style est parfois un peu répétitif, mais la construction est parfaite et, malgré l’horreur grandissante, on peut difficilement lâcher le livre.
Il faudrait vraiment avoir passé les trois derniers mois sur une île pour ne pas avoir entendu parler de ce roman qui a fait le tour de la blogoboule, mais pour les distraits, on peut trouver un lien vers les différents billets sur BOB. Et pour en savoir plus sur l'auteur, In Cold Blog propose un compte rendu d'une rencontre avec David VANN.

(Niveau 2)

8 commentaires:

  1. Entre autres choses, la figure du père m'a fortement impressionnée : très juste. La promenade avec sac de couchage coulant m'a semblée plus laborieuse, mais indispensable.

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  2. @ bookomaton: très juste, enfin, euh... heureusement que tous les pères ne sont pas ainsi!

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  3. "Juste" dans la description d'une personne abusive, pas d'un parent en règle générale ;-)

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  4. bonjour, je découvre votre blog, ce livre est l'un de mes derniers coups de coeur, j'ai adoré!

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  5. Peut-on proposer ce livre à des élèves??? Franchement, j'en doute.

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  6. Et pour quelles raisons, cher anonyme?

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  7. Je trouve simplement que c'est un livre trop violent, trop cru. Je n'oserais pas le proposer à mes élèves parce que j'ai déjà essuyé des réactions négatives pour des livres bien moins durs (appel anonyme, convocation par la direction ...). Je pense que même sans cette "censure" que j'ai vécue, je ne l'aurais pas proposé parce que je sais que beaucoup de famille sont confrontées au suicide et que je ne m'estime pas armée, formée pour aborder pertinemment ce sujet avec mes élèves, même si le problème de l'enfant-médicament est bien abordé. Pour terminer, si la première partie du livre m'a séduite, je n'en dirais pas autant de la seconde...
    L'anonymat n'est pas volontaire: je n'ai pas de blog et ne possède pas les informations exigées par les autres catégories (url et cie)!

    Mathilde Cotton

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  8. C'est un livre que j'ai déjà proposé à des élèves (de dernière année), dans une liste "au choix", avec évidemment un petit mot sur le contenu parfois difficile du bouquin. Ce n'est pas un livre à imposer, c'est certain.

    Je ne pense pas qu'on puisse tout donner à lire à des ados, il y a un choix à opérer, ce qui pour moi n'est pas synonyme de censure. Et jusqu'ici je n'ai jamais eu de problème.

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